Chapitre 3 : Les nouvelles procédures budgétaires issues de la LOLF

A

vant d’envisager la procédure d’élaboration proprement dite du budget de l’État, en distinguant de manière très classique la préparation du budget (II) et son adoption (III), voire de son adaptation en cours d’exécution (IV), il convient de présenter le cadre juridique de cette élaboration (I).

I. Le cadre d’élaboration du budget de l’État

Le cadre budgétaire est basé sur une idée de cycle permettant de relier entre eux les exercices afin d’améliorer continuellement la gestion publique. Or, si ce cycle budgétaire a été rénové (A), lui aussi, par la LOLF, le support juridique du budget, c’est-à-dire les lois de finances, est resté le même (B).

A – Le cadre juridique : les lois de finances

La loi de finances constitue l’acte juridique fondamental du droit budgétaire en ce qu’il permet au Parlement non seulement de donner son consentement à l’impôt mais également d’autoriser, de suivre et de contrôler l’utilisation des deniers publics. La loi de finances est ainsi sur le support juridique du budget. Ce droit de regard du Parlement va s’effectuer par le biais des différentes catégories de lois de finances qui vont venir ponctuer le cycle budgétaire. Si certaines incertitudes pesaient sur la nature des différentes lois composant le cycle budgétaire sous l’empire de l’ordonnance de 1959, la LOLF a clarifié cette difficulté en énumérant expressément les différentes catégories de lois de finances. L’article 1er de la LOLF disposant qu’ « ont le caractère de lois de finances : 1° La loi de finances de l’année et les lois de finances rectificatives ; 2° La loi de règlement ; 3° Les lois prévues à l’article 45 ».

1. La loi de finances initiale

La loi de finances de l’année est le texte qui débute le cycle budgétaire de chaque année civile. Il s’agit d’un document prévisionnel voté par le Parlement qui conditionne l’existence des autres catégories de lois de finances. La loi de finances détermine et fixe la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État. Il s’agit donc d’un acte de prévision et d’autorisation relatif à l’ensemble des opérations financières de l’État. La loi de finances se distingue donc de la notion de budget puisque ce dernier est constitué de l’ensemble des comptes qui décrivent, pour chaque année, toutes les ressources et toutes les charges permanentes de l’État. En somme, on distingue le budget, document comptable constitué de l’ensemble des prévisions de recettes et de dépenses pour l’année à venir, de la loi de finances, acte juridique, qui en constitue le support matériel. La loi de finances se décompose en deux parties distinctes.

La première partie vise essentiellement à autoriser la perception des ressources de l’État, à en évaluer le montant, à fixer le plafond des dépenses du budget général, des budgets annexes, le plafond de charges de chaque catégorie de comptes spéciaux et à arrêter les données générales de l’équilibre budgétaire. La seconde partie, quant à elle, va notamment détailler le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, le plafond des autorisations d’emploi ainsi que le montant du plafond des reports.

Le contenu de la loi de finances, détaillé à l’article 34 de la LOLF, peut être distingué en trois catégories de dispositions :

Toute autre disposition ne peut avoir sa place en loi de finances et constitue ainsi un « cavalier budgétaire » qui pourra être censuré par le Conseil constitutionnel s’il est saisi (CC, n° 82-154 DC, 29 décembre 1982, Loi de finances pour 1983).

2. Les lois de finances rectificatives

Les lois de finances rectificatives (autrement appelées « collectifs budgétaires ») sont prévues à l’article 35 de la LOLF. Ces lois ont une triple fonctionnalité :

la modification de l’autorisation budgétaire accordée par le Parlement en début d’année : La loi de finances initiale ne peut être modifiée en cours d’exécution que par une loi de finances rectificative. La LFR constitue ici la continuité logique de l’autorisation budgétaire, en ce sens que le consentement du Parlement sera à nouveau demandé pour permettre les réorientations budgétaires souhaitées par le gouvernement ;

l’approbation des mesures réglementaires prises en cours d’exécution et modifiant la loi de finances (ce qui concerne notamment toutes les ouvertures de crédits opérées par décrets d’avances). La LFR aura ici pour fonction d’opérer la ratification des mesures prises par le gouvernement en cours d’exécution, tout particulièrement en fin d’exercice budgétaire (certains parlent même de loi de finances « ratificative »). La multiplication des LFR en cours d’exercice n’est pas sans poser la question de la valeur réelle de l’autorisation budgétaire de début d’année (par exemple, en 1975 et 1981 ou plus récemment en 2010, pas moins de quatre lois de finances rectificatives ont été adoptées pour chacun des exercices), sans compter que le débat parlementaire sur la LFR, surtout lorsque celui-ci a lieu en fin d’année civile (c’est-à-dire concomitamment avec le débat budgétaire sur la loi de finances de l’année), n’est que purement formel (ordre du jour surchargé, implication amoindrie des parlementaires) ;

l’édiction de mesures législatives nouvelles : depuis la loi de finances rectificative pour 1981, on voit de plus en plus souvent apparaître au sein des LFR des dispositions législatives nouvelles, soit en matière économique, soit en matière budgétaire (afin de ne pas surcharger la loi de finances initiale).

3. La loi de règlement

La loi de règlement a vocation d’achever le cycle budgétaire commencé par la loi de finances de l’année. La loi de règlement permet de constater les résultats budgétaires de l’exercice et d’approuver les ultimes modifications apportées à l’autorisation budgétaire en cours d’exécution. Malgré une qualification non équivoque de loi de finances par les textes, la loi de règlement dispose d’un régime juridique distinct des lois de finances de l’année et des lois de finances rectificatives, ceci du seul fait du Conseil constitutionnel. En effet, au contraire des autres lois de finances, la loi de règlement ne saurait être examinée de plein droit selon la procédure accélérée (CC, n°85-190 DC, 24 juillet 1985, Loi portant règlement définitif du budget de 1983). Également, cette loi ne possède par la structure bipartite des lois de finances classiques, ni leur aspect prévisionnel, ni son caractère d’autorisation budgétaire.

La LOLF a toutefois revalorisé la loi de règlement tant dans son contenu (elle arrête désormais le montant définitif des recettes et des dépenses mais également celui des recettes et des charges de trésorerie – article 37 LOLF), dans sa fonction (la loi de règlement approuve le compte de résultat de l’exercice – article 30 LOLF ; elle comporte aujourd’hui des dispositions relatives à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques – article 37-V) que de son articulation dans le cycle budgétaire (la loi de règlement fait partie intégrante du débat budgétaire sur la loi de finances de l’année – articles 40 et 41 LOLF).

4. Les lois spéciales

Les lois spéciales sont prévues à l’article 45 de la LOLF. Elles sont la conséquence d’un dépôt tardif du projet de loi de finances pour l’année par le gouvernement. Il existe en réalité deux types de lois spéciales :

celle dont le gouvernement demande l’adoption avant le 11 décembre de l’année qui précède celle de l’exécution du budget. Dans ce cas, il s’agira d’une loi partielle (puisqu’elle ne comporte que la première partie de la loi de finances) qui obligera le vote de la seconde partie ultérieurement ;

celle qui sera déposée par le gouvernement avant le 19 décembre de l’année qui précède l’exécution du budget et qui autorisera la perception des impôts jusqu’au vote de la loi de finances pour l’année.

