Chapitre 5 : Les nouveaux acteurs de la gestion

L

e régime applicable aux agents de l’exécution n’a pas fondamentalement évolué avec le décret GBCP. Ainsi, l’article 8 du GBCP reprend le principe posé par le RGCP selon lequel « les opérations relatives à l’exécution du budget relèvent exclusivement des ordonnateurs et des comptables publics », le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables ayant par ailleurs été confirmé par l’article 9 du GBCP. Pourtant, force est de constater que dans sa finalité liée à un rapprochement entre la gestion budgétaire et la comptabilité publique, le GBCP a sensiblement diversifié et complexifié le rôle des différents acteurs de la gestion budgétaire et comptable. Ainsi désormais, la distinction entre les ordonnateurs et les comptables, au cœur de l’organisation de la comptabilité publique sous le RGCP, s’efface progressivement pour laisser place à une distinction, plus large, entre les acteurs de la gestion (budgétaire et comptable) (I) d’un côté et les acteurs du contrôle (budgétaire et comptable, là encore) de l’autre (II).

I. Les acteurs de la gestion

Le GBCP ne semble pas s’embarrasser de distinctions très claires sur la dénomination des différentes fonctions, se contentant en réalité de les énumérer les unes à la suite des autres. Ainsi s’agissant des ordonnateurs-gestionnaires, le GBCP distingue leurs fonctions, d’une part, s’agissant de la gestion budgétaire, mise en œuvre, dans le cadre de la déclinaison opérationnelle, par des « acteurs de la gestion » – les nouveaux gestionnaires publics (A) – et, d’autre part, s’agissant de l’exécution comptable, par la fonction d’ordonnateur, plus classique dans le droit de la comptabilité publique (B).

A – Les gestionnaires publics

La déclinaison opérationnelle des programmes a entraîné l’apparition de nouveaux gestionnaires publics chargés de la mise en application du budget au format LOLF, dont le cadre a été consacré par l’article 63 du GBCP (v. supra). De la même manière, le décret va consacrer ces différentes fonctions en évoquant successivement ces différents « acteurs de la gestion » et leurs fonctions. La fonction d’ordonnateur est donc « éclatée », concernant la gestion budgétaire, entre ces différents acteurs. Or, si cet éclatement a pu entraîner une remise en cause du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables ou, à tout le moins, de la fonction d’ordonnateur, le décret a opté pour une solution médiane en indiquant expressément que tous ces acteurs doivent avoir « la qualité d’ordonnateur ou être bénéficiaires de la délégation de signature d’un ordonnateur principal ou secondaire » (art. 73).

Le décret décrit alors ces nouveaux gestionnaires publics suivant la déclinaison opérationnelle en évoquant successivement les fonctions des nouveaux responsables de la fonction financière ministérielle (1), des responsables de programmes (2), des responsables de budget opérationnel de programme et d’unité opérationnelle (3).

1. Le responsable de la fonction financière ministérielle (RFFiM)

La principale innovation du GBCP, en la matière, a été de créer, au sommet de la hiérarchie de l’exécution, la fonction de responsable de la fonction financière ministérielle (RFFiM), désigné, selon l’article 69 du GBCP, par le ministre dans chaque ministère. De manière assez laconique, le décret lui confère une fonction générale de coordination de la « préparation, la présentation et l’exécution du budget ».

Si cette fonction est une fonction « nouvelle » introduite par le décret de 2012, elle n’en est pas moins très largement inspirée des fonctions des directeurs des affaires financières (DAF) comme l’indique clairement le dossier d’information à l’appui du décret : « [le décret] conforte le rôle des actuels directeurs des affaires financières ». Pourtant, si les fonctions de ce nouveau responsable sont principalement « financières » et techniques, elles sont en réalité assez larges et englobent l’ensemble de la gestion des programmes. En effet, l’article 69 indique qu’entre autres fonctions que peut lui confier le ministre, le RFFiM :

Ainsi, ce responsable, de par ses prérogatives en matière de gestion (coordination des programmes) et sa place (au-dessus du responsable de programme) a des allures de responsable de mission (fonction dont on rappellera qu’elle est absente de la LOLF) ; qu’il n’est pourtant pas puisque, non seulement sa dénomination n’est pas la même, mais son ressort est ministériel alors que les missions peuvent être interministérielles ou même infra-ministérielles. Au surplus, ces fonctions se distinguent de celles que pourraient détenir un responsable de mission puisqu’elles sont censées être strictement financières et budgétaires, même si sur ce point le décret n’échappe pas à une certaine ambiguïté quelque peu critiquable.

On remarquera qu’alors même que n’a jamais été envisagée la mise en place d’un responsable de mission, qui ne pourrait être que le ministre, cette fonction, introduite alors qu’on envisage à nouveau de remettre à plat le système de mise en jeu de la responsabilité des gestionnaires publics, apparaît fort opportunément pour faire de ce nouveau responsable le gestionnaire-ordonnateur au-dessus du responsable de programme et dont la responsabilité pourrait alors être engagée en lieu et place de celle du ministre.

2. Les responsables de programme (RPROG)

Le responsable de programme est l’acteur-clé de la gestion budgétaire. Mis en place lors de la mise en application de la LOLF, il se situe, comme le programme lui-même, à la charnière entre le niveau décisionnel, budgétaire, et le niveau opérationnel, de gestion.

Le GBCP vient consacrer sa fonction à l’article 70 qui dispose sobrement que « pour chaque programme, un responsable est désigné par le ministre à la disposition duquel les crédits du programme ont été mis ». En pratique, ce sont les directeurs d’administration centrale qui seront nommés à ce poste et on notera que le décret, dès lors que le programme constitue l’unité d’exécution, fait du responsable de programme le premier acteur de la gestion des crédits, qui sont ainsi mis à sa disposition.

