Les nefs fuyaient dans la nuit depuis tant d’années que la plupart de leurs passagers étaient nés à leur bord. Certains peuples avaient même perdu jusqu’au souvenir de leur monde d’origine. Mémoires d’ordinateur effacées, livres recyclés en nourriture ou en papier hygiénique, tradition orale approximative, ils survivaient plus qu’ils ne vivaient, traqués par cette Perturbation qui les talonnait, ravageant — croyaient-ils — tout sur son passage.
Le navire wag était un enchevêtrement de structures plastiques et métalliques sans forme définissable. Seul le bloc-moteur demeurait identifiable, avec ses lourdes tuyères à plasma dirigées vers l’arrière. Le reste dessinait un chaos parcouru de poutrelles et de tubes pressurisés, de câbles et de tuyaux inextricablement mêlés, qui occupait un espace d’environ quinze kilomètres cubes.
Les caissons étanches hétéroclites, arrimés en dépit du bon sens, formaient entre eux des angles aberrants.
Pourtant, cette architecture disgracieuse et inefficace avait pour destination d’abriter la vie.
Les Wags ressemblaient aux êtres humains ; leur histoire génétique était sensiblement la même. Au nombre de trois millions, ils vivaient les uns sur les autres, pratiquant le jeûne plus que de raison. Ils invoquaient d’obscures motifs religieux pour justifier ces privations répétées, dont la véritable cause était le manque cruel de nourriture ; les plantations hydroponiques et le recyclage systématique ne pouvaient suffire à alimenter une population qui ne cessait de croître depuis des millénaires, à un rythme par bonheur modéré.
Les Wags n’avaient plus de chef depuis longtemps. Lorsqu’il convenait de prendre une décision d’intérêt collectif, comme la réparation d’une passerelle pressurisée ou le nettoyage d’un propulseur, les Lecteurs — les Wags instruits, qui avaient lu à grand-peine l’un des cinq livres préservés du recyclage — se réunissaient, puis dictaient leurs ordres/conseils/suggestions, que les autres suivaient sans discuter, mornes et désabusés, parce que cela devait être ainsi, parce que cela avait toujours été ainsi. Quant aux prêtres, qui célébraient un culte baroque né bien après le départ, ils n’avaient aucun pouvoir et se contentaient de prêcher l’attente et la résignation. Les Wags n’avaient jamais respiré la joie de vivre, et l’existence à bord n’avait fait qu’aggraver cette tendance à la morosité.
Le pilotage de la nef était assuré par un ordinateur conçu, en théorie, pour faire face à toutes les éventualités grâce à un système expert capable d’apprentissage — qui avait déjà sauvé le navire à plusieurs reprises. Dans ses entrailles peuplées de cristaux aux fonctions analogues à celle de microprocesseurs surpuissants, un programme d’une simplicité presque choquante comptabilisait sans relâche les jours qui s’égrenaient, ainsi que l’avance prise sur le second front de la Perturbation. En unités de mesures terriennes, onze mille deux cent quatre ans s’étaient écoulés depuis le départ, et le vaisseau avait gagné quatre cent soixante-trois kilomètres.
— Le second front de la Perturbation ? répéta Sue.
Elle jouait machinalement avec une mèche de cheveux roux qu’elle enroulait autour de son doigt en une spirale flamboyante. Ce geste était chez elle l’indice d’une nervosité que je partageais tout à fait dans les circonstances présentes. Jeanne avait raison ; c’était purement invraisemblable. Comment un écrivain de l’Ère néopure aurait-il pu avoir connaissance de l’existence de la Perturbation ?
— Je ne comprends pas plus que toi de quoi il peut s’agir. Le fouinain ne m’a jamais parlé de ça. Remarque, ça ne veut rien dire, vu son habitude de conserver pour lui les informations…
— C’est peut-être ça qui éteint les étoiles, suggéra Jeanne.
— Et qui expliquerait la fuite des nefs ? Non. Dans ce cas, il faudrait admettre que le péril est réel. Et le fouinain…
— Tiens, le fouinain ! Parlons-en un peu, du fouinain ! rugit Jeanne. Lis donc un peu la suite, tu vas avoir des surprises. Je tournai la page et repris ma lecture.
