CHAPITRE 19

La Puce se réveilla avec la sensation de bras chauds qui l’étreignaient. Elle était allongée sur le côté, face à la fenêtre. Le soleil commençait tout juste à poindre à l’horizon et de vives couleurs peignaient le ciel telle l’aquarelle d’un enfant.

— J’adore ce moment de la journée, murmura-t-elle.

— Pourquoi ?

— C’est cet instant entre la lumière et l’obscurité, quand le monde semble en paix, dit-elle en se retournant afin de lui faire face. Tu n’avais pas besoin de faire ça, tu sais.

— De faire quoi ? demanda-t-il doucement.

— Me prendre dans tes bras.

— Figure-toi que j’aime te prendre dans mes bras. Tu es parfaitement adaptée à moi, plaisanta-t-il.

Pour toute réponse, elle secoua la tête, puis elle entrouvrit les lèvres pour lancer une réplique lorsque son communicateur sonna. Il grimaça, roula sur le dos et le prit sur la table de nuit.

— Ici Derik.

— Il faut que tu viennes immédiatement à la salle du conseil. On a un problème, annonça sèchement J’kar.

— J’arrive tout de suite.

Il reposa le communicateur sur la table de nuit et fit face à Amelia. Le regard inébranlable, elle étudia son expression troublée.

— C’est à propos d’Afon ?

— Je ne sais pas. Je reviens aussi vite que je peux. Ensuite, on parlera.

Elle cilla lorsqu’il se pencha en avant et plaqua un baiser dur sur ses lèvres avant de reculer et de descendre du grand lit. Puis elle se redressa et passa une main dans ses cheveux ébouriffés.

— Je te ferai apporter des vêtements et le petit-déjeuner, dit-il en commençant à se déshabiller.

— Co… cool, bredouilla-t-elle.

Ayant soudain trop chaud, elle repoussa le couvre-lit. Les muscles de Derik ondulèrent dans son dos et ses épaules tandis qu’il enlevait la chemise qu’il portait la veille. Il la lança dans un panier près de la porte.

Elle resta bouche bée pendant qu’il ouvrait son pantalon, et elle hoqueta doucement au moment où il le fit glisser, révélant une très belle paire de fesses. Elle s’humecta les lèvres. Son cul était adorable ! S’il se retournait…

— Si tu as besoin de quoi que ce soit d’autre…, expliquait-il.

— Mmm, mmm, répondit-elle, n’ayant aucune idée de ce qu’il lui disait.

— Est-ce que ça va ? demanda-t-il en la regardant par-dessus son épaule.

Elle força ses yeux à quitter son cul pour remonter vers son visage et rougit à la vue de son expression amusée. Il le faisait exprès ! Déglutissant, elle opina du chef.

— Bien… sûr. Je vais bien. Ce n’est pas comme si… comme si je n’avais jamais vu un mec nu avant, marmonna-t-elle.

Il lâcha un grognement mécontent.

— Rappelle-moi de te demander des explications à ce sujet quand je rentrerai, dit-il avant de disparaître dans la salle de bain.

Elle se laissa retomber contre les oreillers et secoua la tête, le regard rivé au plafond.

— Bon sang, je crois bien que je ne me laverai plus jamais les yeux, fit-elle à voix basse.

C’était vrai, il n’était pas le premier gars qu’elle voyait nu. La différence était qu’elle n’avait jamais voulu admirer les autres et encore moins leur faire des choses. La simple idée de toucher la peau douce de Derik, d’empoigner ses fesses fermes et de voir à quoi il ressemblait devant suffisait à l’enflammer à des endroits où elle n’avait encore jamais rien ressenti de tel.

Je t’entends, lui dit-il mentalement depuis l’autre côté de la porte.

Merde ! Sors de ma tête ! Je suis en train de vivre un fantasme privé, répondit-elle avec un sifflement mécontent.