L’article 70 se montre néanmoins plutôt lapidaire quant aux fonctions du RPROG. Certes, ce dernier est responsable de l’établissement des projets et rapports annuels de performance (PAP et RAP), issus de la LOLF (et dont l’élaboration sera donc coordonnée par le RFFiM). L’article ajoute que le PAP présente les orientations stratégiques et les objectifs du programme et justifie les crédits et les autorisations d’emplois demandés – ce qui est finalement une reprise, assez épurée d’ailleurs, de l’article 51 de la LOLF.

Mais pour le reste, le décret n’innove pas beaucoup en précisant simplement que le RPROG :

définit le périmètre des budgets opérationnels de programme et des unités opérationnelles et en désigne les responsables ;

établit la programmation des activités prévue à l’article 66 ;

décline les objectifs de performance au niveau du budget opérationnel de programme ;

et détermine les crédits et, le cas échéant, les autorisations d’emplois qu’il met à la disposition de ces responsables.

Il convient donc de noter en particulier que malgré son rôle de pilotage de l’exécution du programme, aucune mention n’est faite dans le décret sur les prérogatives du RPROG en la matière (notamment en termes de fongibilité, par exemple).

3. Les responsables de BOP (RBOP) et responsables d’UO (RUO)

Le GBCP évoque enfin les véritables « gestionnaires de crédits », responsable de BOP et responsable d’UO, pour lesquels le décret va assez largement, là encore, confirmer les prérogatives qui étaient les leurs depuis la mise en œuvre de la loi organique. Rappelons tout d’abord que c’est le responsable de programme qui nommera les responsables de BOP, généralement directeur de service déconcentré, et les responsables d’UO, généralement chefs de service.

Le responsable de BOP est au centre de la procédure de mise à disposition des crédits. Bien entendu, son rôle commence par l’élaboration des différents éléments composant le projet de BOP. L’article 71 prévoyant en effet que « le responsable de budget opérationnel de programme propose au responsable de programme la programmation des crédits et des emplois du budget opérationnel de programme ». Mais le rôle central du responsable de BOP en matière d’exécution des crédits, confirmé par le GBCP, s’exprime surtout par sa fonction de « programmateur et de répartiteur des crédits », et ce, dès le début de l’exercice. Le responsable de BOP va en effet répartir les crédits entre les différentes unités opérationnelles composant le BOP dont il a la charge. Il dispose pour ce faire d’une délégation en qualité d’ordonnateur secondaire délégué, accordée par le préfet. En effet, le responsable de BOP n’exécute pas les dépenses sauf s’il cumule sa fonction avec celle de responsable d’une unité opérationnelle (même si le décret ne le précise pas). En revanche, très classiquement, le GBCP rappelle que le responsable de BOP rend compte devant le responsable de programme à la fois de l’exécution du budget opérationnel de programme ainsi que des résultats obtenus.

C’est enfin le responsable d’unité opérationnelle qui sera le véritable gestionnaire de crédit, ordonnateur, et seul chargé de l’exécution des dépenses. Le responsable d’UO devra bien entendu rendre compte de sa gestion au responsable de BOP, ce à quoi se limite d’ailleurs l’article 72 du GBCP, qui « encadre » ses fonctions.

On conclura simplement ici pour indiquer que cet éclatement de la fonction d’ordonnateur-gestionnaire n’apparaît pas des plus transparentes. En dehors des généralités, que rappelle le décret, il est mal aisé de définir précisément le rôle de chacun de ces acteurs dans la gestion des crédits (notamment en matière de fongibilité). On s’étonnera ainsi de constater l’absence dans le décret d’encadrement, et même d’ailleurs l’évocation, des « chartes de gestion », document interne au ministère, qui justement ont vocation à déterminer ces articulations.

Quoi qu’il en soit, la consécration de ces nouveaux acteurs de la gestion n’empêche nullement le maintien de la fonction d’ordonnateur, abordée ici sous l’angle de l’exécution « comptable » (au sens de « soumis aux règles de la comptabilité publique »).

B – Les ordonnateurs

Le GBCP a très largement maintenu les règles du RGCP s’agissant de l’ordonnateur. Ainsi, l’article 10 al. 1 du GBCP reprend-il la formule consacrée suivant laquelle « les ordonnateurs prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses » (RGCP, art. 3). Il convient de présenter ici les catégories d’ordonnateurs (1) et le rôle de ces derniers en matière de comptabilité publique (2).

1. Les catégories d’ordonnateurs

Par principe, ont la qualité d’ordonnateurs tous les administrateurs dotés d’un pouvoir financier. Il faut néanmoins distinguer différentes catégories d’ordonnateurs. On distingue ainsi classiquement les ordonnateurs principaux et les ordonnateurs secondaires. Ces derniers peuvent néanmoins être assistés d’ordonnateurs délégués ou remplacés par des ordonnateurs suppléants.

Indiquons également, pour mémoire, qu’au niveau local, les ordonnateurs peuvent aussi être remplacés par des ordonnateurs « spéciaux » à savoir le préfet dans le cadre d’une procédure de mandatement d’office d’une dépense obligatoire (art. L. 1612-16 CGCT) et un ordonnateur ad hoc dans l’hypothèse de la suspension des fonctions d’ordonnateur consécutive à une déclaration de gestion de fait (art. L. 2342-3 CGCT).

Les ordonnateurs principaux et secondaires

L’ordonnateur est dit principal lorsque les autorisations budgétaires lui sont accordées directement par l’assemblée délibérante (Parlement, conseil municipal, conseil général, etc.). Ainsi, pour l’État ce sont les ministres, chargés d’exécuter les recettes et les dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux (art. 74 GBCP), qui détiennent la qualité d’ordonnateurs principaux.

Les autorités financières des « pouvoirs publics » au sens budgétaire (c’est-à-dire dont les dépenses relèvent du Titre 1) ont également la qualité d’ordonnateurs principaux : le président de la République (par délégation du ministre chargé des Finances), les questeurs des assemblées parlementaires, le président du Conseil constitutionnel et il en va de même pour le Conseil d’État et la Cour des comptes, financièrement autonomes et pour lesquels les ordonnateurs principaux sont respectivement le Vice-président du Conseil d’État et le Premier président de la Cour des comptes.