Ces dispositions n’ont eu vocation à s’appliquer qu’à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale en 1962. Toutefois, l’année 1979 a vu l’adoption d’une loi spéciale qui n’était pas prévue par les textes.

À la suite de l’annulation par le Conseil constitutionnel de la loi de finances pour 1980 (CC, 79-110 DC, 24 décembre 1979, Loi de finances pour 1980), la question s’était posée de savoir si une loi votée par le Parlement sur la base de l’article 47 alinéa 4 de la Constitution et permettant d’assurer la continuité de la vie nationale en autorisant la perception des impôts en attendant le vote d’une nouvelle loi de finances pour l’année devait être considéré comme étant une loi de finances. En effet, l’ordonnance de 1959, en son article 2, n’avait pas envisagé cette loi comme telle, puisque l’énumération qu’elle prévoyait ne concernait que les lois de finances de l’année, les lois de finances rectificatives et la loi de règlement définitif du budget. Dans sa décision 79-111 DC, le Conseil constitutionnel a estimé que « les dispositions qu’elle comporte sont de celles qui figurent normalement dans une loi de finances ; qu’ainsi elle constitue un élément détaché, préalable et temporaire de la loi de finances pour 1980 ».

Aujourd’hui, le débat est clos s’agissant de la nature juridique des lois spéciales, puisque la LOLF en a fait une catégorie de loi de finances à part entière. Notons toutefois qu’à la différence de ses consœurs, les lois spéciales ont un caractère exceptionnel et en pratique n’ont jamais été utilisées jusqu’ici.

B – Le nouveau cycle budgétaire

Le cycle budgétaire est en réalité basé sur une règle très ancienne appelée la règle des quatre temps alternés (1). Cette règle a été complétée plus récemment par la LOLF avec la mise en place d’un « chaînage vertueux » (2).

1. La règle des quatre temps alternés

La règle des quatre temps alternés nous vient du baron Louis, ministre des Finances sous la Restauration, et décrit les rôles respectifs de l’exécutif et du législatif tout au long de la procédure budgétaire, dans un régime parlementaire.

On peut la résumer comme suit : « la préparation du budget relève du pouvoir exécutif, le vote revient à la représentation nationale qui autorise l’impôt et vote les dépenses, l’exécution dépend du gouvernement et des services administratifs tandis que le contrôle est assuré, a posteriori, par le pouvoir législatif ».

Cette règle, au centre de nos finances publiques dites « classiques », s’est maintenue tout au long de l’histoire constitutionnelle française et reste encore aujourd’hui au cœur de notre procédure budgétaire. La loi organique relative aux lois de finances, sans vraiment remettre en cause cette règle fondamentale, est venue en altérer quelque peu la portée.

Les quatre temps alternés peuvent être décomposés en deux parties : d’une part, l’élaboration du budget avec la préparation et l’autorisation et, d’autre part, l’exécution du budget avec l’exécution proprement dite et le contrôle du Parlement sur celle-ci. La loi organique renforce principalement la seconde partie et par ailleurs tend en quelque sorte à inverser l’ordre des deux parties puisque l’élaboration du budget doit désormais tenir compte de l’exécution et du contrôle des résultats de l’année précédente dans le cadre du « chaînage vertueux ».

2. Le nouveau cycle et le « chaînage vertueux »

En effet, sans changer la philosophie de cette règle, l’une des principales innovations de la LOLF était de relier les exercices entre eux pour permettre la mise en place d’un « cycle de la performance ». L’idée est simple : relier la première phase d’un budget avec la dernière phase du budget précédent. Ainsi, la finalité de ce système est d’orienter la préparation du budget en fonction des résultats obtenus pour l’exercice précédent. C’est en somme l’idée d’une amélioration continue en fonction des succès et des échecs passés. La LOLF instaure donc cette liaison, ce « chaînage vertueux » comme on l’appelle désormais. L’article 41 dispose en effet que « le projet de loi de finances de l’année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi de règlement afférent à l’année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances ».

Mais en réalité, la LOLF, pour des raisons pratiques et/ou idéologiques, n’a pas véritablement procédé à une telle liaison. À tout le moins, le « lien » est plus distendu :

D’abord, pour des raisons pratiques de calendrier, ce ne sont pas deux exercices consécutifs qui sont ainsi reliés. Puisqu’en somme, c’est le vote de la loi de règlement (n-1) qui doit intervenir avant la discussion de la loi de finances (n+1), et pour cause puisque celle-ci, débutant en octobre de l’année (n), l’exercice (n) n’est même pas terminé…

Ensuite, pour des raisons ici plus idéologiques, ce ne sont pas la dernière (contrôle) et la première phase (préparation) qui se trouvent reliées mais la dernière (contrôle) et la deuxième (préparation). C’est une « anomalie » qui s’explique sans doute par le fait que ce chaînage concerne surtout le Parlement et qu’il faut donc relier les deux phases dans lesquelles il est l’acteur central.

En réalité, et pour finir, le Parlement intervient bel et bien dans la préparation du budget par le débat d’orientation budgétaire (v. infra). Ainsi, il est possible, et même plus logique, de relier la dernière phase et la première phase. C’est ce qui se passe en pratique puisque, dans les faits, s’est imposée l’idée d’un chaînage vertueux renforcé dans lequel la loi de règlement (n+1) doit impérativement être adoptée avant le DOB (n+1).

Ainsi, le cycle est désormais plus cohérent et tient compte du rôle plus important que sous l’ordonnance de 1959 que donne (que souhaitait donner) le législateur organique au Parlement en matière de préparation du budget.

II. La préparation du budget de l’État

Contrairement à ce qu’édictait la règle des quatre temps, cette préparation n’est plus complètement l’apanage de l’exécutif (qui reste néanmoins prédominant). Elle est donc désormais découpée en deux phases faisant intervenir les deux acteurs : la préparation du projet de loi de finances par l’exécutif (A) et le débat d’orientation budgétaire au Parlement (B).

A – La préparation du projet de loi de finances

Cette préparation du PLF est une compétence exclusive (ou quasi-exclusive) de l’exécutif (1) et se trouve formalisée au sein d’une procédure découpée en plusieurs « phases » (2).

2. Les différentes phases de la préparation du budget

La procédure d’élaboration du budget commence dès le mois de janvier de l’année précédant l’exercice concerné et s’étale sur presque dix mois. Cette procédure a été modifiée avec la mise en place des « budgets triennaux » issus de la mise en œuvre des lois de programmation des finances publiques (révision 2008) et suppose ainsi de distinguer selon que l’année du budget à venir est paire ou impaire.

La procédure budgétaire débute en février par un cycle de réunions techniques, auxquelles la direction du Budget convie les directeurs des affaires financières des différents ministères ainsi que les responsables de programme et les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM). Ces réunions techniques permettent premièrement d’analyser les résultats de l’exécution du budget de l’année précédente (n-1) et de préparer à ce titre les rapports annuels de performances (RAP) qui seront annexés au projet de loi de règlement ; deuxièmement, d’analyser les premières prévisions d’exécution pour l’année en cours ; de réaliser les premiers travaux nécessaires à la préparation du prochain budget pluriannuel et du projet de loi de finances présenté au Parlement à l’automne ; et enfin d’aborder la question de l’évolution de la dépense, en mettant l’accent sur les dépenses à forts enjeux, et éventuellement sur les économies envisagées pour les trois années à venir.