Son petit rire parcourut son corps déjà brûlant et la précipita hors du lit. Elle passa de nouveau ses mains dans ses cheveux ébouriffés.

Il faut vraiment que je sache quand ce lien est allumé et quand il est éteint ! pensa-t-elle.

On sera toujours liés, à partir de maintenant, déclara-t-il.

Super ! Absolument super ! grogna-t-elle.

Son corps réagissait au sien avec une ardeur redoublée. Elle sentait le moindre mouvement de ses mains qui glissaient sur sa peau. Elle baissa les yeux vers sa paume qui la picotait. La marque y était clairement visible.

Eh bien, on peut être deux à jouer à ce petit jeu, songea-t-elle.

Quel jeu ?

Ce jeu-là, répliqua-t-elle malicieusement.

Levant sa paume à sa bouche, elle passa impitoyablement sa langue sur la marque. Elle plissa joyeusement le nez et sourit de satisfaction lorsqu’elle entendit le soudain glapissement de Derik suivi par un grand fracas et un chapelet de jurons. Elle continua avec les dents.

Le bruit de ses pas qui se dirigeaient vers la porte la fit fuir vers la sortie. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule alors qu’il apparaissait sur le seuil de la salle de bain. Ses cheveux pointaient dans toutes les directions, encore mousseux de shampoing. De petites gouttes de savon coulaient le long de sa tempe. De l’eau gouttait de son coude tandis qu’il s’efforçait de maintenir la serviette qui enserrait lâchement sa taille. Elle se figea, ses lèvres entrouvertes à quelques millimètres de la marque.

— N’y compte… même… pas ! gronda-t-il.

Dans un geste de défi, elle lécha sa main, du bord de sa paume jusqu’au bout des doigts. Il tressaillit comme si elle l’avait électrocuté. La serviette tomba au sol et il s’élança vers elle… au même moment où son communicateur, abandonné sur le comptoir de la salle de bain, sonnait de nouveau.

— Derik, où es-tu ? exigea de savoir J’kar.

— J’arrive dans deux minutes, dit-il d’une voix forte sans la quitter de ses yeux flamboyants. On n’en a pas fini.

Il se pencha, ramassa sa serviette et retourna dans la salle de bain. La Puce était pétrifiée, la main toujours devant sa bouche tandis que ses yeux étaient fixés sur la zone sous son nombril. Elle n’avait plus besoin de se demander à quoi il ressemblait de devant.

— Oh, bon sang, il est sacrément bien monté ! grommela-t-elle pour elle-même.

Secouant la tête, elle contempla la marque sur sa main. En cet instant, elle sut que sa vie serait à jamais liée à cet étrange extraterrestre… et ça lui fichait une peur bleue. Elle se redressa et fixa la pièce vide. Elle avait besoin de parler à quelqu’un. Elle avait besoin de parler à sa mère.

Tournant les talons, elle s’enfuit en silence dans le couloir et loin des quartiers de Derik. Le cœur battant la chamade, elle courut droit devant elle, croisant des guerriers extraterrestres surpris et des femmes étrangement vêtues. Elle ne s’arrêta qu’en se rendant compte qu’elle ne savait pas où elle allait. S’enfonçant dans une alcôve, elle s’adossa au mur froid. Ses doigts tremblaient quand elle les tendit vers le micro-ordinateur à son poignet.

— ASIA, j’ai besoin d’aide, murmura-t-elle d’une voix essoufflée.

Surprise, elle cilla lorsqu’une IA apparut avec un étrange homme à ses côtés. Cette ASIA était très différente de celle qu’elle avait l’habitude de voir, cela allait au-delà de sa tenue. Le regard de la Puce se posa sur l’homme. Lui aussi était complètement différent.

— Oh là là, est-ce que tout va bien, Amelia ? demanda l’IA.

— Tu n’es pas ASIA, lança-t-elle franchement.