Les légendes des Wags mentionnaient de petits hommes chauves aux pupilles dansantes qui apparaissaient parfois dans les coursives les plus excentrées du navire, mais nul n’en avait rencontré depuis des siècles. On leur prêtait de curieux pouvoirs et un langage bizarre, pour partie composé de mots dont la plupart des Wags avaient oublié jusqu’à l’existence. Certains vieillards affirmaient que la venue d’un de ces gnomes — qu’ils nommaient Ñewags, c’est-à-dire n’appartenant pas au peuple wag — annonçait un changement ; néanmoins, les chroniques ne faisaient allusion à rien de tel.
Kád/Ñaell — dont le nom signifiait Fils-Du-Centième-Jour — ne fut donc pas surpris outre mesure de tomber nez-à-nez avec un minuscule Ñewag, alors qu’il se rendait au compartiment étanche périphérique où croissaient les cultures hydroponiques dont il avait la charge. Le jeune Wag s’immobilisa, toisa le petit être chauve et attendit. Selon la légende, il n’était pas bon de parler le premier en de telles circonstances.
— Salut, dit le Ñewag.
— Bonjour, répondit poliment Kád/Ñaell.
— Tout va comme tu veux ?
— Tout va.
— Tu es chargé de l’entretien des dòws, c’est bien ça ?
Kád/Ñaell ne conçut aucun étonnement ; l’omniscience n’était qu’un aspect des pouvoirs du Ñewag.
— Oui. Tu as quelque chose à me dire ?
— Rien de bien particulier… Juste qu’un événement sans précédent pour ton peuple devrait se produire très prochainement.
— C’est ce que tu appelles rien ?
Un sourire déforma les traits élastiques du Ñewag. Kád/Ñaell songea qu’il ressemblait à l’un de ces pantins indestructibles, aux visages coulés dans une matière malléable, qui servaient à amuser les enfants. Il en avait l’extraordinaire plasticité et le regard pétillant d’ironie.
— À mon échelle, ce n’est rien.
— De quel genre d’événement s’agit-il ?
— Vous pourrez bientôt quitter le Wag/Wòhl.
Ce terme désignait aussi bien le navire que l’univers. Les Wags connaissaient l’existence de l’espace extérieur, des autres nefs — même s’ils n’avaient plus de contacts avec elles depuis des millénaires — et des étoiles, mais le vaisseau était leur monde et il ne serait venu à l’idée de personne d’en sortir ; toutes les réparations étaient d’ailleurs réalisables de l’intérieur.
— Les chroniques disent que c’est impossible, que le Ñewag /Wòhl est hostile à la vie…
— Le Ñewag/Wòhl n’a rien d’homogène ni d’uniforme. Il est des lieux tout aussi habitables que le Wag/Wòhl… Les astres.
Le Ñewag avait employé le mot « cawehl », qui désignait indifféremment étoiles et planètes. Kád/Ñaell ne put dissimuler sa surprise. Il connaissait mal la nature du Ñewag/Wòhl, mais le plus obtus des Wags savait que les astres ne brillaient que parce qu’ils brûlaient.
— Leur surface est trop chaude…, objecta-t-il.
— Je parle des astres froids, répliqua le Ñewag. Les Wags viennent de l’un d’eux, les chroniques te le confirmeront.
— C’est la première fois que j’entends…
— Demande donc aux Lecteurs.
Kád/Ñaell secoua la tête, les paupières baissées. Il ne parvenait pas à y croire. Quand il rouvrit les yeux, le Ñewag avait disparu.
J’interrompis ma lecture, mal à l’aise. Ce texte ne pouvait tout simplement pas être. À moins, bien sûr, que son auteur ne l’eût écrit, par exemple, à la suite d’un contact mental accidentel avec les extraterrestres qu’il y décrivait. La Perturbation induisait tant de bouleversements que cela n’aurait rien eu d’étonnant à mes yeux. Seulement, pour ce que j’en savais, les phénomènes parapsychiques étaient d’apparition récente
— D’accord, dis-je. C’est tout à fait dans la manière du fouinain. La description correspond et, de toute façon, qui d’autre pourrait apparaître et disparaître sans prévenir ? C’est sa signature, sa patte… L’oracle fantôme — ça lui va comme un gant à quatre doigts.
— Ce que je me demande, intervint Sue, c’est ce qu’il fiche dans ce vaisseau. Et, surtout, qui a bien pu écrire ça…
— J’aime bien ces mots barbares glissés dans le texte, commenta le salvoïde en affectant des mines de critique littéraire satisfait. Ça donne du…
— Moi, ça m’a plutôt gêné à la lecture, dit Jeanne. Surtout au début. Ensuite, on s’y habitue. En fait, il n’y en a qu’une dizaine au total.