Les ordonnateurs secondaires, quant à eux, assistent l’ordonnateur principal dans la réalisation des opérations de dépenses et de recettes. L’article 75 du GBCP précise en effet que les ordonnateurs secondaires agissent en vertu d’une délégation de pouvoir des ordonnateurs principaux, dans le cadre d’une compétence fonctionnelle ou territoriale.

Ainsi, les préfets sont dans leur ressort, en application des décrets du 10 mai 1982, et désormais en vertu de l’article 75 du GBCP, les uniques ordonnateurs secondaires des services déconcentrés des administrations civiles de l’État.

Dans la pratique, le préfet procède à des délégations de signature auprès de ses principaux collaborateurs et des directeurs régionaux et départementaux de l’administration déconcentrée. Depuis la mise en application de la LOLF, et la mise en place de la déclinaison opérationnelle des programmes, ce sont principalement les responsables de BOP, en tant que répartiteurs de crédits, et les responsables d’UO, en tant que gestionnaires de crédits, qui sont les ordonnateurs secondaires délégués, gérant les crédits sous le contrôle du préfet, et bien entendu, du responsable de programme.

Sont également ordonnateurs secondaires : les ambassadeurs pour les dépenses à l’étranger, les présidents des AAI et les directeurs des services à compétence nationale – SCN (art. 75 GBCP), certains directeurs des composantes d’université (décret n° 94-39 du 14 janvier 1994), les ordonnateurs militaires pour les dépenses militaires, ou encore, et parmi d’autres exemples, les présidents de cours administratives d’appel et de tribunaux administratifs, les présidents des chambres régionales des comptes, etc.

Les ordonnateurs délégués et suppléants

En vertu d’un principe rappelé à l’article 10 du GBCP (qui indique que « les ordonnateurs principaux ou secondaires… peuvent déléguer leurs pouvoirs »), les ordonnateurs principaux, y compris locaux, peuvent instituer des ordonnateurs délégués qui pourront ainsi procéder aux engagements juridiques et à la liquidation des dépenses, constater et liquider les recettes (arrêté du 8 janvier 2004 portant règlement de comptabilité pour la désignation des ordonnateurs secondaires et de leurs délégués). Le régime applicable n’est pas spécifique à la matière financière mais obéit au droit commun des délégations dans les institutions publiques.

Au niveau central, ce sont généralement les directeurs d’administration centrale qui sont ordonnateurs délégués. Notons néanmoins que les ordonnateurs délégataires peuvent également, lorsque les textes les y autorisent, subdéléguer leur signature à un ou plusieurs fonctionnaires ou agents de leur service.

On notera surtout, ici, la possibilité nouvelle à l’ordonnateur, ouverte par l’article 75 du GBCP, de confier au responsable d’un centre de services partagés tout ou partie de l’exécution des opérations lui incombant et relatives à la saisie de la programmation des crédits et, le cas échéant, des emplois dans le système d’information et à leur mise à disposition et à l’exécution des recettes et des dépenses. Le responsable de centre de services partagés agit alors pour le compte et sous la responsabilité de l’ordonnateur.

De même, toujours aux termes de l’article 10 du GBCP, « les ordonnateurs [...] peuvent [...] se faire suppléer en cas d’absence ou d’empêchement ». Le suppléant remplaçant ici l’ordonnateur « dans la plénitude de ses fonctions », il est provisoirement investi de plein droit de la qualité d’ordonnateur principal. Il a donc prééminence sur les ordonnateurs délégués (dont il peut d’ailleurs modifier les délégations) et peut, en particulier, signer les actes financiers en lieu et place d’un adjoint aux finances bénéficiaire d’une délégation de signature.

2. Le rôle des ordonnateurs

Le GBCP a maintenu le principe selon lequel les ordonnateurs sont les agents qui « prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses » (art. 10 GBCP), c’est-à-dire les autorités exécutives investies, entre autres fonctions, du pouvoir de déclencher l’opération d’entrée ou de sortie de fonds dans les caisses publiques. Néanmoins, la mise en œuvre de ce principe diffère cependant selon qu’il s’agit de dépenses ou de recettes.

Les fonctions de l’ordonnateur

C’est l’article 11 du GBCP qui prévoit désormais les différentes fonctions de l’ordonnateur.

Ainsi, l’alinéa 2 de cet article dispose que « le cas échéant, [les ordonnateurs] assurent la programmation, la répartition et la mise à disposition des crédits ». Il s’agit ici de la consécration du rôle de l’ordonnateur en matière de gestion budgétaire selon les principes de la nouvelle déclinaison opérationnelle des programmes. Cette disposition, combinée avec l’article 73 (conférant la fonction d’ordonnateurs aux nouveaux gestionnaires), permet de concilier les principes de la déclinaison opérationnelle des programmes avec la fonction « traditionnelle » de l’ordonnateur. Notons néanmoins que la fonction d’ordonnateur, par principe, relève du champ de l’exécution comptable du budget et qu’il apparaît donc peu rigoureux, mais très symptomatique du rapprochement entre gestion budgétaire et comptabilité publique, de lier juridiquement ces deux types de fonctions quand bien même cela correspond à la réalité nouvelle.

Les autres fonctions de l’ordonnateur, plus classiques, sont ensuite rappelées par cet article 11 puisque le décret précise que les ordonnateurs « transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer et de payer assortis des pièces justificatives requises, ainsi que les certifications qu’ils délivrent », rappelant le principe du contrôle comptable et qu’ils « établissent les documents nécessaires à la tenue, par les comptables publics, des comptabilités dont la charge incombe à ces derniers », rappelant le principe de dualité des comptes propre au principe de séparation des ordonnateurs et des comptables.