— Non, ma chérie. ASIA est ma frangine terrestre. Je suis ASIA2, la version prime de la plus parfaite des IA, la salua-t-elle joyeusement.

— La perfection absolue, approuva l’IA mâle avec un sourire chaleureux.

ASIA2 fit un clin d’œil à la Puce.

— DAR et moi travaillons sur un programme de flirt. Je trouve qu’il fonctionne à merveille, gloussa-t-elle.

La Puce étudia la magnifique IA qui se tenait devant elle et fronça les sourcils en voyant un bout de code inhabituel entre l’homme et la femme. Elle ouvrit la bouche pour poser des questions avant de décider que ça ne la regardait pas.

— Tu peux m’aider à trouver ma mère ? demanda-t-elle plutôt.

— Bien sûr, ma chérie. Est-ce que tu aimerais que l’on t’escorte ? Je te jure, ce palais compte plus de couloirs que le Pentagone ! s’exclama ASIA2.

— T’es allée au Pentagone ?

ASIA2 la regarda d’un air surpris.

— Non, mais ma frangine s’en plaint tout le temps. Depuis que le vice-président des États-Unis et l’ancien directeur de Tansy au PCCT se sont révélés être des méchants, ASIA et FRED passent beaucoup de temps là-bas, et dans d’autres bâtiments du gouvernement aussi, mais aucun aussi grand que le Pentagone.

— Oh, ouais, je vois. Cosmos m’a demandé de concevoir un programme pour passer en revue tout le personnel, les entrepreneurs et les sous-traitants qui auraient pu recevoir des fonds d’organismes non enregistrés, murmura la Puce.

DAR sourit.

— ASIA dit tout le temps à quel point tu es brillante, c’est pour ça que ma compagne et moi nous demandions…

— Pas maintenant, mon amour. Tu ne vois pas qu’Amelia a déjà assez de préoccupations ? l’interrompit ASIA2.

— Bien sûr, mon amour. Je suis simplement inquiet à propos de ton délicat problème de programmation, murmura DAR, ses yeux s’enflammant.

— Attends de voir sur quoi Tilly travaille, répondit ASIA2 sur le même ton avec un regard charmeur.

— Est-ce qu’on est sur la planète du sexe ou un truc dans le genre ? Je veux dire, tout le monde ici est excité tout le temps ou quoi ? demanda la Puce d’une voix déconcertée.

ASIA2 éclata de rire et la Puce leva le nez lorsque les lumières se mirent à briller vraiment très fort. Elle reporta son attention sur l’IA et vit les tourbillons de code qui se multipliaient. Quelque chose n’allait pas. Si elle ne s’y connaissait pas mieux, elle penserait qu’ASIA2 était infectée par un malware. Ses pensées ridicules lui firent secouer la tête et elle tendit la main pour toucher l’IA.

— Oh là là. Je crois que je vais devoir me reposer un peu, dit ASIA2 en portant une main à sa tête.

— Je pense que ce serait sage, convint DAR.

— Ma mère ? rappela-t-elle doucement à l’IA.

— Bien sûr, ma chérie. Va au bout du couloir, prends à gauche et elle est dans la dernière chambre sur la droite, lui indiqua ASIA2 avant de disparaître soudainement.

La Puce regarda DAR.

— Est-ce qu’elle va bien ?

— Non. J’aimerais te parler plus tard.

La Puce acquiesça d’un signe de tête et l’IA mâle disparut. L’espace d’un instant, elle se demanda si elle n’était pas tombée dans un univers parallèle. Ce sentiment s’intensifia lorsque deux guerriers qui marchaient vers elle s’arrêtèrent pour la dévisager comme si c’était elle l’extraterrestre… parce que c’était exactement ce qu’elle était maintenant.

— J’ai atterri dans un film de S-F, bordel, marmonna-t-elle tandis qu’elle leur passait devant à toute vitesse et s’élançait dans le couloir.