Quartier général CRI, Houston, Texas :
— Quand et où a-t-elle été vue pour la dernière fois ? demanda Derik.
— Il y a deux semaines en périphérie de Washington, D.C., répondit Avery en entrant dans la pièce avant que Cosmos n’ait le temps de dire le moindre mot.
Derik se retourna et regarda la chef de la sécurité de CRI entrer, suivie par un imposant guerrier prime qu’il reconnaissait. Il salua Core d’un signe de tête avant de reporter son attention sur Avery.
— Tu as du nouveau ? interrogea Cosmos.
— Peut-être bien. Je l’aurais su plus tôt si la Puce avait utilisé une carte de crédit ou avait au moins fait une réservation en ligne, mais je pensais qu’elle retournerait peut-être à son ancien territoire à Washington, répondit Avery avant de lui lancer un regard triomphant. Les caméras de surveillance l’ont repérée à la gare. Tu n’imagines pas comme je suis contente qu’ASIA possède la capacité d’analyser autant d’images pour effectuer une reconnaissance faciale en si peu de temps.
Elle lança un dossier sur la table. Plusieurs images granuleuses s’en échappèrent. Derik les prit et les étudia rapidement. Il s’arrêta plus longuement sur la dernière. Un petit sourire amusé courba ses lèvres. Sur celle-ci, elle regardait directement la caméra… et tirait la langue.
— Tu as une équipe sur place ? questionna Cosmos.
Avery hocha la tête.
— Bert s’est rendu aux repaires préférés de la Puce. Il ne l’a pas encore vue. Il me préviendra dès qu’il la verra et il essaiera de prendre contact avec elle.
— J’aurais dû venir plus tôt, marmonna Derik d’une voix chargée de frustration.
Terra le rejoignit, l’air inquiet. L’expression de Derik s’adoucit lorsqu’il la vit frotter son ventre rond. Après plus de deux ans à essayer, Cosmos et elle attendaient enfin leur premier enfant.
— Tu n’aurais pas pu, Derik, pas sans risquer de graves conséquences. Même Core et moi n’avons eu l’autorisation de rester ici qu’après avoir promis de ne pas sortir du bâtiment de CRI, lui rappela doucement sa sœur.
— Il aurait pu arriver beaucoup de choses à ma compagne en deux semaines, répondit-il sur le même ton.
— J’ai rencontré Amelia. Elle est pleine de ressources, plaisanta Terra avant de reprendre son sérieux. Mais je suis contente que tu sois enfin là. Amelia…
— Eh bien, quoi ? exigea de savoir Derik, son regard passant de sa sœur à Cosmos.
— La Puce était déterminée à trouver Afon Dolinski, répondit sombrement Cosmos.
Derik prit le dossier sur la table basse et l’ouvrit. Les documents qu’il contenait étaient écrits en anglais. Il étudiait la langue maternelle d’Amelia depuis deux ans, et tandis qu’il parcourait les différentes pages, il parvint à comprendre l’essentiel. Apparemment, un certain DiMaggio possédait quelque chose qu’Amelia voulait.
— Je vous ferai un topo sur ce qu’Amelia a trouvé avant de partir, intervint ASIA, apparaissant soudain dans la pièce.
Elle était accompagnée de FRED, l’IA du système informatique protocolaire prime, dont la responsabilité était de traiter avec les dignitaires d’autres mondes, et à présent le compagnon d’ASIA.
— L’avion est prêt ? demanda Avery.
ASIA opina du chef.
— Bien sûr. Tout a été réglé. Rex a les plans de vol et Robert sera à la disposition de Derik dès leur arrivée à Washington.
— On vient avec toi, annonça Core en faisant rouler ses épaules.
— Je pense que Derik devrait y aller seul ou Amelia ne voudra pas revenir, fit Terra.
Surpris, son frère cligna des yeux. La dernière personne qu’il s’attendait à voir défendre son désir de se lancer à la poursuite d’Amelia sans aide était bien sa sœur. À en juger par le silence de plomb qui s’était abattu dans la pièce, il n’était pas le seul à être stupéfait.
— Je ne pense pas…, commença à protester Avery avant de pincer les lèvres en voyant Terra secouer la tête.
— C’est entre Derik et Amelia. C’est son droit d’aller chercher son âme liée… seul, insista-t-elle.