Réunissant la direction du Budget et les ministères, les conférences de performance portent à la fois sur l’analyse de l’atteinte des objectifs et du respect des indicateurs du budget n-1 et sur la préparation des projets annuels de performances qui sont annexés au projet de loi de finances (PLF) n+1. Les conférences de performance permettent de débattre, pour chaque programme, des grandes lignes du projet de présentation stratégique du projet annuel de performances et de passer en revue les objectifs et indicateurs de performance associés, ces derniers devant découler de la stratégie du programme. Les conférences se déroulant en année paire portent particulièrement sur la discussion des cibles des indicateurs qui doivent être calées sur la dernière année du « budget triennal ».

C’est ici que la procédure va varier selon l’année concernée. Les années paires nécessitant la mise en place de nouveaux arbitrages sur les prévisions triennales, la procédure sera sensiblement plus complexe et détaillée.

Ainsi, pour les années paires, au mois de mai, une lettre de cadrage que le Premier ministre adresse à chaque ministre fixe les grands principes auxquels doit répondre le budget triennal. Dans ce cadre, les conférences budgétaires vont permettent d’examiner pour les trois années du budget triennal les demandes en emplois et en crédits de chaque ministère au regard des propositions formulées par la direction du Budget, et formalisées lors de l’exercice de préparation du budget triennal, appelé programmation à moyen terme, « PMT », et menée entre les réunions techniques et ces conférences budgétaires. Ces conférences doivent aboutir à la définition, pour chacune des années de la programmation, des plafonds de crédits des missions de l’État, des plafonds ministériels d’emplois en vue du débat d’orientation des finances publiques fin juin et de l’élaboration du projet de loi de finances. Elles débouchent sur la confection des dossiers d’arbitrage qui retranscrivent les points de convergence et les points de divergence identifiés entre les ministères et la direction du Budget et qui sont ensuite transmis au cabinet du ministre du Budget.

Les réunions d’arbitrage se tiennent alors, au mois de juin, au niveau du ministre du Budget, puis, en tant que de besoin, au niveau du Premier ministre. Elles permettent de trancher les points de désaccord qui subsistent entre la direction du Budget et les ministères à l’issue des conférences budgétaires, et par conséquent d’arrêter officiellement le niveau des emplois et des crédits pour chaque ministère pour les trois prochaines années. Elles se concluent par l’envoi par le Premier ministre des lettres-plafonds, qui fixent le niveau des enveloppes de crédits des trois prochaines années et les plafonds d’emplois pour l’année suivante. Les plafonds par mission des crédits arbitrés, dans ce cadre, constituent le nouveau budget triennal de l’État.

Les ministères doivent déterminer, dans le respect des plafonds fixés dans les lettres-plafonds, la meilleure répartition de leurs enveloppes de crédits et d’emplois entre les différents programmes – et actions – pour atteindre les objectifs de performance assignés aux différents responsables de programme. Cette répartition est discutée au cours des conférences de répartition. Elles réunissent, début juillet, chaque ministère et la direction du Budget, qui s’assure notamment de la « soutenabilité » de la répartition proposée par les ministères, c’est-à-dire que les dépenses obligatoires et inéluctables sont bien couvertes.

Les éventuels points de divergence entre la direction du Budget et les ministères s’agissant de la répartition des enveloppes de crédits et d’emplois au plus fin de la nomenclature budgétaire – programmes et actions – sont soumis au ministre du Budget et, le cas échéant, à l’arbitrage du Premier ministre ; ce que l’on appelle les arbitrages de répartition.

Dans la mesure où les plafonds par mission sont d’ores et déjà fixés dans le cadre du budget triennal, la procédure budgétaire menée pendant l’année impaire est sensiblement allégée. Ainsi, après les réunions techniques, on passe directement aux conférences de répartition, au mois de mai-juin, qui permettent notamment d’effectuer la répartition des crédits par programme dans le respect des plafonds de dépenses par mission fixés dans le budget triennal ; de procéder à la répartition des emplois par programme ; de fixer les plafonds d’emplois des opérateurs de l’État ; et en cas de circonstances exceptionnelles, de réajuster le montant des plafonds par mission accordés aux ministères. Si ces réunions de répartition ne permettent pas d’aboutir à une répartition consensuelle, les points de divergence sont soumis à l’arbitrage du Premier ministre (arbitrage de répartition).

La dernière étape de la phase administrative de préparation du budget est consacrée à l’élaboration des documents budgétaires, durant l’été, notamment des projets annuels de performances (PAP), par un travail conjoint entre les différents ministères et la direction du Budget. Ce travail se poursuit en septembre. Le texte de l’ensemble du PLF (au-delà des dispositions sur les crédits) est parallèlement transmis au Conseil d’État qui émet un avis sur la légalité des mesures envisagées.

Le projet de loi de finances est finalement examiné et voté en Conseil des ministres et déposé au Parlement au plus tard le premier mardi d’octobre. Reste néanmoins que le Parlement interviendra en fait bien en amont du dépôt du PLF puisque depuis la LOLF, qui a en réalité consacré une pratique qui remonte aux années 1990, les parlementaires sont de plus en plus associés (du moins en théorie) à la préparation du budget par le biais du débat d’orientation budgétaire, désormais baptisé débat d’orientation des finances publiques.

B – Le débat d’orientation des finances publiques

Le débat d’orientation budgétaire (tel qu’on l’appelait initialement), inauguré pour la première fois en 1990, vise à associer le Parlement à la préparation du budget en lui permettant de s’exprimer sur les grandes orientations budgétaires, d’être informé des principaux choix envisagés par le gouvernement. Ce débat s’est renouvelé en 1996 et depuis la pratique s’est instaurée d’un débat annuel devant les deux assemblées Ainsi, sauf en 1997 et en 2002, le débat d’orientation budgétaire a eu lieu tous les ans, au mois de mai ou au mois de juin, à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Il faut bien l’avouer ce débat n’a pas eu les effets escomptés d’où la volonté du législateur organique de le consacrer et d’en renforcer la pratique (1). Et pourtant, malgré cette consécration, le DOB reste néanmoins un outil au potentiel sous-exploité (2).

1. La consécration formelle du débat d’orientation budgétaire

La loi organique du 1er août 2001 avait pour objectif de redonner sa place au débat d’orientation budgétaire. Les acteurs de la mise en œuvre de la loi organique souhaitaient en effet que « le Parlement retrouve pleinement sa capacité à discuter les politiques publiques et l’orientation stratégique à donner à l’action de l’État ».

Ainsi, le débat d’orientation budgétaire a tout d’abord été institutionnalisé. Certes, l’article 48 de la loi organique prévoit l’obligation pour le gouvernement de « [présenter], au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques », mais le débat sur ce dernier apparaît, selon la lettre de la loi organique comme facultatif. La loi dispose en effet que « ce rapport peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat ».