L’alinéa 1er rappelle également, et en premier lieu, son rôle en matière d’exécution des opérations budgétaires en rappelant que l’ordonnateur « constate les droits et les obligations, liquide les recettes et émet les ordres de recouvrer. Il engage, liquide et ordonnance les dépenses ». Très classique, cette formulation permet néanmoins de différencier ses pouvoirs selon qu’il s’agit des recettes ou des dépenses.

Le rôle des ordonnateurs en matière de dépenses

C’est en matière de dépenses que les ordonnateurs jouent le rôle le plus important puisqu’ils sont attributaires de crédits budgétaires, c’est-à-dire d’autorisations (et non d’obligations) de dépenser qui leur confèrent, en conséquence, un pouvoir en principe discrétionnaire de décision. Néanmoins, l’étendue de ce pouvoir varie en réalité selon les étapes de la dépense.

En effet, si l’article 11 du GBCP indique que les ordonnateurs « engagent et liquident les dépenses », ce n’est exact que si on réduit l’engagement à l’engagement comptable (blocage des crédits nécessaires à une dépense). En effet, l’engagement juridique, c’est-à-dire l’acte qui rend (immédiatement ou sous condition) l’organisme public débiteur peut, lui, émaner d’autres administrateurs, voire d’autres instances (qui, parfois, liquident même la dépense) – sans même évoquer le cas des engagements involontaires.

S’il est donc vrai qu’en comptabilité publique, notamment en comptabilité communale, et encore plus particulièrement dans les petites structures, l’engagement juridique (volontaire), comme l’engagement comptable et la liquidation, émanent la plupart du temps de l’ordonnateur, il n’y a pas là la marque d’une véritable exclusivité.

S’agissant, en revanche, de l’ordre de payer il est, en principe, et c’est plus particulièrement vrai en ce qui concerne la comptabilité locale, de la compétence exclusive de l’ordonnateur (littéralement, celui qui donne des ordres), ainsi que l’affirme, de façon d’ailleurs plus symbolique que juridiquement exacte, l’article L. 2342-1 du CGCT, aux termes duquel « le maire peut seul émettre des mandats ».

Le rôle des ordonnateurs en matière de recettes

En matière de recettes, le rôle des ordonnateurs est moindre parce que, de façon générale, l’administration n’a pas, à proprement parler, compétence pour décider d’une recette, qui ne peut résulter que de textes édictés par les instances politiques (essentiellement les assemblées délibérantes, principalement nationales). Aussi les administrateurs peuvent-ils, au mieux, constater les droits des organismes publics et liquider les recettes, selon la formule employée par l’article 11 du GBCP, qui réserve cependant, à tort et en méconnaissance de la réalité, ces fonctions aux ordonnateurs – alors que de nombreuses créances publiques sont constatées et liquidées par des agents qui ne sont pas ordonnateurs.

C’est encore plus vrai dans le domaine des finances locales puisque de nombreuses recettes, à commencer par les principales ressources fiscales, relèvent de la compétence de l’État.

Lorsqu’il s’agit, en revanche, de recettes qui ne sont pas assises et liquidées par l’État, le principe est celui d’un ordre de recette de l’ordonnateur (local), mais ce principe connaît lui-même des dérogations puisque les produits résultant « de jugements ou de contrats exécutoires » ne nécessitent pas de tels ordres (art. R. 2342-4 CGCT).

De sorte que l’affirmation selon laquelle les ordonnateurs « prescrivent les recettes » ne se trouve confirmée que pour une faible proportion de recettes, même si juridiquement il s’agit du droit commun applicable. Lorsque ce droit commun trouve à s’appliquer, la compétence de l’ordonnateur est, en revanche, exclusive, ce qui explique, en particulier, que le Conseil délibérant, au niveau local, ne puisse au plus qu’émettre un vœu mais ne soit pas habilité à se substituer à l’exécutif.

II. Les acteurs du contrôle

De la même manière que la fonction de décision doit désormais selon la nouvelle logique du GBCP distinguer les fonctions de gestion budgétaire des fonctions « comptables », le GBCP, du point de vue du contrôle, consacre cette dualité des acteurs du contrôle et ainsi au-delà du rôle du comptable public (B), le décret consacre le rôle rénové du contrôleur budgétaire (A), non sans d’ailleurs opérer un rapprochement, à tout le moins organique, entre ces deux fonctions.

A – Le contrôleur budgétaire

Le contrôleur budgétaire n’est pas à proprement parler un nouvel acteur. Le contrôleur financier, comme il était ainsi dénommé auparavant, existe depuis le xixe siècle. Chargé du contrôle des engagements des dépenses, qu’il conserve toujours d’ailleurs, son rôle a toutefois considérablement évolué au gré des textes successifs pris en matière de comptabilité publique. Pourtant, chargé essentiellement d’un contrôle de régularité, son rôle a été particulièrement décrié avec la mise en place de la LOLF. Jugé redondant avec le contrôle comptable, tatillon et constituant une gêne inutile pour la gestion des crédits, le contrôle financier était voué à disparaître.

Face à la nécessité de conserver une pratique de régulation budgétaire (pour maîtriser les déficits), le contrôle financier a néanmoins été maintenu mais repensé par le décret du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des administrations de l’État. Ce décret a fait du contrôle financier un acteur clé de la gestion budgétaire au format « LOLF », même s’il conserve, de manière allégée, ses fonctions de contrôle des engagements de dépenses. C’est ainsi tout naturellement que le décret GBCP, qui le rebaptise d’ailleurs en contrôleur budgétaire (même si cette appellation est antérieure, en pratique), va consacrer cette fonction et son rôle incontournable.

1. Les différents contrôleurs budgétaires

L’article 87 du GBCP dispose sobrement que « le contrôle budgétaire est exercé, sous l’autorité du ministre chargé du budget, par un contrôleur budgétaire ». Les articles suivants énoncent toutefois les modalités de mise en œuvre de ces contrôleurs, qui diffèrent selon les services concernés.

Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM)

Ainsi, l’article 88-I énonce que « le contrôle budgétaire des services centraux des ministères et des autorités administratives indépendantes est exercé par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget ».

Cet article consacre donc l’une des plus grosses innovations en matière de contrôle, initiée en 2006, puisque désormais le contrôle budgétaire et le contrôle comptable sont exercés, au niveau central, par un seul et unique acteur. À la fois contrôleur budgétaire et comptable public, le CBCM s’appuie toutefois pour l’exercice de ses missions, sur deux départements distincts, l’un de contrôle budgétaire, l’autre de contrôle comptable.

Conformément au décret du 18 novembre 2005 qui l’institue pour la première fois, le CBCM est placé fonctionnellement sous l’autorité du directeur du Budget et du directeur général des finances publiques. Ses missions sont principalement :

d’assurer le contrôle budgétaire au sein d’un ministère ;

d’en être le comptable public ;

de transmettre aux autorités budgétaires et à l’ordonnateur principal un rapport annuel sur l’exécution budgétaire et une analyse de la situation financière du ministère.

Le rapprochement de ces deux services sous l’autorité du CBCM permet d’avoir une vision globale des processus financiers et d’harmoniser les contrôles. Et s’il en est, il constitue l’une des manifestations les plus évidentes du rapprochement opéré entre gestion budgétaire et gestion comptable.

Au nombre de douze, les CBCM sont régulièrement réunis par la direction du Budget et par la direction générale des finances publiques au sein du « Comité de pilotage des CBCM ». Outil d’animation du réseau des CBCM chargés de mettre en œuvre les missions de contrôle et de dépense, le COPIL se veut le lieu privilégié de transmission et d’échange d’informations et de messages sur les thèmes d’actualité fondamentaux relatifs aux deux aspects du métier du CBCM : le contrôle budgétaire d’une part, le paiement des dépenses et la tenue de la comptabilité des ministères auxquels ils sont attachés d’autre part.

On notera également que le décret GBCP prévoit que le CBCM est assisté, pour l’exercice de ses missions, par un membre du contrôle général économique et financier (CGEFi) ou un expert de haut niveau, placé sous son autorité.

Les directeurs régionaux des finances publiques

Pour les services déconcentrés, l’article 88-II pose comme principe que le contrôle budgétaire est exercé par le directeur régional des finances publiques, lui-même assisté d’un membre du CGEFi ou d’un expert. Ici donc également un rapprochement s’opère avec le contrôle comptable qui, on le verra, est également exercé par les agents des services déconcentrés de la direction générale des finances publiques.

Le décret prévoit quoi qu’il en soit que le directeur régional des finances publiques est compétent pour les services relevant des ordonnateurs secondaires ou des autorités administratives dont la résidence administrative est située dans son ressort territorial, sauf exceptions fixées par arrêté du ministre chargé du budget et découlant des modalités d’organisation administrative territoriale propres à certains ministères.

L’article 88-II prévoit ainsi plusieurs exceptions relatives au ministère de la Défense (exercé par le CBCM, y compris pour les dépenses à l’étranger), pour Saint-Pierre-et-Miquelon (exercé par le directeur des finances publiques de Saint-Pierre-et-Miquelon) et pour les dépenses à l’étranger (dont le contrôle est confié au trésorier-payeur général pour l’étranger).

De même, en vertu de l’article 88-III, le contrôle budgétaire d’un service à compétence nationale (SCN) peut être confié, par arrêté du ministre chargé du budget, au contrôleur budgétaire et comptable ministériel ou au directeur régional des finances publiques de sa résidence administrative.

Enfin, l’article 89 permet au contrôleur budgétaire de déléguer une partie de ses contrôles à des collaborateurs, notamment le membre du CGEFi placé sous son autorité, et sous certaines limites.

2. Les missions du contrôleur budgétaire

L’article 87 du GBCP évoque de manière générale le rôle du contrôle budgétaire. Ce contrôle, nous dit le texte, porte « sur l’exécution des lois de finances et a pour objet d’apprécier le caractère soutenable de la programmation […] et de la gestion en cours, au regard des autorisations budgétaires, ainsi que la qualité de la comptabilité budgétaire. Il concourt, à ce titre, à l’identification et à la prévention des risques encourus, ainsi qu’à l’analyse des facteurs explicatifs de la dépense et du coût des politiques publiques ».

En réalité, les fonctions du contrôleur budgétaire figurent parmi celles qui sont évoquées avec le plus de détails dans le décret GBCP. Pas moins de 16 articles (91 à 106) y sont consacrés et on se contentera donc ici de synthétiser les principales missions du contrôleur budgétaire.

Le contrôle de la programmation

Le rôle devenu essentiel du contrôleur budgétaire est de contrôler la programmation budgétaire et plus spécifiquement sa cohérence (notamment en termes de répartition de crédits) et « soutenabilité » (notamment s’agissant de la mise en réserve de crédits, dans le cadre de la régulation budgétaire, art. 51 de la LOLF).

Ainsi le CBCM va-t-il contrôler et apposer son visa sur les différents documents de programmation prévus par le GBCP :

le document de répartition initiale des crédits et des emplois prévu à l’article 67 et toute modification de celui-ci en cours de gestion (art. 91) ;

le document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel prévu à l’article 68 (art. 92).

En second lieu, le CBCM se charge de rendre un avis sur le caractère soutenable de la programmation pour chacun des programmes (art. 93) et des budgets opérationnels de programme (art. 94), notamment au regard des documents de programmation prévus par les articles 66 à 68 du GBCP.

Le contrôle de la gestion budgétaire

Fonction classique dévolue au contrôleur financier sous l’empire du RGCP, le contrôleur budgétaire conserve sa mission, devenue néanmoins plus accessoire qu’auparavant, d’assurer un contrôle sur les engagements de certaines dépenses. Ce contrôle est néanmoins allégé et hiérarchisé.