— Je déteste l’admettre… mais Terra a raison, intervint Cosmos. Derik est le seul à avoir la possibilité de trouver la Puce sans la faire fuir. Plus elle sera seule longtemps, plus le risque qu’elle soit en danger augmentera. Il faut la retrouver.
— O.K. Eh bien, encore raté pour mes plans de sécurité, marmonna Avery entre ses dents.
— Ne t’inquiète pas, Avery. FRED et moi serons aux côtés de Derik s’il a besoin d’aide, n’est-ce pas, mon amour ? dit ASIA en se tournant vers l’hologramme de l’homme debout près d’elle.
— Tant qu’il porte le nouvel appareil de communication créé par Terra et Cosmos, approuva FRED.
— Je porterai votre appareil de communication. Maintenant… où est cet avion ? voulut savoir Derik.
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Quatre heures plus tard, Derik était assis sur le siège passager à l’avant d’un SUV noir aux vitres teintées. L’esprit ailleurs, son regard glissait sur les piétons et les étranges bâtiments sans s’y arrêter. Il avait vu assez de ce monde et d’autres pour ne pas se laisser distraire par les différences avec Baade.
Va-t’en ! exigea la voix agacée d’Amelia « la Puce » Thomas dans sa tête.
Il sourit. Leur lien s’était renforcé. Une vague de chaleur l’emplit et il caressa distraitement la marque sur la paume de sa main gauche. Sa réaction ne se fit pas attendre : elle n’était pas contente.
Dis-moi où tu es, ordonna-t-il.
Non.
Amelia… Je te trouverai, d’une façon ou d’une autre. Si tu me dis où tu es, ça nous facilitera la vie, suggéra-t-il.
La vie n’est jamais facile, faut te faire à l’idée. Et je m’appelle la Puce, l’extraterrestre. Et tu m’énerves ! Je te le dis une dernière fois : va voir ailleurs si j’y suis !
Je n’irai nulle part, du moins pas sans toi. Il est temps que tu acceptes ton avenir avec moi. Je m’occuperai de toi à partir de maintenant, déclara-t-il.
Son commentaire fut accueilli par du silence avant qu’il n’entende un bruit qu’il ne parvint pas à identifier immédiatement : son éclat de rire nasal. Le son résonna dans sa tête. Sa surprise se transforma en dépit quand il reçut une image d’elle en train de se rouler par terre en se moquant de lui.
Il rejoua mentalement ce qu’il avait dit et grogna. Il n’aurait sans doute pas dû « faire son petit chef » comme le diraient Tilly et ASIA. S’il avait appris quelque chose à force d’observer ses frères avec leurs compagnes, c’était bien qu’il devait se montrer prudent et ne pas tenter de chercher à leur donner des ordres, car il y avait fort à parier qu’elles feraient tout l’inverse.
— Est-ce que ça va ? demanda Robert, lui jetant un coup d’œil avant de reporter son attention sur la route. Tu ne vas pas être malade, si ?
— Non, soupira-t-il. Je crois que je viens de commettre la première d’une longue série d’erreurs, avoua-t-il.
Ça, oui ! Rentre chez toi, l’extraterrestre, lui ordonna la Puce.
Amelia… La Puce, s’il te plaît…
Derik prit une inspiration frustrée lorsqu’il sentit un mur se dresser entre eux. Elle l’avait bloqué. Il se frotta le front, puis le menton.
Ça s’est encore moins bien passé que ce à quoi je m’attendais, pensa-t-il avec un grand soupir.
— Il y a une poubelle par terre derrière mon siège, si tu en as besoin, proposa Robert. C’est bien plus facile que de nettoyer le tapis. On n’arrive jamais à faire complètement disparaître l’odeur de vomi.
Derik fronça les sourcils, essayant de suivre ce qu’il racontait. Il secoua la tête et contempla la circulation de plus en plus dense avec mauvaise humeur. Il ferait nuit dans deux heures. De toute évidence, ramener sa compagne dans son monde allait prendre un peu plus de temps que ce qu’il avait espéré.
— Je ne suis pas malade. Où est-ce que vous m’emmenez ?
La voix d’ASIA jaillit à travers le système audio du SUV.
