LA BRISE ÉTAIT célèbre. Son interview avait été diffusée au Today Show, une émission de télé très populaire.
C’était une interview un peu inhabituelle, étant donné que le présentateur, Matt Lauer, ne pouvait pas s’adresser à Brianna et qu’elle ne pouvait pas lui répondre. La communication avec le monde extérieur était uniquement visuelle. Dehors, ils voyaient ce qui se passait dans la Zone, et dedans, les gamins voyaient ce qui se passait au-delà de la barrière, point barre.
Par conséquent, l’interview avait été menée au moyen d’un Twitter primitif. Le journaliste écrivait sa question sur un bloc-notes ou, dans le cas du Today Show, qui était un peu plus high-tech, sur un écran géant installé de sorte à être visible depuis l’intérieur du dôme. Ensuite, il suffisait d’écrire la réponse et de la brandir vers les caméras braquées au-dehors.
Ce système donnait lieu à des interviews extrêmement pénibles. Le journaliste avait ses questions préenregistrées, mais le gamin de l’autre côté de la barrière devait prendre le temps d’écrire ses réponses. Et c’était lent. Très lent.
Sauf pour la Brise.
En fouillant l’école, Brianna avait récupéré un fragment de tableau et un bâton de craie et, grâce à sa rapidité surhumaine, elle écrivait en moins de temps qu’il n’en aurait fallu pour formuler une réponse.
Malheureusement, Brianna n’était pas la personne la plus raisonnable ou la plus mesurée de la Zone. Elle était intrépide, très dangereuse au combat, et elle possédait un charme indéniable. Mais ce n’était pas quelqu’un qui réfléchissait avant de parler.
Aussi, quand Matt Lauer lui avait demandé si des enfants étaient morts dans la Zone, elle avait répondu : « Des tas. C’est pas Disneyland par ici ! »
Ce qui n’était pas faux en soi, mais une onde de choc avait parcouru les parents rassemblés.
Quant à sa réponse suivante, elle avait déclenché un tollé.
Matt Lauer : « Et toi, tu as ôté des vies ? »
Brianna : « Évidemment. Je suis la Brise. À part peut-être Sam et Caine, c’est moi la terreur du coin. »
Avant que Matt Lauer puisse passer à une autre question, Brianna avait continué à écrire à toute vitesse, puis elle avait brandi joyeusement son ardoise vers les caméras.
« Il y en a d’autres que je buterais bien mais des fois, c’est pas facile. J’ai découpé Drake avec du fil de fer et une machette, et je lui ai explosé le crâne d’un coup de fusil. Eh ben, il n’est toujours pas mort ! LOL »
Puis :
« Je pense que je vais le découper en morceaux puis les disperser un peu partout dans les montagnes et dans la mer. On va bien voir s’il peut ressusciter après ça. LOL »
En résumé, Brianna avait confessé plusieurs meurtres, alors qu’en réalité elle n’avait tué personne hormis des coyotes et des insectes géants, et elle s’était vantée de vouloir continuer. Avec le sourire. En prenant la pose face aux caméras, en ajoutant LOL à la fin de ses réponses, en faisant des démonstrations de vitesse avec un couteau et une machette, et en brandissant le fusil à canon scié pour lequel elle avait fait un trou dans son sac à dos.
Bien sûr, toute cette histoire revint aux oreilles de Sam.
— Tu as perdu la tête ? « LOL » ? Franchement ! s’écria-t-il. Je croyais pourtant avoir recommandé à tout le monde de ne pas parler aux gens de l’extérieur sauf si ce sont vos parents. Je te l’ai dit et Edilio te l’a répété. En plus, comme je savais parfaitement que tu n’écouterais pas, je t’ai regardée droit dans les yeux (il joignit le geste à la parole) et j’ai même ajouté : « Brise, ne va pas raconter des horreurs. »
— Il pense vraiment qu’il te l’a dit.
C’était Toto, le « diseur de vérités », qui venait de se mêler à la conversation. Il ne pouvait pas s’empêcher d’intervenir en permanence pour attester la véracité d’un propos. Il tombait toujours juste et il était toujours énervant.
Sam, Astrid, Brianna et Toto se trouvaient sur le pont supérieur de la péniche. Deux jours s’étaient écoulés depuis que le dôme était devenu transparent et, pour la première fois en pratiquement douze mois, ils pouvaient voir le monde extérieur. Cela faisait deux jours que Sam avait transformé Penny en torche humaine sous les yeux de sa propre mère. Deux jours depuis que l’enfant maléfique, Gaia, s’était enfuie avec sa mère, Diana, et la créature mi-Drake, mi-Brittney.