Quoi qu’il en soit, il semble évident que l’institutionnalisation de ce débat est bien réelle en pratique puisqu’un débat a eu lieu tous les ans depuis. La mise en œuvre de la loi organique visait également à renforcer l’impact du débat d’orientation budgétaire et notamment en renforçant son objectif de faire participer le Parlement à l’élaboration du budget. L’article 48 de la loi organique prévoit que le rapport sur les orientations économiques et les orientations des finances publiques doit comprendre la liste des missions et des programmes, mais également la liste des objectifs et indicateurs associés à chacun de ces programmes. Ainsi, finalement, le DOB devait permettre aux parlementaires de peser sur les choix en termes de nomenclature ou de performance.

Enfin, notons également que ce débat a été renforcé, plus récemment, par un « couplage » avec les finances sociales. Le DOB a ainsi été rebaptisé « débat d’orientation des finances publiques » (même si nombreux sont ceux qui utilisent encore l’ancienne dénomination).

2. Un débat au potentiel sous-exploité

En réalité, force est de constater que le débat d’orientation reste un instrument sous-exploité tant sur la forme que sur le fond.

D’abord sur la forme, la durée de ce débat reste très courte, généralement quelques heures. Les temps de parole sont strictement encadrés (en dehors de ceux des ministres, rappelons-le), courts, et généralement monopolisés par la majorité. Indiquons aussi que le débat souffre également d’un calendrier parlementaire très chargé à la fin du printemps, c’est-à-dire en fin de session. Il n’est donc pas rare que le débat ait lieu en session extraordinaire, voire durant une séance nocturne (comme pour le DOB 2006) et donc devant un nombre de parlementaires parfois assez réduit.

C’est surtout sur le fond que le débat peine à s’imposer comme un moment fort du cycle budgétaire. Loin de devenir un outil permettant d’associer le Parlement à la préparation du budget, le DOB reste un débat politique, voire politicien, durant lequel majorité et opposition se « disputent » pour savoir qui gère le plus mal les finances publiques, qui a causé cette situation financière dégradée ou encore pour se donner des leçons en matière budgétaire. Généralement, le débat ne fait pratiquement aucune référence à la construction des missions, programmes ou des objectifs que se fixe le gouvernement. La LOLF est elle-même rarement évoquée.

Ainsi, le DOB n’a toujours pas le rôle voulu par le législateur et ne permet pas au Parlement d’imposer ni même de proposer ces choix en matière budgétaire, et ce, alors même qu’il apparaît comme le moment privilégié pour discuter des missions et programmes, donc des grandes orientations budgétaires. Il faudrait sans doute, à tout le moins, que le débat soit rééquilibré dans sa durée. En toute hypothèse, on voit mal comment des parlementaires pourraient discuter des 31 missions, 122 programmes et quelque 322 objectifs du seul Budget Général en quelques heures.

On notera sur ce point que le couplage avec les finances sociales, quand bien même il présente indiscutablement des avantages en termes de programmation globale des finances publiques, tend largement à renforcer cette tendance à faire du débat d’orientation un débat général et non un débat technique et précis.

III. L’adoption du budget de l’État

Une fois le projet de loi de finances adopté en Conseil des ministres, il est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, avant le premier mardi d’octobre. Commence alors ce que l’on appelle parfois le « marathon budgétaire », durant trois mois, qui conduira à l’adoption du budget à la fin du mois de décembre pour une application au 1er janvier. L’adoption de la loi de finances répond bien entendu au schéma classique de la procédure législative. Elle présente néanmoins quelques spécificités qu’il faut envisager tant au niveau de l’examen en commission (A) qu’au niveau de la discussion budgétaire (B). Son contrôle et son entrée en vigueur sont eux un peu plus classiques, même s’il convient, là encore, de présenter quelques remarques (C).

A – L’examen en commission

Une première spécificité des lois de finances tient à ce que l’article 39 de la LOLF prévoit que la commission des finances est saisie de droit du projet de loi de finances, par dérogation à l’article 43 de la Constitution (ancienne rédaction) qui prévoyait la saisine de principe d’une commission spéciale (et à défaut d’une commission permanente) et même de la nouvelle rédaction (de 2008) qui renvoie désormais par principe les projets ou propositions à une commission permanente. Plus encore, la spécificité de la loi de finances à ce stade tient à ce qu’à côté des commissions des finances, qui ont un rôle certes essentiel, c’est bel et bien l’ensemble du Parlement, notamment par le biais des autres commissions, qui se trouve mobilisé sur le projet.

Les commissions chargées des finances ont en effet un rôle fondamental dans la procédure budgétaire. Elles sont donc saisies du projet de loi de finances et élaboreront toute une série de rapports en vue de la préparation de la discussion. Le rapport général élaboré par le rapporteur général de la commission en constitue le cœur. Il est composé de trois tomes :

le premier concerne le cadrage macro-économique et les conditions de l’équilibre budgétaire (200-300 pages) ;

le deuxième porte sur les articles de la première partie, notamment les mesures fiscales (600-800 pages) ;

le troisième porte sur les articles de la seconde partie de la LF : les mesures relatives aux dépenses et les dispositions fiscales sans incidence sur l’équilibre. Mais ce troisième tome est constitué lui-même de deux blocs : le rapport général (200-300 pages) s’agissant des dispositions permanentes (principalement fiscales) et les annexes : les rapports spéciaux (rédigés par des rapporteurs spéciaux de la commission des finances), analysant les crédits par secteur à peu près équivalent aux missions (plus de 3 000 pages).

Indiquons d’ailleurs qu’il est fréquent que les commissions procèdent à des réunions et des auditions, de ministres ou de hauts fonctionnaires, en vue de l’élaboration de ces rapports. Ces rapports sont essentiels dès lors qu’ils constituent les documents de travail des parlementaires et qu’ils comportent les amendements proposés par la commission.

On rappellera que le nouvel article 42 de la Constitution permet de mettre en discussion le texte directement arrêté par la commission (en y incluant ainsi ses « amendements » au texte). Cela ne vaut pas pour les LF (ni les LFSS) pour lesquels le texte discuté sera le projet gouvernemental, les amendements devant être adoptés en séance.

Enfin, rappelons que la Commission a un rôle fondamental en matière d’amendement, puisqu’elle examine ces derniers qui doivent d’ailleurs lui être soumis faute de quoi le gouvernement pourra s’y opposer (article 44). Elle a également un rôle assez important de filtrage et d’expertise en matière d’irrecevabilité.

Mais la particularité de la loi de finances est qu’elle fait également intervenir, pour avis, les autres commissions permanentes. En effet, les autres commissions permanentes (cinq auparavant, sept depuis la réforme constitutionnelle de 2008) interviennent via un rapporteur pour avis, nommé par chaque commission, qui est chargé de présenter un rapport pour avis sur les domaines (les missions, depuis la LOLF) relevant de leurs compétences. Leur nombre est assez variable mais peut atteindre une soixantaine dans les deux assemblées pour une année donnée.