Le salvoïde tendit la main vers le manuscrit pour y jeter un coup d’œil. Dès qu’il l’eut entre les mains, j’en profitai pour lui demander de lire la suite. Il déglutit, se râcla la gorge et s’exécuta sans sérieux aucun, grossissant volontairement les défauts du texte qui, dans sa bouche, prenaient des allures outrancières…
— Il a dit vrai, confirma Wòña/Dârl, le plus âgé des Lecteurs. Les Wags viennent bien d’un astre froid.
— Mais pourquoi n’en avoir jamais parlé ? s’indigna Kád/Ñaell.
— Tout n’est pas bon à dire. Comment les Wags réagiraient-ils s’ils apprenaient que la vie est possible — et peut-être bien plus agréable — hors du Wag/Wòhl ?
— Ils voudraient y aller voir…
— Voilà. Mais il est impossible de contrôler le déplacement du Wag/Wòhl à travers le Ñewag/Wòhl. Nous avons oublié depuis des millénaires comment nous y prendre… si nous l’avons su un jour, d’ailleurs. Rien n’est moins sûr.
— Tu veux dire que le Wag/Wòhl poursuit son chemin comme un wagonnet sur son rail ?
— La comparaison est assez juste. Maintenant, à ton avis, que se passerait-il si tous ces éléments d’information étaient mis à la disposition des Wags ?
Kád/Ñaell secoua la tête.
— Je ne sais pas…
— Il existe un mot pour désigner leur réaction. Kádáwehl ! La force mal employée, explicita Wòña/Dârl.
— Comment la force pourrait-elle être mal employée ?
Imagine, par exemple, que Tòw/kazz veuille utiliser ton cylindre respiratoire parce qu’il a négligé de remplir le sien…
— Je le lui prêterais.
— Même si tu en as toi aussi besoin ?
— Dans ce cas, je lui demanderais d’attendre.
— Admettons maintenant qu’il décide de le prendre malgré tout.
— Il ne ferait jamais ça !
— Bien sûr que non, car on lui a caché la kádáwehl. Mais s’il en connaissait l’existence, il pourrait te donner un coup avec son poing et profiter de ton évanouissement pour te prendre ton cylindre sans ton accord.
— Je comprends, dit Kád/Ñaell, l’estomac soulevé par ce nouveau concept. Et tu crois que les Wags auraient recours à la… kádáwehl s’ils apprenaient qu’il existe d’autres Wag/Wòhl plus accueillants — dans le Ñewag/Wòhl ?
— Ils se sentiraient prisonniers. Oui, je le crois.
— Je ne dois donc pas répéter ce que m’a dit le Ñewag ?
Wòña/Dârl eut un sourire étrange.
— S’il t’en a parlé, c’est que le changement est proche — il te l’a dit, d’ailleurs. Les Ñewags n’ont jamais menti. Notre existence actuelle, qui n’était qu’un stade transitoire, touche à sa fin. Nous allons bientôt quitter le Wag/Wòhl. Ou, plutôt, retrouver un Wag/Wòhl identique à celui que nous avons perdu il y a bien longtemps… Un astre froid. Tu peux donc tout raconter sans crainte. Notre devoir est de préparer les Wags à ce changement. C’est pour cette raison que le Ñewag t’a averti.
— Mais pourquoi moi ?
— Il faudrait que j’en parle aux autres Lecteurs pour te donner une réponse précise… Disons qu’il est possible que ta jeunesse te rende plus sensible à certaines révélations. Tous ceux qui ont rencontré un Ñewag n’avaient pas encore de sexe défini.
Le salvoïde reposa le manuscrit sur ses genoux.
— Je ne peux pas continuer à lire ce machin. C’est trop grotesque.
— Ça le serait moins si tu ne chargeais pas tant, remarqua Sue, qui me paraissait bien partie pour devenir une fan enragée des barbus et de leur humour. Quel cabotin ! Vous êtes tous comme ça ?
— Je ne trouve pas que ce soit grotesque, intervins-je. Au contraire : c’est bourré de détails intéressants. Je crois que je commence à comprendre pourquoi le fouinain m’a choisi. Pourquoi moi ? C’est ce que je me suis toujours demandé.
— Il n’y a pas de raison, coupa Jeanne. Ce… Wòña/Dârl l’a très bien expliqué.