— Avery pensait que ce serait une bonne idée de rencontrer Bert. Amelia s’était liée d’amitié avec lui quand on la cherchait il y a quelques années et elle est restée en contact avec lui, même après qu’elle est partie à Houston. Il a contacté Avery il y a quelques minutes pour lui dire qu’il pensait savoir où elle se trouve. Bonjour, Robert, ajouta ASIA. Comment se porte ton cholestérol ?
— Bonjour, ASIA, comme si tu ne le savais pas déjà. J’ai arrêté les aliments frits et j’ai perdu quatre kilos, gloussa Robert.
— C’est bien, mon chéri. Derik, Bert t’attendra à l’extérieur du vieil entrepôt le long de la rivière. Cosmos a acheté les bâtiments et les a convertis en immeubles d’habitation. Ils sont encore en cours de construction. Robert, sois un amour et dépose-le au coin de la rue juste là, lui demanda ASIA.
— Oui, madame, rit le chauffeur.
Derik attendit qu’il se gare le long du trottoir. Robert lui toucha le bras et lui indiqua qu’il devait attendre que la voiture qui les suivait les dépasse. Un véhicule blanc surmonté de lumières bleues et rouges et orné de marques des mêmes couleurs passa devant eux avant de tourner au bout de la rue.
— Il est inutile de s’attirer des ennuis avec la police. Si tu le peux, évite toute personne dans une voiture comme ça ou en uniforme. Je sais qu’Avery t’en serait très reconnaissante. Bert ressemblera à un sans-abri, mais ne te fie pas à son apparence. Il mesure un mètre soixante-dix-sept et pèse quatre-vingt-six kilos, commença à lui expliquer Robert.
— Tiens, voici une photo de lui, Derik, ajouta ASIA.
Celui-ci observa l’image qui apparut à l’écran intégré au tableau de bord du SUV. Il découvrit le visage buriné d’un homme à la peau sombre et au visage mangé par une barbe poivre et sel. Ses yeux étaient marron foncé et scintillaient d’espièglerie. Il portait un bonnet gris usé et un manteau en laine noir qui semblait deux fois trop grand pour lui.
— Cet homme sait où est la Puce ? voulut savoir Derik en regardant Robert.
— Bert connaît cette ville comme sa poche trouée. Si tu as besoin de trouver quelqu’un à Washington, c’est lui qu’il faut aller voir, lui promit Robert.
— Il t’attendra près du portail… et Derik, garde bien le communicateur de Terra sur toi. Il n’y a que grâce à ça que FRED et moi pourrons prendre une forme corporelle ici sans plonger le quartier dans le noir, le prévint ASIA.
— Je l’ai.
Derik attrapa la poignée de la portière et descendit du véhicule. Il fourra une main dans la poche de son manteau et en sortit la paire de lunettes noires qu’Avery lui avait donnée avant qu’il ne quitte Houston, puis les mit pour cacher ses yeux inhabituels. Il scruta les alentours avant de se diriger vers la barrière métallique qui entourait les entrepôts. À trois mètres de hauteur, des images colorées représentaient à quoi ressembleraient les lieux après la fin des travaux et masquaient presque entièrement les bâtiments. Des bruits de construction se faisaient entendre de l’autre côté de la palissade.
Il poursuivit sa route vers un large portail. À travers un trou, il vit des hommes qui travaillaient. Les lieux avaient bien changé en deux ans. Il se retourna en entendant le léger bruit de pas qui se rapprochaient.
— Tu es Derik ? demanda l’homme âgé grisonnant.
Il hocha brièvement la tête.
— Vous êtes le dénommé Bert.
Les lèvres de ce dernier tressaillirent et il laissa échapper un petit rire.
— Ouais. La Puce m’a dit de faire attention à toi, que tu n’étais pas très net, répondit l’homme en tapotant sa tempe.
— Vous lui avez parlé ? demanda-t-il, ignorant la joie évidente que Bert tirait de la description que la Puce avait faite de lui.
L’homme opina du chef.
— Ouais. Elle m’a demandé de te rencontrer. J’ai entendu dire que tu étais un extraterrestre et qu’il fallait te surveiller de près pour que tu ne finisses pas comme le dernier.
Derik cilla.
— Elle a dit tout ça ? demanda-t-il sur un ton incrédule.
