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Elle semble morte quand elle dort.

Ses yeux clairs, volets fermés, son menton en l’air, sa lèvre inférieure légèrement remontée, crâne enfoncé dans son oreiller blanc, on dirait qu’on prépare un moulage. Je sens son rythme cardiaque ralentir tranquillement, son souffle devient un ronflement léger.

Repue, Mouna est remontée dans sa chambre faire sa sieste. À cet âge-là, c’est important la sieste. Surtout quand on met un point d’honneur à ne pas se faire surprendre à baver tête de travers sur un fauteuil.

— Les vieux ne savent pas se tenir, ils s’écroulent entre la poire et le fromage.

Rester digne est son obsession.

Mouna tient à son rituel et refuse de se faire cueillir. À l’heure de la sieste, elle aime s’allonger dans son lit, s’abandonner pour garder le contrôle.

Elle prend ma main dans la sienne et me dit :

— À tout de suite.

Je l’accompagne et la regarde partir. Autant de petits départs avant le grand saut.

La sieste est-elle un entraînement ?

Ma grand-mère va-t-elle mourir en faisant la sieste ? Tout ça pour ça.

Elle me dit souvent qu’elle va mourir demain, c’est sa manière de rester vivante. Mais sa crainte n’est pas là. Sa crainte c’est de finir au troisième, au rayon des super gravos.

— Tu te rends compte, c’est affreux, hein. Tu crois que je finirai chez les dingos ?

— Non, Mouna.

— Le professeur nous a dit que la bonne femme du 224 avait été transférée.

— Ça n’arrivera pas.

— En même temps, elle était complètement toquée. Elle refusait de sortir de sa chambre et la nuit elle se levait pour hurler dans le couloir. Elle réveillait tout le monde. Elle était perdue.

 

— Tu sais Antoine, ça ne sert à rien la vieillesse.

Mouna adore cette phrase. Elle a raison, la vieillesse, ça ne sert à rien, sauf peut-être à apprendre aux enfants à profiter de la vie avant la liste d’attente pour la Résidence des Lilas. À comprendre qu’il faut vivre sans se retourner. Commencer à oublier avant d’être lâché par sa mémoire. L’entretenir en refusant de se souvenir d’hier pour mieux embrasser demain.