En effet, les articles 99 et 100 prévoient une procédure de visa ou d’avis préalable que donne le contrôleur budgétaire, dans les conditions fixées par arrêté, respectivement :

sur les décisions d’engagements et les décisions d’affectation de crédits à une opération d’investissement mentionnées à l’article 156 ;

sur les autorisations et actes de recrutement ainsi que les actes de gestion des personnels.

L’article 101 prévoit cependant que le contrôleur budgétaire peut contrôler a posteriori des actes non soumis à visa ou avis préalable et procéder à des analyses portant sur les circuits et procédures des dépenses des ordonnateurs.

B – Les comptables publics

À la différence des ordonnateurs, dont la qualité ne constitue qu’une fonction parmi beaucoup d’autres attribuées à certains administrateurs, les comptables sont des agents publics qui occupent, ès qualités, un emploi (au sens du droit de la fonction publique) et exercent, à titre exclusif ou principal, des attributions proprement financières (art. 13 GBCP). Ces comptables sont répartis en différentes catégories (1) mais jouent un rôle qui, en tout cas jusqu’à présent, a été particulièrement important (2), ce qui explique le statut spécial imposé à ces agents (3).

1. Les catégories de comptables publics

L’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont dotés de comptables publics chargés du maniement des deniers de la caisse publique dont ils tiennent la comptabilité. L’article 14 du GCCP précise également que « Les comptables publics assument la direction des postes comptables. Un même poste comptable est confié à un seul comptable public. » En revanche, rien n’empêche un comptable de se voir confier plusieurs postes comptables y compris pour des organismes différents.

D’un point de vue fonctionnel, l’article 15 du GBCP indique que « les comptables publics sont principaux ou secondaires ». Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette distinction n’est pas liée à la qualité de l’ordonnateur, principal ou secondaire, dont le comptable est chargé de contrôler les opérations, mais liée au régime de reddition des comptes du comptable. Ainsi, l’article 15 précise que les comptables principaux sont ceux qui rendent directement leurs comptes au juge des comptes alors que les comptables secondaires sont ceux dont les opérations sont centralisées par un comptable principal. À noter qu’un même comptable peut être à la fois comptable principal généralement d’une collectivité locale et comptable secondaire, généralement de l’État. De même, et comme évoqué précédemment, un comptable peut tout à fait être comptable principal et pourtant subordonné, c’est le cas des comptables locaux.

Enfin, notons que les comptables publics sont généralement comptables en deniers par opposition aux comptables en matières préposés à la garde, à la conservation et à la manutention des mobiliers appartenant aux organismes publics et des comptables d’ordre qui centralisent les écritures correspondantes aux opérations effectuées par d’autres comptables, sans manier eux-mêmes de deniers publics. Ex. : le comptable centralisateur des comptes de l’État.

Les comptables publics sont des fonctionnaires d’État, relevant de la Direction générale des finances publiques et dépendant exclusivement, du point de vue statutaire, du ministère des finances et généralement nommé par lui (articles 14 et 78). Quelle que soit la catégorie de comptable, l’article 16 du GBCP permet aux comptables publics de déléguer leurs pouvoirs à un ou plusieurs mandataires ayant la qualité pour agir en leur nom et sous leur responsabilité. Au niveau de l’État, le GBCP a, si ce n’est simplifié, à tout le moins clarifié le réseau comptable et donc les catégories de comptables publics.

L’article 79 du GBCP liste ainsi les différents comptables publics de l’État. Il s’agit :

des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels ;

des comptables des services déconcentrés de la Direction générale des finances publiques et de la Direction générale des douanes et droits indirects ;

des comptables des budgets annexes ;

des comptables des comptes spéciaux ;

des comptables spéciaux définis par des dispositions réglementaires spécifiques ;

du comptable centralisateur des comptes de l’État.

S’agissant de ces comptables, le principe est donc un rapprochement opéré entre la fonction de contrôleur budgétaire et de comptable public, à la fois au niveau ministériel avec la mise en place du CBCM (art. 80 GBCP) et avec les agents de la Direction générale des finances publiques – et le directeur régional des finances publiques – (art. 82 GBCP).

On notera que parmi les CBCM, un CBCM « spécial » est désigné, en vertu de l’article 81 du GBCP, pour le ministère de l’Économie et qui, outre ses fonctions traditionnelles, va avoir des compétences spécifiques liées à l’exécution et à la comptabilisation les opérations relatives à la dette de l’État, aux opérations de couverture des risques financiers de l’État, ainsi qu’aux opérations relatives à la trésorerie de l’État effectuées en liaison avec les instituts d’émission, les correspondants du Trésor de caractère national et les institutions internationales. Il assure en outre la comptabilisation des participations financières de l’État et des créances rattachées à ces participations ainsi que la tenue du compte de la Commission européenne retraçant les versements entre la France et l’Union européenne.

Les comptables des budgets annexes (art. 83), des comptes spéciaux (art. 84) n’ont de spécificité qu’eu égard aux opérations qu’ils exécutent et comptabilisent, et il en va de même pour les comptables spéciaux de l’article 85.

En revanche, le comptable centralisateur des comptes de l’État a, lui, un rôle tout à fait spécifique décrit à l’article 86 puisqu’il est chargé de centraliser la comptabilité des opérations du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux ; d’enregistrer les opérations permettant au ministre chargé du budget d’arrêter le compte général de l’État ; d’effectuer, pour le compte et au nom des comptables principaux, les écritures complémentaires relatives aux opérations de fin d’exercice ; et d’établir les documents périodiques retraçant la situation de l’exécution budgétaire, la trésorerie et la situation patrimoniale et financière de l’État.

