il se trouve que tard
le soir souvent la nuit
au moment de rentrer
lorsque les phares
éclaboussent de lumière
par un heureux hasard
lorsque revenu au chaud
je retrouve ton image
les gestes prévisibles
par un heureux hasard
qui me retiennent à cœur
j’essaie de te réinventer
ces matins lointains
d’être à soi uniquement
quelque part peut-être
la conjoncture du temps
ce silence indélogeable
possible et si lointain
dévalant de tes yeux
monde absent à oublier
oui je sais il aurait fallu
sauf que comme on sait
par un heureux hasard
je suis toujours bien là
cet état me réengendre
stable et insouciant
me confirmant dans mon secret
personne ou presque
si je me compte du nombre
personne quand je te dis
par un heureux hasard
le temps qui travaille
au monument des oublieux
la rumeur s’éclaire d’elle-même
la voix au milieu du visage
quelqu’un me fait signe
je m’éloigne déjà de ce corps
j’en ressens l’immense fragilité
est-ce qu’il n’en fut pas toujours
ainsi je me serais trompé
ces gestes par vagues assumés
la bouche telle une blessure
disons plutôt une offrande
des mots si vastes à déployer
des complots entre nous
entre amis et sans rancœur
par un heureux hasard
se creuse un abri pour toi
autrefois il y avait des refuges
le parfum des chandelles
le frimas dans les vitres
les hivers à la belle étoile
serait-ce pour cette raison
par un heureux hasard
que je reviens si résigné
m’entendant dire
m’écoutant penser si fortement
sous la musique qui m’envahit
vague mélancolie de l’absence
ce qui se répand à notre insu
comme les amitiés éteintes
fuite probable et souhaitée
tremblements du paysage
peine sortie dieu sait d’où
par un heureux hasard
le désir galvaudé de plonger
remettre le volant à quelqu’un
marcher jusqu’à la lumière
retrouver la source de la faim
par un heureux hasard
je ne risque rien ou presque
l’image continue de s’obscurcir
sur le haut d’un banc de neige
la chevelure prise dans la glace
ruisselant de blanc sous la lune
d’autres visions déconcertantes
désormais il faut voir la peau
par un heureux hasard
les effets du désir sont infinis
j’ai oublié et j’oublierai encore
c’est mon projet c’est mon aveu
par un heureux hasard
attendant de renaître à la nuit
traverser sa membrane obscure
tout ce qui nous consterne
fera l’objet d’un indécodable message
sinistre et factuel et indifférent
d’autres condamnations suivront
tout ce noir jusqu’à l’horizon trompeur
par un heureux hasard
j’irai au-devant de mes rêves
freinant sur la boue d’une fin de saison
me retrouvant au seuil de la solitude
résultat de ces innombrables parcours
malgré le peu de ruines à contempler
reprendre ce corps et renégocier
la mémoire des escaliers
se rendre au plus clair de soi
naviguer le cours d’un littoral intérieur
redescendre sur la spirale des rêves
volontairement floue et désarmée
par un heureux hasard
les compromis se font entendre
la fatigue parle haut et fort
le temps recommence à faire défaut
la nuit se recouvre de ton visage
le sourire à la course de l’ange
je fais semblant de rien sauf que
par un heureux hasard
nous vivons et respirons ici même