Introduction – André-François Ruaud

Lorsque Roland, en décembre 2008, me demanda de rééditer en tirage limité son roman Poupée aux yeux morts, il le faisait en sachant combien j’étais attaché à cette œuvre, que j’avais lue autrefois à diverses étapes de son avancement, que j’avais corrigée, pour laquelle j’avais même suggéré une (unique) ligne. Par conséquent, j’acceptais très volontiers de sortir cet hardcover, vous pensez bien ! Avec l’ajout d’une préface de Michel Pagel, il s’agissait soudain d’une sorte de fête pour notre trio de vieux amis. Et Roland de préciser : « Sur ce coup, je te le dis, le fric, je m’en fous. » Puis, comme nous discutions de la couverture, il me dit : « Oui, je sais, je suis chiant. Mais j’y tiens, à ce bouquin. » Non, il ne fut pas chiant, sur le coup, et il le voulait, son livre-objet ! Il retravailla également le texte, afin que ce soit vraiment une édition définitive.

Un an plus tard, il m’envoyait ce bref email : « Bien reçu ce matin. Le livre est vraiment magnifique. Quel pied. Waow ! » J’étais content, et lui aussi.

Cette édition de luxe se vendit un peu, pas beaucoup, lentement, mais dès que Roland m’avait demandé cette édition j’y avais mis une condition : pouvoir également réaliser une édition en librairie, quand je le pourrais, quand l’occasion s’y prêterait. Et puis peu à peu, naquit l’idée de réaliser quelques beaux volumes spécialement pour le dixième anniversaire des Moutons électriques : parmi ceux-ci, Poupée aux yeux morts s’imposait forcément. Je prévoyais d’en reparler à Roland, d’ores et déjà la couverture avait été maquettée et acceptée, tant par Caza que par lui.

Et puis le 5 août 2012, dans la matinée, je reçu un coup de téléphone d’un copain. Avec une sale nouvelle, l’une des plus déchirantes que j’ai jamais eu. Roland, là, je t’assure, t’as été chiant.

Alors voilà, cette édition que je désirais et que Natacha, la fille de Roland, a eu la gentillesse d’autoriser. Et je me retrouve à écrire une introduction que je donnerai extrêmement cher pour n’avoir jamais eu à rédiger.

Tem est désormais orphelin, l’uchronie algérienne Rêves de Gloire demeurera le dernier chef-d’œuvre de son auteur, mais il reste à redécouvrir les œuvres de jeunesse de Roland C. Wagner — dont cette Poupée aux yeux morts, de jeunesse, oui, mais déjà œuvre majeure.