— Pas d’accord. Il y a une raison. Kád/Ñaell est comme moi. En un certain sens, c’est moi. Le fouinain l’a choisi pour préparer son peuple au changement. Tout comme moi. Et je vous parie qu’il ne va pas tarder à avoir des ennuis…
— Bien vu, laissa tomber Jeanne.
Je récupérai le manuscrit, que le salvoïde me rendit avec un soulagement certain.
Les Wags vivaient en moyenne l’équivalent de cent trente années terrestres. Jusqu’à vingt ans environ, ils ressemblaient à de fluets androgynes au ventre lisse. Puis leurs parties génitales se développaient en quelques semaines. Ils entraient alors, pour onze années, dans leur première période de reproduction, à l’issue de laquelle ils devenaient stériles. Quand ils vivaient encore sur leur monde d’origine, ils connaissaient une seconde phase de fertilité entre quarante-deux et cinquante ans, mais rares étaient désormais ceux qui voyaient leurs gonades refleurir. Le faible espace disponible et la nourriture insuffisante influaient en effet sur le taux de natalité des Wags.
Avec le temps, ceux-ci étaient peu à peu devenus une race communautaire, où l’individualité ne subsistait que sous une forme atténuée. Chaque Wag possédait son caractère propre et une certaine autonomie, mais l’unité du peuple passait en priorité. Si Kád/Ñaell avait demandé son avis à Wòña/Dârl au sujet des révélations du Ñewag, c’était avant tout par crainte de perturber la conscience collective des Wags en leur donnant accès à des informations susceptibles de les traumatiser. Une réponse négative aurait entraîné son exclusion progressive du corps social et, à terme, son décès. Aucun Wag ne pouvait en effet survivre privé de contact avec ses semblables.
Malgré ces légères mutations, les gènes wags demeuraient compatibles avec ceux des humains. À moins qu’ils ne le fussent devenus au cours des siècles.
Car la Perturbation ignorait le hasard.
— Après la pornographie, le suspense ! lança le salvoïde. Je ne sais pas qui a écrit ce texte, mais il appliquait les vieilles recettes !
— Je ne vois rien de pornographique là-dedans objecta Jeanne d’un ton quelque peu étonné.
— Il faut toujours qu’il en rajoute, lui rappelai-je. En tout cas, ça prend une tournure assez curieuse… Cette histoire de gènes qui deviennent compatibles avec les nôtres…
— S’il n’y avait toutes ces coïncidences, tous ces recoupements avec la réalité, on pourrait croire que c’est de la science-fiction, nota Sue. De la SF allégorique, comme dans les samizdats.
La littérature avait survécu contre vents et marées durant l’Ère néopure. Les maîtres de la planète ayant fait main basse sur la totalité des moyens de duplication mécanique — même la possession d’une machine à écrire nécessitait un permis —, qu’ils s’efforçaient de contrôler avec un succès certain, on était revenu à l’époque des copistes. C’était un travail épuisant et fort mal rémunéré, qui pouvait vous coûter celle de vos mains qui avait reproduit un texte quelconque — voire les deux si vous aviez le malheur d’être ambidextre. Mais grâce à une poignée de fous et d’inconscients, il existait toute une littérature contemporaine du Néo-Puritanisme, que l’on commençait à rééditer. Des auteurs comme Freignor, Raphaël Balivernes ou John Smith n’avaient guère écrit que cinq ou six nouvelles, mais ils y avaient concentré tout leur talent, ils s’y étaient livrés corps et âme… Rien de commun avec le texte que j’avais entre les mains, qui fleurait bon son XXe siècle un peu ringard.
— J’en termine avec ça, dis-je. On en discutera ensuite.
Kád/Ñaell avait répété les paroles du Ñewag à tous ceux qui avaient bien voulu l’écouter. Bon nombre d’entre eux étaient demeurés incrédules — les Wags avaient du mal à accepter l’inconnu —, mais quelques-uns avaient accordé leur confiance au jeune wag. Par la suite, tandis que l’histoire faisait le tour du navire, des dizaines de Wags — pour la plupart de sexe indifférencié — s’étaient ralliés à Kád/Ñaell. Ils constituaient désormais un groupe de plusieurs centaines d’individus, suffisamment important pour devenir une entité autonome, indépendante du corps social — et, donc, viable.