Notons enfin que par exception, pour les établissements publics nationaux ainsi que pour les caisses de Sécurité sociale, le poste comptable principal est tenu non par un agent comptable – ce qui pose des problèmes d’indépendance puisque la différence essentielle est ici que cet agent est placé « sous l’autorité administrative du directeur » de l’établissement ou de la caisse.

2. Le rôle des comptables publics

Le rôle des comptables découle essentiellement de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 relative à la responsabilité des comptables publics et les articles 17 et suivants du GBCP et, s’agissant des comptables locaux, des dispositions spécifiques du Code général des collectivités territoriales (renvoyant aux principes fondamentaux du GBCP).

C’est l’article 18 qui énumère en détail les fonctions du comptable public, seul chargé :

Il résulte de ces textes que le comptable assure essentiellement quatre grandes missions : le maniement et la garde des fonds et valeurs, le contrôle et l’exécution des dépenses, la surveillance et le recouvrement des créances. S’y ajoute, principalement au niveau local, une fonction beaucoup plus officieuse mais parfois bien réelle, de conseil et d’assistance.

Le maniement et la garde des fonds et valeurs

Il s’agit du rôle de « caissier » : les comptables publics sont déclarés « seuls chargés » (art. 18 – 9° et 10° du GBCP) et « personnellement et pécuniairement responsables » (art. 60-I de la loi précitée du 23 février 1963) « de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics ; du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités ».

On distingue traditionnellement les fonds et valeurs appartenant aux organismes publics (« deniers publics ») et les fonds et valeurs confiés aux organismes publics (« deniers privés réglementés », par exemple les fonds confiés aux établissements publics de santé par les malades qui y sont hospitalisés).

Cette exclusivité est protégée de manière particulièrement rigoureuse par le régime de la gestion de fait, applicable à toute personne, physique ou morale, qui serait, elle, comptable d’une autre collectivité publique ou, bien sûr, ordonnateur, détiendrait ou manierait sans titre légal les fonds et valeurs appartenant à l’organisme public intéressé : elle encourrait la même responsabilité que le comptable en titre et pourrait, en outre (en l’absence de poursuites pénales, qui seraient possibles), être condamnée à une amende.

En pratique néanmoins, il existe des aménagements : ce sont, la plupart du temps, des agents appartenant au poste comptable qui manient les fonds (même si ces agents sont placés sous l’autorité et la responsabilité du comptable). De même, existent parfois des régisseurs d’avances ou de recettes, là encore placés sous le contrôle et la responsabilité du comptable. De sorte que, sur le plan juridique, c’est bien le comptable qui, en l’état, a la responsabilité du maniement et de la garde des fonds et valeurs.

La surveillance et le recouvrement des créances

L’article 18 – 5° et 6° du GBCP indique également que « les comptables publics sont seuls chargés de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de l’encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir ».

Au niveau local, là encore, la formulation est particulièrement explicite, l’article L. 2343-1 du CGCT indiquant que « le comptable de la commune est chargé seul et sous sa responsabilité d’exécuter les recettes [...], de poursuivre la rentrée de tous les revenus de la commune et de toutes les sommes qui lui sont dues [...]. Tous les rôles de taxe, de sous-répartition et de prestations locales sont remis à ce comptable ».

Ici aussi, le rôle dit de « receveur » du comptable n’est pas exclusivement celui d’un caissier, chargé de recouvrer les recettes, et ce, d’autant moins au niveau local puisque la majorité des ressources locales sont actuellement perçues ou versées par l’administration d’État.

À la différence de la situation en matière de dépenses, le rôle principal n’est pas, ici, celui d’un « payeur » chargé de veiller à la régularité de la recette : ce rôle incombe principalement aux débiteurs, le comptable n’étant, lui, chargé, à cet égard, que de vérifier l’existence d’une autorisation de perception et l’absence de réduction indue de dette (art. 19 GBCP).

Il s’agit donc surtout, ici, d’une obligation de vigilance et de diligence posée depuis un arrêté du 19 vendémiaire an XII (12 octobre 1803) et qui, actuellement détaillée au niveau local à l’article D.2343-7 du CGCT, impose au comptable de veiller à la conservation des biens et des créances de la commune.

Le conseil et l’assistance

Les fonctions de conseil et d’assistance ne sont pas prévues dans les textes législatifs et réglementaires relatifs au rôle des comptables publics. Pour autant, depuis toujours et de manière un peu plus marquée depuis la réforme du contrôle comptable introduisant les contrôles hiérarchisés et partenariaux, le comptable a une fonction d’information et de conseil par rapport à l’ordonnateur en ce qui concerne les procédures d’exécution des dépenses et des risques y afférant. Ces démarches sont en effet basées sur un référentiel de risque élaboré par le comptable en partenariat avec l’ordonnateur et en fonction des pratiques de l’ordonnateur. Plus simplement, la possibilité pour le comptable de refuser un ordre de paiement irrégulier et, au besoin, de se voir réquisitionner pour le paiement d’une dépense, entraîne un nécessaire dialogue entre les deux agents.

C’est surtout au niveau local que ces fonctions de conseil sont les plus marquées et les plus étendues et discrètement consacrées par les textes concernant les indemnités que peuvent recevoir ces agents. Il s’agit, d’une part, d’une indemnité de confection du budget qui, actuellement régie par un arrêté interministériel du 16 septembre 1983, est obligatoirement versée au comptable local (quelques dizaines d’euros par an). Il s’agit, d’autre part, et, surtout, d’une « indemnité de conseil », qui a remplacé en 1982-1983 une « indemnité de gestion » un peu différente, et qui, s’agissant des organismes communaux, est régie par un arrêté interministériel du 16 décembre 1983. L’indemnité de conseil aux payeurs départementaux et régionaux résulte actuellement d’un arrêté interministériel du 12 juillet 1990.