— Je t’ai regardée droit dans les yeux, répéta Sam malgré l’air innocent que prenait Brianna.
— Brianna, écoute, dit Astrid. Tu es très utile pour communiquer avec l’extérieur, mais ne va pas leur confesser des crimes graves.
— Des crimes ! s’exclama Brianna avec une moue de mépris. Hé, je fais seulement ce que j’ai à faire.
— On le sait, répliqua Sam d’un ton las. Mais le reste du monde, peut-être pas. (Puis il ajouta comme pour lui-même :) LOL.
— Ouais, eh ben ils peuvent tous aller se faire voir, lança-t-elle avec colère. Qu’est-ce qu’ils font pour nous sortir de là ? Ils ont essayé de tous nous tuer et maintenant ils nous jugent ?
L’expression de Sam trahissait son approbation, aussi il garda les yeux baissés dans l’espoir qu’Astrid ne remarquerait rien.
— Ils ne voulaient pas nous tuer, protesta-t-elle. Ils essayaient de faire exploser le dôme.
— Avec un missile nucléaire ? s’écria Brianna.
— Elle n’y croit pas, intervint Toto avant de clarifier sa pensée : Astrid ne croit pas ce qu’elle dit, Spidey.
Toto avait perdu l’habitude de s’adresser à sa tête de Spiderman, l’objet avec lequel il avait partagé ses longs mois de solitude, et que Sam avait détruit, mais cela arrivait encore de temps à autre. Personne n’y prêtait attention : ils en étaient arrivés à un stade où tout le monde avait un peu perdu la tête.
— D’accord, fit Astrid d’un ton glacial. Laisse-moi reformuler : ils n’avaient pas l’intention de nous tuer, mais ils étaient prêts à courir le risque.
Toto hésita avant de déclarer :
— Elle le pense.
Mais à présent, Astrid était en colère, bien qu’elle n’en veuille ni à Toto, ni à Brianna, ni à Sam – au soulagement de ce dernier.
— Ils voulaient récupérer leur autoroute, poursuivit-elle. Ils avaient envie que ça se termine. Et il ne fallait pas que les gens sachent que, pour les mutations, ils étaient au courant depuis des mois. Alors ils ont balancé une bombe sous le dôme. Ça te va, Toto ? Ils pensaient peut-être qu’elle le ferait exploser, et qu’on serait délivrés. (Un silence.) Quand je pense que ces idiots, ces irresponsables, ces pourris voulaient nous tuer après tout ce qu’on a fait pour rester en vie !
S’ensuivit un long chapelet d’injures. Astrid n’avait jamais été du genre à dire des gros mots, mais elle était très instruite et, visiblement, elle avait accumulé quelques connaissances récemment.
Quand elle eut terminé, sous le regard à la fois suspicieux et stupéfait de Sam et de Brianna, Toto déclara :
— Elle pense ce qu’elle dit.
— Ça, j’en suis sûr, répliqua sèchement Sam. Fais-moi une faveur, Toto : va chercher Dekka et Edilio, s’il est disponible. On perd du temps, là.
Toto leva un sourcil mais ne fit pas de commentaires et descendit de la péniche. Il avait l’habitude qu’on l’envoie faire des courses, il en venait à soupçonner les gens de le trouver agaçant.
— Brise, tu sais ce que je vais te demander. Je comprends que tu aimes divertir le public, mais il faudrait que tu te remettes à patrouiller.
— J’y allais justement, répondit-elle avec humeur.
Elle s’éloigna à toute allure, réapparut au bout du ponton puis rebroussa chemin pour ajouter :
— Au fait, ils veulent t’interviewer, Sam.
À ces mots, elle disparut.
— Pourquoi j’ai l’impression d’être la mère d’une gamine de douze ans complètement tarée ? marmonna Astrid.
Le regard que Sam posa sur elle trahissait tant d’affection que même un aveugle l’aurait remarqué. L’époque où ils questionnaient leur relation était révolue. Non qu’ils en aient vraiment discuté depuis : c’était gravé dans le marbre, point.