Ainsi ce sont plusieurs milliers de pages qui sont produits chaque année par les commissions en vue de préparer la discussion budgétaire. C’est dire le caractère particulièrement « chronophage » de l’examen comme peut l’être d’ailleurs la discussion budgétaire…

B – La discussion budgétaire

À la suite de l’examen en commission s’amorce la discussion budgétaire, le marathon budgétaire dont on rappellera qu’il répond à certaines spécificités (1), notamment en matière de droit d’amendement parlementaire (2). Pourtant, alors que la discussion (et l’examen) dure plus de deux mois (dans les deux assemblées), l’impact du rôle du Parlement reste, malgré l’extension du droit d’amendement, assez illusoire (3).

1. Les spécificités de la loi de finances

Bien entendu, il est exclu de revenir sur la procédure législative qui s’applique normalement aux lois de finances. On rappellera néanmoins ici quelques spécificités imposées par la Constitution en matière de procédure législative appliquée aux lois de finances (et généralement aux lois de financement de la Sécurité sociale).

Tout d’abord, l’article 42, qui permet de discuter directement le texte arrêté par la commission, ne s’applique pas aux lois de finances. Par ailleurs, la procédure d’urgence (désormais appelée procédure accélérée) est de droit en matière de lois de finances en vertu de l’article 47 ; Le même article enserrant l’ensemble de la procédure dans un délai de 70 jours, 40 à l’Assemblée nationale et 15 au Sénat (avant l’intervention éventuelle de la Commission mixte paritaire et le cas échéant, l’adoption définitive par l’Assemblée nationale). Enfin, le nouvel article 49 al. 3 réserve aux seules lois de finances et LFSS (plus un texte par session) la possibilité d’engager la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un texte qui, en l’absence de dépôt ou d’adoption d’une motion de censure, sera considéré comme adopté. On rappellera également que la procédure budgétaire suppose la discussion de la première partie avant la seconde, en vertu du principe d’équilibre.

Par ailleurs, la LOLF est venue abandonner la distinction fondamentale entre les services votés (« le minimum de dotations que le gouvernement juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le Parlement », art. 33, Ord. 59), 95 % des dépenses, votées en une fois, et les mesures nouvelles qui faisaient l’objet d’un vote par chapitre. La LOLF abandonne cette distinction permettant de voter l’ensemble des dépenses, mission par mission, et de faire porter son droit de regard, au moins en théorie, sur 100 % des crédits. Cela a permis également de réduire assez considérablement le nombre de votes (150 à une cinquantaine) ; même si, paradoxalement, la discussion dure toujours aussi longtemps.

On rappellera simplement, et en dernier lieu, que le gouvernement dispose d’atouts considérables pour imposer son projet aux parlementaires, suivant le droit constitutionnel « commun », parmi lesquels on peut citer les irrecevabilités, le vote bloqué de l’article 44 al. 3 (permettant notamment d’écarter certains amendements) ou encore l’article 49 al. 3.

2. L’extension du droit d’amendement parlementaire

Le droit d’amendement des parlementaires a été encadré de manière particulièrement restrictive par la Constitution de la Ve République s’agissant de la procédure législative en général. Sans développer des mécanismes bien connus, on citera l’opposition à l’examen des amendements non déposés en commission (art. 44 al. 2), le vote bloqué (art. 44 al. 3) ou l’irrecevabilité législative (art. 41). Bien entendu, c’est surtout l’article 40 de la Constitution qui constitue une arme des plus efficaces dès lors qu’il permet au gouvernement de s’opposer à tout amendement (et proposition) qui viendrait soit diminuer les ressources publiques soit créer ou augmenter une charge publique.

C’est en matière budgétaire que cette irrecevabilité financière prend tout son sens et vient considérablement restreindre l’exercice du droit d’amendement des parlementaires, et ce, d’autant plus que l’ordonnance de 1959 ajoutait des contraintes encore plus restrictives par le dispositif de son article 42. En vertu de cet article, seuls trois types d’amendements étaient recevables : les amendements qui supprimaient ou réduisaient une dépense, qui créaient ou augmentaient une recette ou qui avaient pour objet d’assurer le contrôle des dépenses publiques.

Or, ce dispositif était plus restrictif que l’article 40 de la Constitution puisque par la distinction des singuliers et pluriels concernant les recettes, l’article 42 de l’ordonnance ne permettait aucune compensation s’agissant des amendements concernant les recettes alors que l’article 40 le permet. Le Conseil constitutionnel a toutefois interprété l’article 42 de l’ordonnance au regard de l’article 40 de la Constitution et a ainsi validé ce mécanisme de compensation en matière de recette. Un amendement parlementaire peut donc réduire ou supprimer une recette dès lors qu’il est compensé par la création ou l’augmentation d’une recette pour un montant au moins équivalant (ce qui permet l’utilisation de la technique des « gages », même si celle-ci a pu déboucher sur quelques abus).

En revanche, cette compensation n’était possible qu’en matière de recettes, le Conseil constitutionnel ayant pu rappeler les limites imposées par l’article 40 de la Constitution (CC, n° 85-203 DC du 28 décembre 1985, loi de finances rectificative pour 1985). La LOLF a néanmoins, avec un objectif de renforcement du rôle du Parlement, mis en place un dispositif audacieux permettant d’étendre le droit d’amendement des parlementaires.

L’article 47 de la LOLF est venu redéfinir la notion de charge au sens de l’article 40 de la Constitution, en estimant que celle-ci devait désormais s’entendre de la mission. Ainsi, désormais, les amendements qui proposent une augmentation des crédits d’un programme compensée par une diminution corrélative des crédits d’un autre programme sont possibles dès lors que le montant des crédits de la mission reste identique. Ce dispositif élargit considérablement l’initiative parlementaire en la matière même si restent toujours interdits les amendements qui prévoient une augmentation de crédits gagée par une augmentation des recettes ou une diminution de recettes gagée par une diminution de crédits. Également, la LOLF proscrit toutes modifications de répartitions de crédits entre missions.

On notera que l’assimilation de la notion de charge, que l’ancienne direction de la réforme budgétaire définissait comme une « diminution d’actif ou augmentation de passif, non compensée dans une relation de cause à effet par l’entrée d’une nouvelle valeur à l’actif ou une diminution du passif », à celle de mission, qui constitue une enveloppe de crédits, apparaissait quelque peu osée. Le Conseil constitutionnel a toutefois validé le mécanisme indiquant que la Constitution habilitait « la loi organique, pour le vote des lois de finances, à assimiler la “mission” à la “charge” mentionnée à l’article 40 de la Constitution » (CC, n° 2001-448 DC, précitée).

Concrètement, un amendement pourra donc intervenir valablement, en matière de dépenses, dans trois hypothèses : si l’amendement opère une réaffectation des crédits au sein d’un même programme, si l’amendement vise à répartir différemment les crédits entre plusieurs programmes d’une même mission ou si l’amendement vise à créer, sous réserve de compensation au sein de la mission, ou à supprimer un programme.

En revanche, dès lors que la notion de charge s’apprécie au niveau de la mission, les amendements parlementaires sont irrecevables s’ils modifient la répartition des crédits entre plusieurs missions, s’ils augmentent les dépenses d’une mission ou s’ils créent une mission.