La réaction des autres Wags ne s’était pas fait attendre. Malgré les incitations au calme des Lecteurs, ils avaient déclaré le groupe adverse göbwáhl — « hérétique », ou à peu près —, et réclamaient son isolement dans un secteur désaffecté du Wag/Wòhl — voire, pour les plus extrémistes, son expulsion dans le Ñewag/Wòhl. Mais ce n’étaient que des paroles en l’air, car ce qu’ils demandaient était impossible sans l’accord des dissidents. À moins de recourir à la kádáwehl, dont Wòña/Dârl s’était bien gardé de leur parler.
La situation en était là, tendue, figée, lorsque les rares écrans encore en état de fonctionner furent envahis par une énorme boule de feu, avant de s’éteindre simultanément, tandis qu’un choc épouvantable jetait les Wags au sol. Ensuite, il y eut des bruits inconnus, d’autres explosions moins violentes, des vibrations… La lumière vacilla à plusieurs reprises, l’air s’épaissit. Serrés les uns contre les autres, les Wags étaient les proies d’un sentiment oublié, auquel Wòña/Dârl avait donné un nom : kefáhl — la terreur.
Le calme revint peu à peu tandis que la situation redevenait normale. Kád/Ñaell fut l’un des premiers à se relever, tout à la fois inquiet et triomphant. Le changement annoncé s’était bel et bien produit. Il réunit autour de lui les membres du groupe göbwáhl et ne fut pas surpris de constater que leurs rangs s’étaient élargis. N’était-il pas l’élu du Ñewag, celui à qui le gnome avait annoncé le changement ? Il voulut se lancer dans un long discours, mais Wòña/ Dârl l’interrompit aussitôt :
— Le Wag/Wòhl a changé de direction. Je le sens.
— Que veux-tu dire par là ?
— Il ralentit considérablement par rapport au Ñewag/Wòhl et s’écarte de sa route.
— Mais le Wag/Wòhl ne peut se déplacer ! s’écria un Wag.
Wòña/Dârl sourit.
— Il se déplace. Et il va bientôt nous permettre de vivre en un lieu différent… Un autre Wag/Wòhl !
— Göbwáhl ! Il n’y a pas d’autre Wag/Wòhl ! clama l’un des nouveaux membres du groupe. C’est toi qui as attiré… cela sur nous ! reprit-il en pointant sur Kád/Ñaell un index accusateur. Si tu n’avais pas parlé au Ñewag, rien ne serait arrivé…
— Le Ñewag est venu me prévenir du changement.
— … Mais peut-être as-tu inventé son existence ! Peut-être n’y a-t-il jamais eu de Ñewag !
— Tais-toi ! intima Wòña/Dârl. Tu ne sais pas de quoi tu parles.
— Oh si, je le sais ! Et ce n’est pas vers un autre Wag/Wòhl que nous allons, mais vers la mort !
Pour les Wags, le concept de mort n’existait qu’à l’échelle collective. Seuls les groupes sociaux pouvaient mourir ; les individus, eux, se contentaient de disparaître, tout simplement. Aussi ce terme possédait-il une force terrifiante. Les Wags se turent, soudain envahis par le doute.
Wòña/Dârl marcha sur celui qui venait de parler, avec l’intention de l’exhorter à se taire. Mais le Wag, sans doute affolé par ses propres paroles, se jeta sur lui et l’empoigna à bras-le-corps. Kád/Ñaell se précipita pour libérer le Lecteur et reçut un coup de pied accidentel auquel il répondit d’un coup de poing. Le Wag lâcha Wòña/Dârl et s’effondra, assommé.
— Tu viens d’employer la kádáwehl, reprocha le Lecteur.
— Il le fallait bien.
— Peut-être avait-il raison, après tout… Je n’aurais jamais dû te parler de cela. Tu as fait un mauvais usage de la force… (Wòña/Dârl tomba à genoux, le visage gris.) La mort… Je le sens… Proche…
— Non ! s’emporta Kád/Ñaell. C’est notre libération qui approche ! Tu as parlé d’autres Wag/Wòhl, de…
Une main se posa sur l’épaule du jeune Wag. Il se retourna. Un poing le cueillit au menton. Il roula à terre, tandis qu’autour de lui éclatait une bagarre générale.
L’ordinateur du vaisseau ne se préoccupait pas des créatures fragiles dont il assurait la survie. Par contre, il était de son devoir d’étudier la situation matérielle du navire. L’explosion à l’origine inconnue avait endommagé plusieurs caissons de propulsion et anéanti une partie du système d’observation. La nef hétéroclite n’était pas encore une épave, mais peu s’en fallait.