Astrid se tenait bien campée sur ses deux jambes, les bras croisés. Elle portait un tee-shirt à manches longues, un jean si usé qu’il semblait avoir été découpé à la tronçonneuse, et les cheveux coupés court. Ses yeux bleus n’avaient rien perdu de leur intensité, ils observaient le monde avec plus d’attention que le commun des mortels.
Elle était toujours Astrid le Petit Génie, la fille qui l’intimidait tellement qu’avant l’apparition de la Zone il n’osait même pas lui adresser la parole. À ses yeux, elle venait d’une autre planète.
Le plus drôle, c’est qu’il était encore impressionné par elle, mais elle n’était plus cette déesse glaciale et distante qui, telle Athéna, l’observait de son Olympe avec un mélange d’affection et de désappointement. Elle était avec lui. Et désormais, c’était comme si une barrière invisible les séparait du reste du monde.
Ils passaient leurs journées et leurs nuits ensemble bien qu’ils n’aient pas cessé pour autant d’être en désaccord, de se disputer, de s’envoyer des piques. Ils ne faisaient plus qu’un et seule la mort pourrait les séparer.
Ce qui était d’ailleurs très probable et, à cette pensée, le sourire satisfait de Sam s’évanouit.
« La fin de la partie ». Cette expression avait rapidement été intégrée dans les conversations de la Zone. Il avait tenté de la rayer du vocabulaire commun, Edilio aussi et, à Perdido Beach, Caine avait fait de même. Il ne fallait pas que les enfants commencent à penser que la fin était proche.
Sam en était lui-même persuadé, il le sentait au fond de lui. Mais quand il essayait d’imaginer cette fin, c’était toujours horrible. Il voyait les autres quitter la Zone. Quant à lui, il n’en sortait pas vivant.
À quel moment cette pensée morbide avait-elle fait son apparition ? Venait-elle seulement de faire surface parce que le sujet était sur toutes les lèvres ?
Edilio et Dekka s’avancèrent sur le ponton. Ils avaient eu la présence d’esprit de ne pas ramener Toto avec eux.
Sans se lever, Sam les salua d’un geste tandis qu’ils grimpaient à bord de la péniche. Edilio se laissa tomber dans une chaise longue. Il semblait fatigué, et ses vêtements étaient couverts de poussière. Il aurait été exagéré de dire qu’il faisait vieux : c’était toujours un adolescent à la peau brune, tannée par le soleil, en jean et bottes, avec un chapeau de cow-boy trouvé Dieu sait où posé sur sa tignasse hirsute. Pourtant, pour une raison indéfinissable, il ressemblait plus à un homme qu’à un jeune garçon.
Cette impression découlait en partie du fait qu’il portait un fusil d’assaut en bandoulière.
— Le bruit court à Perdido Beach que Caine essaie de convaincre Orc d’éloigner les enfants de la barrière et de les remettre au boulot, annonça-t-il.
— Son idée n’est peut-être pas si mauvaise, dit Sam.
— Sauf que ça ne marche pas, objecta Dekka. Orc refuse de s’approcher de la barrière. Il ne veut pas qu’on le voie. Tu sais comment il est. Le truc, c’est qu’il n’y a plus rien à manger à Perdido Beach, pas même des choux. Sans Quinn qui continue à rapporter du poisson, ils crèveraient tous de faim. J’en viendrais presque à souhaiter qu’Albert revienne, si ce n’était pas un sale traître.
Quant à Dekka, elle n’avait jamais eu l’air jeune ; elle était née avec un air sérieux qui, avec le temps, s’était mué en mine sévère. Quand elle était énervée (comme en ce moment), son expression pouvait devenir franchement intimidante. Et une Dekka en colère, c’était mauvais signe.
— J’imagine que vous êtes au courant pour Brise ? ajouta-t-elle d’un ton trahissant à la fois l’exaspération et l’affection.
Dekka n’avait peut-être pas tiré un trait sur Brianna, mais elle ne souffrait plus de s’être fait éconduire. La passion s’était éteinte, mais pas les sentiments.
— Oh oui, on sait, répondit Astrid. Tu viens de la louper.
Edilio n’était pas d’humeur loquace. Il semblait préoccupé.