L’une des originalités introduites par la LOLF s’agissant du droit d’amendement réside dans l’obligation faite aux parlementaires (mais également les membres du gouvernement) d’adjoindre à l’amendement les développements des moyens qui le justifient et d’en motiver la nécessité. En ce sens, l’article 47 al. 2 LOLF permet au Parlement de s’assurer que ces volontés seront bel et bien respectées par l’exécutif, dans un objectif évident de performance.

Enfin la LOLF, en son article 47 alinéa 3, rend irrecevable tout amendement qui se trouverait être non conforme avec la nouvelle constitution financière. Bien évidemment, l’irrecevabilité prévue à l’article 40 de la Constitution demeure, ainsi que l’interdiction traditionnellement sanctionnée par le juge constitutionnel des cavaliers budgétaires.

3. Un renforcement illusoire du rôle du Parlement ?

Il est certes possible de constater que par rapport aux années antérieures, les parlementaires ont fait un usage plus significatif de leur droit de proposer des modifications du PLF (par exemple, au Sénat, 180 amendements ont été déposés pour le PLF pour 2006, contre 48 en 2005). Toutefois, trois éléments viennent tempérer cette extension. Tout d’abord, le nombre des amendements adoptés reste encore assez marginal (en 2006 : 15 à l’Assemblée nationale sur 106 amendements discutés ; 73 au Sénat pour 176 amendements discutés). Ensuite, l’impact de ces amendements demeure limité s’agissant aussi bien des masses budgétaires discutées au Parlement : le montant total des crédits déplacés via les amendements parlementaires s’élevait, toujours en 2006, à environ 1 513 millions d’euros pour un budget général fixé à 266 milliards d’euros. Enfin, l’impact des amendements parlementaires sur la nomenclature reste très limité. En 2006, seuls un programme « nouveau » et deux programmes par scission ont été créés à l’occasion du débat budgétaire.

En somme, et malgré l’extension apportée par la LOLF, le poids des parlementaires sur les choix budgétaires est dérisoire, de l’ordre de 0,005 % des dépenses, ce qui rapporté aux deux mois et demi (l’une des plus longues au monde) que dure la procédure budgétaire apparaît bien faible et pourrait justifier d’engager une réflexion sur un rééquilibrage des missions du Parlement (notamment au profit de sa mission de contrôle).

C – Le contrôle et l’entrée en vigueur de la loi de finances

Comme toute loi, l’entrée en vigueur de la loi de finances est conditionnée par sa promulgation par le président de la République (art. 10 Co) et sa publication au Journal officiel. Mais bien entendu, durant les 15 jours (généralement beaucoup moins) séparant l’adoption de la petite loi et la promulgation, le Conseil constitutionnel peut exercer son contrôle sur la loi de finances.

Pour cela, encore faut-il qu’il en soit saisi par le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, 60 députés ou 60 sénateurs. Or, depuis 1974, et l’ouverture de la saisine aux parlementaires, pratiquement toutes les lois de finances avaient été déférées au Conseil constitutionnel (sauf en 89 et 93).

Le Conseil constitutionnel examinait notamment la compatibilité de la loi de finances au regard des principes budgétaires et du respect des textes organiques (ordonnance de 1959 puis la LOLF). On rappellera que seule la loi de finances pour 1979 a été intégralement déclarée inconstitutionnelle. Pour le reste, les dispositions inconstitutionnelles contenues dans les lois de finances étaient généralement des dispositions fiscales (contraire aux principes fondamentaux du droit fiscal), des cavaliers budgétaires (dispositions sans rapport avec les finances publiques) et plus rarement quelques atteintes aux principes budgétaires (universalité notamment).

On notera cependant que pendant trois ans, au sortir de la mise en application de la LOLF, le Conseil constitutionnel n’était plus saisi des lois de finances (PLF 2007, 2008 et 2009) faisant craindre une disparition du contentieux budgétaire. Les parlementaires ont cependant renoué avec cette saisine traditionnelle dès l’année suivante, de sorte que cette menace semble avoir en partie disparu. On notera cependant que la plupart des saisines de ces dernières saisines semblaient principalement justifiées par la contestation de nouveaux mécanismes fiscaux (réforme de la taxe professionnelle et taxe carbone en 2010, nouvelle tranche sur les hauts revenus en 2012) illustrant tout de même un certain désintérêt des parlementaires pour les questions (et en tout cas les moyens) strictement budgétaires.

Quoi qu’il en soit, une fois déclarée constitutionnelle par le Conseil (éventuellement ôtée des dispositions déclarées non conformes), la loi sera promulguée par le président de la République et publiée au JO, elle entrera en vigueur (au 1er janvier) et pourra donc s’amorcer la phase d’exécution du budget, le Parlement n’intervenant à ce stade que si les aléas de l’exécution nécessitent une adaptation du budget.

IV. L’adaptation du budget aux aléas de l’exécution

En effet, les aléas de la gestion peuvent entraîner la nécessité d’adapter l’autorisation budgétaire en cours d’exécution. Pour ce faire, le gouvernement peut recourir à une ou plusieurs lois de finances rectificatives. C’est même le principe puisque cette loi de finances rectificative permettra au Parlement d’être informé, de contrôler et surtout de consentir les nouvelles autorisations. Pourtant, par exception, le gouvernement tire de l’article 21 de la Constitution, un pouvoir réglementaire lui permettant d’opérer lui-même ces modifications, généralement dans l’urgence, à charge pour lui de faire ratifier ces modifications par le Parlement (A). Il aura également recours aux nouveaux outils de maîtrise de la dépense ouverts ou consacrés par la nouvelle loi organique (B).

A – Les modifications réglementaires de crédits

Cette pratique est en réalité courante et des actes réglementaires interviennent tout au long de l’année tant pour modifier la répartition des crédits (1) que pour ajuster le montant des dépenses (2).

Il faut noter, de manière préliminaire, que ces actes ont été encadrés, notamment via un plafonnement par le législateur organique. Néanmoins, cet encadrement demeure formel puisque ces actes bénéficient d’une quasi-immunité juridictionnelle. En effet, si ce sont des actes administratifs relevant en principe du contrôle du juge administratif, le Conseil d’État s’est toujours refusé d’en prendre connaissance, se retranchant derrière l’absence d’intérêt à agir des requérants (y compris des parlementaires : CE, 3 juillet 1985, Méhaignerie). De plus, ces actes sont rapidement validés par une LFR ou une loi de règlement rendant inopérant, en tout état de cause, l’office du juge.

1. Les modifications de la répartition des crédits

Essentiellement, et hors l’hypothèse des crédits globalisés pour l’exécutif, qui par principe, peut définir a posteriori l’affectation, il existe deux types d’actes administratifs modifiant la répartition des crédits : les transferts et les virements.

Ainsi, le gouvernement peut tout d’abord procéder à des transferts de crédits (article 12 LOLF) entre programmes de ministères distincts. Cependant, on ne peut pas utiliser cette procédure pour modifier l’objet de la dépense, seul le service bénéficiaire de ce crédit est modifié. Ces transferts sont réalisés par décret pris sur le rapport du ministre chargé des Finances, après information des commissions parlementaires concernées, notamment celles des finances. L’utilisation des crédits transférés fait l’objet d’un compte rendu spécial, annexé au rapport annuel de performances (RAP). Les transferts de crédits sont relativement nombreux (par exemple, une cinquantaine pour l’année 2007). On notera qu’ils ne font l’objet d’aucun plafonnement, contrairement aux virements de crédits.