Le rire grave de Bert fut étouffé par le vent.
— Nan, c’est Avery qui m’a parlé de la partie sur les extraterrestres. La Puce m’a juste dit que tu étais un emmerdeur. Cette petite en dit beaucoup sans dire grand-chose, si tu vois ce que je veux dire. Alors, j’imagine qu’elles ont toutes les deux raison. Tu ne ressembles pas à un extraterrestre. Tu ressembles plus à un de ces acteurs de Men in Black ou de Matrix, dit-il avec un regard critique pour la chemise en soie, le jean et le manteau noirs de Derik.
— Cosmos a dit que je devrais plus ressembler à un Humain. Où est ma… où est la Puce ?
Bert l’observa de bas en haut.
— Viens. La Puce m’a invité à dîner et quand cette fille demande quelque chose, tu as intérêt à le faire. Pour ton information, je suis un peu protecteur envers cette p’tite dame, si tu vois ce que je veux dire, dit-il, la mine sévère.
Derik ne voyait pas ce qu’il voulait dire, mais il hocha néanmoins la tête et emboîta le pas à l’homme enjoué. Il fourra ses mains dans les poches de son manteau noir.
— Avery a dit que tu venais d’un monde extraterrestre. J’ai toujours pensé qu’il devait exister d’autres formes de vie. Je pense qu’il y en a aussi ici. Il y a trop de gens bizarres pour qu’on ait tous le même patrimoine génétique, si tu vois ce que je veux dire, poursuivit Bert.
Derik l’écouta radoter sur les différentes personnes qu’il croyait venir d’une autre planète. Il aurait pu lui dire que ce n’était pas le cas, mais l’homme semblait perdu dans son propre monde. Ils parcoururent la rue sur près d’un kilomètre et demi avant de traverser une route à quatre voies.
Il s’apprêtait à questionner Bert quand il vit la tête baissée d’une jeune femme. Elle était assise à une table à l’extérieur du restaurant. Elle leva lentement le nez et une paire d’yeux marron rebelles se plantèrent dans les siens.
Tu bloques le chemin, l’informa-t-elle.
Derik cligna des yeux et s’écarta pour laisser passer un groupe de jeunes. Il serra les poings lorsqu’elle se détourna et regarda Bert en réprimant un sourire amusé.
— Je croyais t’avoir dit de le perdre, Bert, lança-t-elle.
— Je croyais que tu avais dit de ne pas le perdre, ricana l’homme. Qu’est-ce que tu as commandé ?
— Trois bols de riz et deux tacos avec du steak et du poulet. Ils n’ont pas voulu me laisser commander de la bière.
— Je m’en charge. Tu en veux une, Derik ? J’imagine que tu as l’âge de boire, si tu vois ce que je veux dire, fit Bert avec un clin d’œil.
— Oui, j’aime l’alcool humain.
— Je reviens tout de suite, dit joyeusement l’homme.
Derik le regarda disparaître derrière les portes transparentes puis il reporta son attention sur sa compagne. Maintenant qu’il se trouvait devant elle, il ne savait pas quoi dire.
— Je ne pense pas comprendre ce qu’il veut dire quand il me demande si je vois ce qu’il veut dire, avoua-t-il.
Les lèvres d’Amelia tressaillirent avant qu’elle ne les pince. D’un geste de la main, elle désigna la chaise en face d’elle. Il s’y assit tandis qu’elle plaçait l’un des bols couverts devant lui. Elle lui tendit ensuite des couverts emballés dans du papier et il s’en empara par réflexe. Tous deux se figèrent lorsque leurs doigts se touchèrent.
— Amelia…, commença Derik d’une voix rauque.
Elle retira vivement sa main et secoua la tête.
— La Puce… je t’ai dit que je m’appelais la Puce, répondit-elle à voix basse.
— Et voilà ! s’exclama Bert, posant le plateau contenant quatre gobelets en plastique emplis d’un liquide ambré devant Derik avant de s’asseoir à côté de La Puce. Je nous ai pris deux bières chacun. Il va y avoir la queue à partir de maintenant. J’adore ce qu’ils ont au menu ici.
Pourquoi t’es venu ? exigea-t-elle de savoir en silence.
Tu sais pourquoi, répondit-il, déballant ses couverts et retirant le couvercle du bol.