— On est vulnérables en ce moment. On ne sait pas où sont Diana et son bébé-phénomène-de-foire. On ne connaît pas non plus les pouvoirs de Gaia, à part que si c’était vraiment une gamine normale, elle serait morte. On ne sait même pas ce qu’elles veulent. Peut-être rien, d’ailleurs. (Il haussa les épaules.) Mais notre point faible, c’est probablement Perdido Beach. On a à peu près deux cent cinquante gosses au total, entre le lac et la ville. La moitié au moins se trouvent à l’endroit où l’autoroute est coupée en deux par la barrière. Ils font des signes de la main, ils pleurent, ils écrivent des mots. Les petits, en particulier. Le problème, ce n’est pas seulement que le travail n’est pas fait ; c’est qu’ils sont là-bas à découvert sans personne pour les protéger.
— Ils sont devenus une cible, dit Astrid.
— La cible rêvée, oui, ajouta Dekka.
— C’est le territoire de Caine, objecta Sam, cédant malgré lui à la tentation de se décharger de sa responsabilité sur son frère ennemi.
— Oui mais une grande partie d’entre eux viennent de chez nous, lui rappela Edilio. Tu as remarqué à quel point c’est calme ici ? La moitié des enfants ont parcouru quinze bornes pour aller pleurer devant leur famille.
La remarque d’Edilio ne recelait aucun sarcasme. Il ignorait le sens de ce mot.
— Nous avons les mêmes priorités qu’au début, déclara Astrid. Nourrir toutes ces bouches et tenir l’ennemi à distance.
Sa façon un peu théâtrale de s’exprimer arracha un sourire à Sam.
— Il nous faut un plan, lança Edilio. Parce que à part prier pour que Brise les retrouve…
— J’espérais que tu en aurais un à nous proposer, répliqua Sam d’un ton badin, mais Edilio n’était pas d’humeur à plaisanter.
Sam eut la même impression que s’il venait d’être surpris en train de rêver en classe. Il se redressa sur son siège et, malgré lui, baissa la voix d’une demi-octave :
— Tu as raison, Edilio. Qu’est-ce que tu veux faire ?
À un moment donné – mais il n’aurait pas vraiment su dire quand – Edilio avait cessé d’être son second et il était devenu son égal, son partenaire à part entière. Ce changement avait marqué les consciences parmi la population du lac sans que la moindre proclamation s’impose. Plus personne ne disait qu’il « fallait voir avec Sam » : en tout sauf dans le cadre d’une guerre, c’était Edilio qui commandait.
Sam n’aurait pas pu s’en réjouir davantage. Il avait découvert qu’il n’avait aucun talent pour s’occuper des détails ou pour organiser. Et quel plaisir de pouvoir rester au lit avec Astrid sans avoir le sentiment que le monde entier dépendait de lui ! À vrai dire, à la regarder en ce moment même avec son tee-shirt qui bâillait un peu et la finesse incroyable de ses jambes… Il dut fournir un effort pour se concentrer sur ce que disait Edilio.
— Bon, deux choses. D’abord, tant qu’il est encore temps, je veux me préparer au pire. Il ne nous reste plus grand-chose, mais je veux qu’on arrête de toucher aux réserves de Nutella et de nouilles déshydratées. Je veux qu’on entrepose tout ça dans un bateau amarré sur le lac. Pareil pour les légumes cultivés par Sinder, en tout cas ce qui n’est pas périssable. Je n’ai pas envie qu’on soit de nouveau pris par surprise. Dorénavant, s’ils veulent manger, ils n’ont qu’à se remettre au boulot.
Sam hocha la tête.
— D’accord.
Au-dessus d’eux, des nuages s’amoncelaient dans le ciel. Ce n’étaient pas des nuages ordinaires. Ils se déplaçaient bizarrement : les plus proches bougeaient très vite tandis que vers le nord, à l’horizon, ils semblaient dériver plus lentement. Au sud-est, le ciel avait pris une teinte bleu sombre. C’était une des conséquences des récents bouleversements.
La sphère – transparente depuis peu – qui contenait la Zone mesurait trente kilomètres de diamètre. Cela signifiait qu’au-dessus de la centrale, qui se trouvait pile en son milieu, quinze kilomètres séparaient le sol du sommet du dôme. À cette altitude proche de la stratosphère et située au-dessus des nuages, l’oxygène se raréfiait. Le lac Tramonto, lui, était situé au nord-ouest de la sphère, suffisamment près de la barrière pour qu’il soit possible d’espionner les enfants de l’extérieur avec une bonne paire de jumelles.