Le gouvernement peut également prendre des décrets de virement (article 12 LOLF) entre les programmes d’un même ministère. Il y a donc une modification de la nature de la dépense (ex. : une dépense en personnel peut être transformée en dépense d’investissement). Comme pour les transferts de crédits, les virements de crédits (entre 15 et 30 par an) sont réalisés par décrets pris sur le rapport du ministre des Finances, après information des commissions parlementaires. Ils figurent également dans le RAP. Par ailleurs, le montant cumulé de ces virements de crédits ne peut pas excéder 2 % des crédits ouverts par la LFI pour les programmes concernés (et non les crédits totaux de la LFI). On notera que sous l’ordonnance le plafond existait déjà et s’élevait à 10 % des crédits d’un chapitre. En réalité ce plafond n’apparaît pas très contraignant. En effet, avec la globalisation (888 chapitres à 130 programmes), en réalité, le plafond a, en moyenne, été relevé. Il n’existe de plus aucun contrôle en cas de dépassement, et, enfin, la limite a été fixée au-delà du montant moyen des virements opérés chaque année.

2. Les modifications du montant des dépenses

Les modifications réglementaires peuvent également, et surtout, concerner le montant des dépenses, soit pour augmenter ce montant, par les décrets d’avance, soit pour les réduire, par les décrets d’annulation.

Les décrets d’avance

Les décrets d’avance (article 13 LOLF) permettent d’ouvrir des crédits supplémentaires qui ne sont pas prévus par la Loi de finances initiale (LFI) dans deux situations. Il s’agit donc d’une dérogation à la règle selon laquelle seule une loi de finances rectificative (LFR) peut ouvrir de nouveaux crédits et au caractère limitatif des crédits. En réalité, l’article 13 LOLF prévoit deux catégories de décret d’avance.

En cas d’urgence et si l’équilibre financier de la loi de finances n’est pas affecté (donc cela suppose d’annuler au préalable des crédits d’un montant équivalent ou l’existence de recettes supplémentaires), le gouvernement peut ouvrir des crédits supplémentaires. Il faut, pour ce faire, remplir des conditions formelles :

En cas d’urgence et de « nécessité impérieuse d’intérêt national », le gouvernement peut ouvrir des crédits supplémentaires en portant atteinte à l’équilibre de la LFI. Les conditions formelles sont substantiellement différentes, beaucoup plus souples :

par décret d’avance pris en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État ;

sans plafonnement ;

après « information » des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat (et non un « avis ») ;

un projet de lois de finances ratificatif (sous la forme d’une LFR) doit être immédiatement déposé ou déposé à l’ouverture de la session parlementaire suivante.

On notera qu’en réalité le gouvernement a pu par le passé user et abuser de cette procédure, l’appréciation des conditions d’urgence et, le cas échéant, de nécessité impérieuse étant souvent assez large (notamment pour les décrets qui se répètent tous les ans). Par ailleurs, on constate que le taux de 1 % est parfois dépassé (ex. : 1,39 % en 2005).

On rappellera enfin que le montant des dépenses peut également être augmenté par le biais – voir principe d’universalité (Chapitre 1) :

du rattachement de crédits reportés de l’année précédente (article 15 LOLF), dans la limite de 3 % des crédits inscrits au programme ;

du rattachement de fonds de concours ou de l’attribution de produit (article 17-II et III LOLF) ;

du rétablissement de crédits (article 17-IV LOLF).

B – Les nouveaux outils de maîtrise des dépenses

La loi organique a adapté les instruments de l’exécution de la dépense à une gestion publique modernisée. Essentiellement, ces nouveaux outils ont pour finalité une meilleure maîtrise des dépenses publiques. La LOLF a ainsi dans un premier temps consacré et encadré la pratique de régulation budgétaire (1) et a également introduit un mécanisme de fongibilité asymétrique des crédits (2). Or, si ces deux mécanismes diffèrent quant à leur objet, ils poursuivent les mêmes finalités et constituent des instruments de souplesse dans l’exécution du budget et d’efficacité dans la gestion des crédits.

1. La fongibilité asymétrique des crédits

La fongibilité a pour finalité essentielle une meilleure gestion des crédits en permettant des réaffectations de crédits pour pallier d’éventuels aléas de gestion ou pour permettre le redéploiement de marges de manœuvres dégagées en cours de gestion vers des dépenses dont les crédits sont jugés insuffisants. Pourtant, si le terme de « fongibilité asymétrique » est désormais couramment employé, il faut noter qu’il ne ressort pas du texte même de la LOLF. La fongibilité, que l’ancienne direction de la réforme budgétaire avait défini comme la « faculté de définir (sous la limite de l’asymétrie) l’objet et la nature des dépenses lors de l’exécution du programme pour en optimiser la mise en œuvre », ressort en fait de l’application de l’article 7 de la loi organique.

En vertu de cet article, la présentation indicative des crédits par titre donne au gestionnaire la faculté de redéployer en cours d’exercice les crédits d’un titre à l’autre au sein d’un même programme. Concrètement, le gestionnaire pourra augmenter les crédits d’un titre de dépenses à partir des crédits d’un autre titre, qu’il diminuera à due concurrence. En revanche, le titre des dépenses personnel de chaque programme constituant un plafond de dépenses, aucune réaffectation des crédits du programme ne peut venir abonder les crédits du titre 2, même si l’inverse est possible. C’est pour cette raison que la fongibilité est dite « asymétrique ».

Notons également que la globalisation des crédits opérés par la LOLF, de 888 chapitres à 132 programmes (en 2006), favorise en elle-même la fongibilité des crédits, les « enveloppes » de crédits étant en moyenne beaucoup plus importantes en volume.

Si l’accent est généralement mis sur la fongibilité des crédits suivant l’axe par nature des crédits, c’est-à-dire d’un titre à un autre, il ne faut pas moins envisager les autres axes de fongibilité qu’autorise la spécialisation par programmes. On peut ainsi distinguer trois axes de fongibilité :

la fongibilité suivant l’axe par nature de crédits, d’un titre à un autre au sein du programme et sous réserve du respect du caractère asymétrique, déjà mentionné ;

la fongibilité suivant l’axe par destination des crédits : la répartition des crédits par action étant indicative elle aussi (article 51-5° LOLF), il est tout à fait loisible au responsable de programme de réaffecter des crédits d’une action du programme vers une autre, sous réserve de respecter la règle de l’asymétrie (c’est-à-dire de ne pas abonder les crédits du Titre 2 de l’action considérée) ;

la fongibilité suivant la déclinaison opérationnelle du programme : corollaire de la précédente, la répartition des crédits du programme au sein des budgets opérationnels de programme est également indicative et permet donc au responsable de programme de réaffecter des crédits d’un BOP à un autre, au sein d’un même programme toujours sous réserve de ne pas abonder les crédits du Titre 2.