Elle lui lança un regard assassin avant de se tourner vers Bert.
— Où est DiMaggio ?
Bert se figea, sa fourchette à mi-chemin entre son plat et sa bouche, et jeta un coup d’œil à Derik avant de reporter son attention sur La Puce. L’homme reposa sa fourchette d’un air mécontent.
— Tu devrais laisser tomber, la Puce, dit-il doucement.
Elle plissa les yeux avant de hausser les épaules.
— D’accord, répondit-elle.
Derik remarqua l’expression gênée de Bert en entendant la réponse d’Amelia et demanda :
— Qui est DiMaggio ?
L’homme ouvrit la bouche pour répondre, mais la referma tout aussi vite quand la Puce lui lança un regard noir. La perplexité de Derik laissa place à l’exaspération. Comment était-il censé savoir ce qu’il devait faire s’il ignorait ce qui se passait ?
Peut-être que ce que tu dois faire, c’est te mêler de tes affaires, suggéra-t-elle.
Tout ce qui te concerne est mon affaire. Tu as senti notre lien la nuit où on s’est rencontrés. Il n’a fait que se renforcer. On ne pourrait même pas communiquer comme ça si l’on n’était pas destinés à être ensemble, protesta-t-il.
— Je m’en fous ! siffla-t-elle à haute voix.
— De DiMaggio ? demanda Bert. C’est bien. Te lancer à sa poursuite ne t’apportera rien de bon.
— On est des âmes liées, se défendit-il, ignorant l’homme. Tu portes ma marque tout comme je porte la tienne.
— Je plongerai ma main dans de l’acide avant de devenir l’âme liée de quelqu’un. Mieux encore, tu n’as qu’à plonger ta main dedans. C’est le plus noble à faire, non ? rétorqua-t-elle.
— Essayer de retirer la marque ne changera rien ! Notre lien est plus profond qu’une marque ; c’est une réaction chimique qui prouve qu’on est compatibles ! Le symbole ne sert qu’à montrer qu’on est faits l’un pour l’autre si quelqu’un ose le contester, répondit-il furieusement.
— Je n’ai pas de réaction chimique à moins d’une bonne grosse indigestion et ta présence me provoque la pire de ma vie ! lança-t-elle sèchement avant de se lever. Rentre chez toi, l’extraterrestre. Tu n’es pas le bienvenu ici.
Derik resta immobile tandis qu’Amelia « la Puce » Thomas prenait son gobelet vide, tournait les talons et se dirigeait vers les portes transparentes. Elle en ouvrit un battant et disparut à l’intérieur. Il ne la quitta pas des yeux pendant qu’elle se frayait un chemin à travers le restaurant bondé.
— D’accord, vous m’avez perdu, mais je suis quasi sûr que vous ne parliez pas de DiMaggio, murmura Bert, tournant sa chaise pour faire face à Derik.
Ce dernier baissa le nez vers le bol de riz devant lui et secoua la tête. Il planta sa fourchette dans un morceau de viande et tendit la main vers l’un des gobelets de bière. Il le vida d’un trait avant de prendre l’autre et de jeter un nouveau coup d’œil à l’intérieur du restaurant. La Puce attendait pour remplir son verre à une machine.
— Non. C’est… compliqué, finit-il par répondre.
Bert gloussa et hocha la tête.
— Les femmes en général sont compliquées. Les femmes comme la Puce… eh bien, je ne sais pas s’il existe une notice assez détaillée pour comprendre quelqu’un comme elle. Je dois dire, je ne crois pas l’avoir déjà entendue parler autant. Qu’est-ce que tu as fait pour l’énerver ?
— Je ne sais pas trop, avoua-t-il avec un regard penaud à Bert. Qui est DiMaggio ?
Toute trace d’humour disparut du visage de l’homme plus âgé, qui se pencha en avant en posant les bras de chaque côté de son bol. Curieux à propos de son changement d’attitude, Derik l’imita et se pencha lui aussi en avant.
— DiMaggio a commencé comme escroc à la petite semaine il y a trente ans, mais il a rapidement pris le contrôle de cette partie de la ville et le conserve depuis. Je travaillais en tant que policier près du fleuve à l’époque…, commença à lui raconter Bert à voix basse.