Le premier problème consistait à éviter une énorme planète aux dimensions de soleil avorté vers laquelle tombait le vaisseau, comme hypnotisé par la dépression en forme d’œil sanglant qui barrait sa face visible. L’ordinateur fit un rapide check-up. Les unités propulsives encore en état de fonctionner suffiraient pour le moment. Mais ensuite ?
Les anciens Wags, ceux qui avaient assemblé le navire en catastrophe lorsque la Perturbation avait atteint leur Sphère d’Influence, avaient toujours privilégié l’instant présent ; vivant au jour le jour sans guère se soucier de l’avenir, ils avaient programmé l’ordinateur de manière identique. Aussi actionna-t-il les réacteurs nucléaires sans se préoccuper — pour l’instant — de ce qui découlerait de cette décision. Il fallait avant tout éviter l’astre géant.
Partout ailleurs, dans le labyrinthe fragile de la nef, des Wags se battaient contre d’autre Wags.
J’étais revenu à la première page, où le titre élégamment calligraphié paraissait me narguer. Pourquoi l’auteur de ce texte surprenant ne l’avait-il pas signé ? Les écrivains clandestins de l’Ère néopure ne travaillaient jamais dans l’anonymat total ; tous possédaient un ou plusieurs pseudonymes, afin que les lecteurs qui parvenaient à ses procurer leurs samizdats pussent sinon les identifier, du moins les reconnaître.
— Eh bien ? Tu ne continues pas ? s’enquit Sue.
— C’est tout, répondis-je en relevant la tête.
Elle ouvrit de grands yeux étonnés.
— Tu veux dire qu’il manque la fin ?
Je secouai la tête.
— Je n’en ai pas l’impression. Le texte s’arrête au milieu d’une page.
— Son auteur a dû être interrompu avant d’avoir le temps de terminer de l’écrire… ou de le recopier, suggéra le salvoïde.
— En tout cas, je trouve ça frustrant, commenta Sue. J’aurais bien aimé savoir si les Wags allaient s’en tirer.
— Moi, ce qui m’inquiète, c’est cette histoire de « second front » de la Perturbation, reprit le barbu en me considérant avec perplexité. Dis-moi, l’ami, tu crois qu’il va y avoir d’autres bouleversements ?
Je fis la moue. La genèse de L’Oracle fantôme constituait à l’évidence une énigme de taille. Les images des vaisseaux innombrables qui passaient sans s’arrêter au large de l’orbite de Pluton défilaient dans ma mémoire. La nef wag se trouvait quelque part au sein de cette flotte immense, j’en étais quasiment certain. Car celui qui avait rédigé ce texte savait de quoi il parlait. D’une manière ou d’une autre, il avait lu dans l’avenir, peut-être inconsciemment, et il avait couché sa vision sur le papier — ce qui expliquait peut-être pourquoi le récit se terminait d’aussi abrupte manière.
— Ça m’en a tout l’air, finis-je par marmonner. Mais je ne vois pas qui pourrait le confirmer, en dehors du fouinain.
— Présent, claironna une voix ironique que je connaissais bien.
Il était perché au bord d’une table basse, secouant sa tête chauve avec un sourire radieux. Je lui adressai un salut de la main avant de réaliser que, cette fois, je n’étais pas seul à avoir conscience de sa présence. Les regards ébahis de mes interlocuteurs indiquaient qu’ils le voyaient également. Cela constituait-il la preuve tant attendue de la réalité du gnome aux pupilles changeantes ? Ou bien ma petite hallucination personnelle était-elle soudain devenue collective ?
— C’est lui ? s’enquit Sue, les sourcils froncés. Je ne le voyais pas tout à fait comme ça.
— Ouais, renchérit le salvoïde, j’aurais pensé qu’il était plus vert.
— Je ne corresponds jamais à ce qu’on attend de moi, coupa le gnome. Bon, vous voulez des explications ; je vais vous en fournir un certain nombre. Un second front de la Perturbation va effectivement déferler dans la soirée sur le Système solaire. Et c’est bien moi qui suis apparu à Kád/Ñaell, pas plus tard que tout-à-l’heure. Seulement, pour autant que je le sache, le calme règne à bord de la nef wag… (Il hésita.) Et je suis incapable d’expliquer l’origine de ce document.