Même quarante-huit heures après le changement radical qui s’était opéré dans la barrière, Sam avait encore du mal à s’habituer au fait qu’il pouvait voir le lac dans son intégralité. Il y avait une deuxième marina de l’autre côté, à moins d’un kilomètre. Il distinguait des bateaux et des gens, quoique en petit nombre. Certains s’étaient même aventurés sur les eaux du lac pour les observer, le nez quasiment collé à la barrière, comme on regarde des animaux dans un zoo. À cet instant, Sam voyait un bateau avec deux hommes à son bord qui les filmaient en faisant semblant de pêcher. Il agita la main dans leur direction et se sentit ridicule.
La vie dans la Zone avait changé.
Comme pour illustrer sa pensée, Astrid regarda à l’horizon en se couvrant les yeux de sa main.
— Un hélicoptère !
L’appareil avait un logo peint sur la carlingue. Était-ce la police ou une chaîne de télé ? Difficile à dire à cette distance. Il volait au-dessus de l’autre marina en braquant sans doute une caméra dans leur direction. Peut-être même qu’elle zoomait sur eux quatre tandis qu’ils parlaient. Sam résista à l’envie puérile de faire un geste obscène.
Edilio parlait toujours et, pour la seconde fois, Sam se fit l’effet d’un élève distrait en classe.
— Le plus important, disait Edilio, c’est de découvrir ce qu’ils manigancent. Et concrètement, qu’est-ce qu’ils peuvent contre nous ? Pour l’instant, on navigue à l’aveuglette… Je dois parler à Caine. Je vais à Perdido Beach. Il faut qu’on fasse équipe ensemble.
— Tu veux que je vienne avec toi ? demanda Sam.
— Si c’est toi qui vas là-bas pour essayer de remotiver les enfants, tu vas le mettre en colère. Et on n’a pas le temps de se mettre les gens à dos. Pour être honnête avec toi… eh bien, je me demandais… Enfin, c’est juste une suggestion…
Sam adressa un sourire affectueux à son ami.
— Si tu as un boulot à me confier, dis-le carrément.
— Ce n’est pas vraiment un boulot. Je… Bon, voilà : même Brise ne peut pas être partout. Elle cherche mais elle s’y prend mal. Je l’adore, hein, mais elle va d’un point à un autre sans réfléchir et elle ne laisse personne lui dicter sa conduite.
Sam opina du chef.
— Tu veux que je me jette dans la gueule du loup, c’est ça.
— Brise quadrille toute la Zone autour de Perdido Beach en partant du principe que Gaia et Drake vont débarquer en ville… et, bien entendu, pour s’assurer que les caméras de télé la filment. Mais peut-être que Gaia se cache en attendant son heure. Le temps de reprendre des forces.
Sam réfléchit quelques instants.
— La mine, la base aérienne, le parc de Stefano Rey ou la centrale.
— J’en suis arrivé à la même liste. Mais tu n’emmèneras pas Dekka avec toi. On a besoin d’elle ici.
— Alors qui ?
— On ne sait pas de quoi est capable Gaia. Sam, tu n’es peut-être pas de taille à te mesurer à elle, que tu sois seul ou épaulé par Dekka. (Il adressa un signe de tête respectueux à l’intéressée.) Ne le prends pas mal, Dekka.
D’un geste, Dekka lui signifia qu’elle n’était pas vexée. Elle connaissait les limites de son pouvoir.
— Je ne crois pas qu’il faille attendre que Gaia choisisse l’heure et l’endroit, reprit Edilio.
— Elle s’est enfuie avec Diana et Drake, intervint Astrid. Et pour l’instant, elle n’est pas revenue. Ça ne me donne pas l’impression qu’elle soit si dangereuse que ça.
Sam sourit.
— Si Toto était là, il dirait que tu racontes des salades, Astrid. Le gaïaphage n’aurait pas décidé de s’incarner dans un corps s’il pensait que ça l’affaiblirait. Tu le sais très bien.
L’humeur générale commençait à s’assombrir. Edilio rappelait tout le monde à la réalité.
Astrid, à bout d’arguments, finit par répondre :
— Je ne veux pas que tu te fasses tuer, Sam. Si tu pars à la recherche de Gaia…
— Edilio pense qu’il faut que j’emmène quelqu’un avec moi, pas vrai, Edilio ?
Sam prit la main d’Astrid et la serra dans la sienne. Elle ne réagit pas.
— Il ne faudrait pas trop tarder, dit Edilio. On se retrouve dans une heure ?
Sam hocha la tête, tel un condamné acceptant l’inévitable sentence.
— OK, à dans une heure.