Bien entendu, il s’agira en pratique de combiner ces réaffectations sur les trois axes, la réaffectation de crédits d’un BOP à un autre, par exemple, pouvant s’effectuer d’une action à une autre et d’un titre de dépenses à un autre.

Dès lors qu’a été mis en place un nouveau cadre d’exécution des crédits, la déclinaison opérationnelle des programmes, se pose la question de savoir comment s’applique la fongibilité dans le cadre de la déclinaison des crédits en programme, budgets opérationnels de programme et unités opérationnelles ;

par principe, la fongibilité asymétrique des crédits s’applique au niveau des BOP. Ce sont donc les responsables de BOP qui pourront prendre des mesures de réaffectation des crédits en cours de gestion. Le responsable d’unité opérationnelle quant à lui ne dispose que d’une fongibilité « interne » c’est-à-dire qu’il peut réaffecter les crédits qui lui sont alloués au sein des deux enveloppes dont il dispose (Titre 2 et autres titres) mais pas de l’une à l’autre. Enfin, le responsable de programme dispose, lui, d’une liberté totale dans l’hypothèse où il souhaite intervenir dans la gestion des crédits ;

pourtant derrière ces règles de principe se cache une grande hétérogénéité de l’application de la fongibilité. En effet, les règles applicables au programme en matière de fongibilité sont en pratique définies dans une « charte de gestion » qui viendra préciser les prérogatives de chacun s’agissant de la possibilité de réaffecter les crédits.

Ces règles de gestion parfois rigides et, plus simplement, le nombre important de BOP (1 800) et d’UO (15 000) entraînent ainsi une diminution des marges de manœuvre dont disposent les gestionnaires.

2. La régulation budgétaire

La pratique de régulation budgétaire a pris des formes très diverses sous l’empire de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 : fonds d’action conjoncturelle, fonds de régulation budgétaire, mises en réserve forfaitaires ou les « contrats de gestion ». Depuis, la méthode s’est stabilisée et consiste en la mise en réserve d’une partie forfaitaire de crédits (environ 5 % hors dépenses de personnel, 6 % depuis 2012 et 8 % envisagés dans le PLF 2016) dès le début de l’exercice qui débouche soit sur un déblocage des crédits ainsi gelés soit sur une annulation de ces derniers.

Or, cette « réserve de précaution » n’est absolument pas négligeable puisqu’elle porte sur des montants relativement importants : en 2005, 4 Md€ gelés dès février auxquels il faut ajouter les crédits gelés en cours d’année (« sur-gels ») pour un montant total de 7,5 Md€. En 2015, ce sont 6,9 Md€ (et 0,6 Md€ pour les dépenses de personnel) qui ont constitué la réserve initiale auxquels seront ajoutés 2 Md€ de « surgels ».

Cette pratique était particulièrement critiquée par la Cour des comptes qui estimait principalement qu’elle était contra legem et source de difficultés de gestion :

les gels de crédits sont en effet opérés par le contrôleur financier qui, sur instructions du ministère des Finances, va refuser d’appliquer son visa à certaines dépenses, gelant ainsi un montant forfaitaire de crédits. Or, avant la réforme de 2005, le contrôleur financier n’avait pas le pouvoir de refuser son visa sur une dépense régulière aux seules fins de maîtrise des dépenses ;

les annulations de crédits gelés faisaient également l’objet de critique de la Cour car l’article 13 de l’ordonnance de 1959 ne permettait d’annuler que des crédits « devenus sans objet » ;

la Cour dénonçait en outre des opérations complexes et opaques de pilotage du solde, sources de retards et de dysfonctionnements dans la gestion des crédits (crédits gelés, dégelés, annulés, rétablis par décret d’avance, regelés et reportés en fin de gestion) ;

enfin, c’est à raison du principe de sincérité que la pratique était fortement critiquée puisque les crédits gelés puis annulés à des fins de pilotage du solde budgétaire étaient systématiquement les mêmes d’une année sur l’autre ou encore s’opéraient sur des crédits manifestement surévalués.

Les parlementaires relayaient quant à eux assez largement ces critiques, et ce, d’autant plus que cette pratique, remettant en cause l’autorisation budgétaire du Parlement, ne faisait l’objet d’aucune information vis-à-vis des parlementaires.

Jugée nécessaire à la maîtrise des dépenses publiques et dans le cadre d’une indispensable souplesse de gestion, cette pratique de régulation budgétaire a été consacrée et encadrée par la LOLF en trois temps :

la LOLF a, tout d’abord, dans son article 14, consacré les annulations de crédits opérées « afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire ». Les annulations prises sur le fondement de la régulation budgétaire sont donc désormais prévues par la loi organique. Par ailleurs, la LOLF a encadré le montant maximum, fixé à 1,5 % des crédits initiaux, des crédits pouvant faire l’objet d’un décret d’annulation ;

la LOLF a par ailleurs indirectement consacré la pratique des mises en réserve dans son article 14 – III qui prévoit la communication des mesures de mise en réserve aux commissions des finances. On notera néanmoins que les modalités de cette consécration sont assez étranges puisque de tels actes, n’ayant aucun fondement juridique, n’avaient aucune existence juridique ;

enfin, la LOLF, telle que modifiée par la loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005, prévoit dans son article 51-4° bis, une information des parlementaires, annexée à la loi de finances, précisant le montant par programmes des crédits mis en réserve.

En outre, le décret n° 2005-54 du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des administrations de l’État a consacré le rôle des contrôleurs financiers en matière de régulation budgétaire (rôle qui sera confirmé par le décret GBCP de 2012 (voir Chapitre 5)).

Malgré cette consécration, la pratique de régulation budgétaire continue à poser des difficultés, notamment concernant la sincérité des prévisions budgétaires. En témoignent les saisines récurrentes du Conseil constitutionnel et postérieures à l’adoption de la LOLF par les parlementaires de l’opposition qui contestaient la sincérité de l’évaluation des dépenses faisant l’objet, avant même l’adoption de la loi de finances, d’une annonce de mise en réserve (CC, n° 2002-464 DC, 27 décembre 2002, Loi de finances pour 2003), et ce, d’autant plus quand ils estiment ces crédits « manifestement surévalués » (CC, n° 2003-489 DC, 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004) et destinés à financer des dépenses elles manifestement sous-évaluées (CC, n° 2004-511 DC, 29 décembre 2004, Loi de finances pour 2005).

Pourtant, le Conseil constitutionnel a toujours refusé de prononcer l’insincérité de la loi de finances sur ce fondement, en estimant que le gouvernement dispose, en vertu de l’article 14 de la LOLF et en vertu des prérogatives qu’il détient de l’article 20 de la Constitution, de la possibilité de « prévoir la mise en réserve, en début d’exercice, d’une faible fraction des crédits ouverts afin de prévenir une détérioration éventuelle de l’équilibre budgétaire ». Il estime par ailleurs que cette mise en réserve, dont le Parlement est informé, ne révèle aucune sous-évaluation des dépenses.

Reste qu’en dehors de ces hypothèses, le budget sera exécuté conformément à l’autorisation donnée par le Parlement. Or, si cette exécution est du ressort du gouvernement, elle est en pratique confiée à deux catégories d’agents selon les règles de la comptabilité publique.