Cette indemnité est, elle, facultative dans la mesure où elle doit correspondre à une demande d’assistance (acceptée par le comptable) émanant du conseil délibérant, qui doit, par ailleurs, la moduler en fonction du service demandé. Dans la pratique, cette aide, traditionnelle dans les petites communes, est très variable et peut aller de l’assistance technique quotidienne, à l’analyse financière et du conseil juridique au conseil économique et financier.

Il convient de relever que cette fonction d’assistance et de conseil émane, en réalité, de moins en moins du comptable (ou du poste comptable) local et de plus en plus des services de l’État qui ont été organisés sur les plans départemental, régional et national, pour fournir un réseau permanent d’assistance aux collectivités locales, par l’intermédiaire, notamment, de leurs comptables.

3. Le statut des comptables publics

Le caractère particulier, et particulièrement important, des fonctions traditionnellement confiées aux comptables explique le caractère également particulier de leur statut. Découlant de dispositions législatives et réglementaires diverses, ce dernier est, notamment, rappelé dans une instruction générale (modifiée) du 16 août 1966 sur l’organisation du service des comptables publics. Il se dédouble, en quelque sorte, en un statut administratif et un statut financier.

Le statut administratif

Concernant l’entrée en fonction, les comptables publics locaux sont, avant tout et comme tous les autres comptables publics, astreints à la prestation d’un serment professionnel qui est, en principe, préalable à leur entrée en fonction. Selon l’article 16 du GBCP : « À l’occasion de leur première installation, les comptables publics prêtent serment, selon les cas, devant la juridiction financière ou l’autorité compétente désignée par la loi ou le règlement. »

Avant d’entrer en fonction, les comptables doivent également être installés dans leur fonction et doivent être accrédités auprès des ordonnateurs (art. 14, al. 4 GBCP), de la même façon que les ordonnateurs doivent être accrédités auprès des comptables assignataires des recettes et des dépenses dont ils prescrivent l’exécution (art. 10, al. 5 GBCP), ce qui se traduisait, essentiellement, par la signification des signatures permettant d’authentifier les actes (rendues un peu obsolètes par la dématérialisation). Ainsi l’article 14 du GBCP simplifie cette accréditation en indiquant que la publication de l’acte de nomination d’un comptable public emporte accréditation de ce dernier auprès d’un ou de plusieurs ordonnateurs.

Pendant l’exercice de ses fonctions, le comptable public, notamment local, est également soumis à certaines interdictions, obligations ou autres sujétions.

Le comptable communal est ainsi inéligible au conseil municipal de la commune dans laquelle il exerce ou a exercé depuis moins de six mois ses fonctions (art. L. 231-6o C. élect.) – de même, d’ailleurs, qu’il est inéligible au conseil général et au conseil régional du département et de la région dans laquelle est située la commune (art. L. 195-11 et L. 340 C. élect.). Plus généralement, la fonction de comptable est, comme toute fonction publique non élective, incompatible avec le mandat de député (art. L.O. 142 C. élect.), de sénateur (art. L.O.297 C. élect.) et de membre du Parlement européen (loi du 7 juillet 1977 modifiée, art. 6).

On rappellera que l’inéligibilité empêche d’être élu et qu’elle est sanctionnée, selon les cas, par le juge de l’élection pour les causes survenues avant ladite élection ou par le préfet pour les causes survenues postérieurement à l’élection (le préfet pouvant prononcer, sous le contrôle du juge, la démission d’office : art. L. 205, L. 236 et L. 341 C. élect.). Quant à l’incompatibilité, elle n’empêche pas l’élection mais oblige ensuite à choisir (la préférence pour le mandat électif entraînant en principe détachement).

Les comptables sont également astreints, non seulement aux obligations habituelles à la fonction publique (notamment la discrétion professionnelle) ou aux agents des administrations financières (notamment le secret professionnel aménagé par le Code général des impôts), mais encore à des sujétions spécifiques telles que l’impossibilité de bénéficier du travail à temps partiel ou même, d’après la doctrine administrative, la nécessité d’une autorisation du chef hiérarchique pour obtenir un passeport.

Le comptable est enfin, et en principe, soumis au régime disciplinaire de son corps (ou de sa catégorie d’appartenance) mais selon un régime qui assouplit le devoir traditionnel d’obéissance lorsque sont en jeu les fonctions proprement comptables.

Le statut financier

C’est en matière financière que le statut du comptable est le plus original en raison de la responsabilité personnelle et pécuniaire qui pèse sur cet agent public et qui est, en conséquence, assortie d’importantes garanties financières.

Par dérogation au droit commun de la responsabilité des agents publics, qui distingue faute personnelle (imputable à l’agent) et faute de service (imputable à l’administration), le comptable est, en principe, personnellement et pécuniairement responsable de toute irrégularité ou anomalie constatée dans les opérations et fonds relevant du poste qu’il dirige.

La lourdeur et l’étendue de la responsabilité pécuniaire qui pèse ainsi sur le comptable expliquent qu’« avant d’être installés dans leur poste, les comptables publics (soient) tenus de constituer des garanties » (art. 60-II de la loi, précitée, du 23 février 1963).

Les biens immeubles du comptable sont ainsi frappés d’une hypothèque légale au profit de l’État et/ou de la collectivité locale intéressée, et ses biens meubles sont soumis, en tout cas lorsqu’il s’agit de comptables de l’État, au privilège du Trésor.

Pour pouvoir entrer en fonction, les comptables publics doivent en outre (selon une exigence très ancienne car héritée, semble-t-il, du droit romain) constituer un cautionnement dont les règles actuelles sont fixées par le décret du 2 juillet 1964.

Pour récupérer sa caution, le comptable doit obtenir un certificat, provisoire (et partiel) puis définitif de libération (décret du 2 juillet 1964, art. 8 à 16). Mais il ne s’agit pas d’une assurance, car l’association française de cautionnement mutuel doit être remboursée (par retenue mensuelle sur le traitement du comptable), ce qui explique que le comptable, qui perçoit par ailleurs une indemnité de responsabilité, peut, en plus, s’assurer (partiellement).