— Le fouinain dépassé par les événements ? railla le salvoïde. Allons donc ! Essaye au moins d’être conforme à ton image d’oracle fantôme !
Il était difficile de lire quelque chose qui ressemblât à une émotion sur le visage caricatural du fouinain, mais j’eus la très nette impression que la réflexion du clone en cavale l’avait mis mal à l’aise — ou, plutôt, avait accentué le malaise que le gnome ressentait déjà. Parce que son incapacité à expliquer l’origine du manuscrit l’avait déchu de son trône de deus ex machina ? Je décidai d’intervenir :
— Je le crois, moi. Vous avez vu comme moi l’encre et le papier… Ce texte a été écrit durant l’Ère néopure, c’est incontestable. Peut-être même avant, allez savoir ! En tout cas, ça se passait bien avant l’arrivée du fouinain. (Je lui lançai un coup d’œil inquisiteur.) Depuis quand es-tu là, au fait ?
— Trop peu de temps à mon goût, biaisa-t-il.
Sue ne le quittait pas des yeux, sans doute amusée par son apparence de personnage de cartoon. Je m’étais moi aussi laissé avoir, lors de notre première rencontre à Sahara Beach. Je n’arrivais pas à le prendre totalement au sérieux, pas même à voir en lui une créature tout à fait réelle — pas plus que je n’avais songé que les salvoïdes pouvaient éprouver des sentiments humains avant d’obtenir la preuve du contraire.
— Quel est le sens de ce texte ? interrogea Sue.
L’embarras modela les traits du fouinain, tandis qu’il nous considérait l’un après l’autre de ses pupilles heptagonales.
— Je vous dirais bien qu’il est un peu tôt pour vous l’expliquer, mais je crains que cette réponse ne vous suffise pas. Le problème, c’est je ne peux pas encore tout vous dire. Vous n’êtes pas encore prêts ; vous ne comprendriez pas. (Il laissa traîner la dernière syllabe, avant d’enchaîner :) Le Gestalt n’atteindra toute son ampleur qu’au moment du passage du second front.
— Une information, comptabilisa le salvoïde.
Le fouinain posa sur lui un regard dont l’indifférence, je le devinai, dissimulait un certain agacement. Les émotions du petit extraterrestre ne m’étaient plus aussi opaques que par le passé, peut-être parce qu’elles suintaient à présent sur le plan parapsychique.
Le Gestalt en formation, pensai-je avec une acuité subite. Il y participe, lui aussi.
Nous y participons tous, me confirma-t-il mentalement. Tous autant que nous sommes. Y compris le Gardien ?
— Si je comprends bien, fit Jeanne, seule une partie des événements décrits dans ce texte s’est déjà produite ?
— Voilà. Ma conversation avec Kád/Ñaell était rendue mot pour mot. Par quelqu’un qui a dû mourir voici bien des années. (Il agita vigoureusement sa main à quatre doigts.) Je ne comprends pas. Ce n’est jamais arrivé.
— Qu’est-ce qui n’est jamais arrivé ? s’enquit Sue.
— Qu’un fouinain ne comprenne pas.
— Deux informations, dit le salvoïde.
Le fouinain le foudroya du regard. Je me serais attendu à ce que la rencontre du gnome et du salvoïde fît un peu plus d’étincelles, mais il semblait que le premier fût sinon imperméable, du moins hostile à l’humour du second. Ou alors, le moment était mal choisi.
— Visiblement, il y a paradoxe, énonça lentement le salvoïde.
— Tu as trouvé ça tout seul ? lui lança Sue.
La conversation se délita ainsi durant une minute ou deux. Sue, le salvoïde et le fouinain constituaient un trio de choix pour ce genre de discussion sans queue ni tête. Ils aimaient tant bavarder qu’ils en oubliaient parfois le sens de leurs paroles. Toutefois, une idée finit par jaillir de ce bouillon de culture verbal : la Perturbation exerçait peut-être, sous certaines conditions qui restaient à déterminer, une influence sur les époques antérieures à son arrivée. Mais lorsque Sue la formula, le gnome parut s’indigner, comme s’il se sentait blessé dans son orgueil de ne pas y avoir pensé lui-même.
— Si c’était possible, je le saurais, décréta-t-il d’un ton vexé.
Je comprenais son point de vue. En un sens, il était la Perturbation — ou, du moins, son émanation incarnée. Il lui était difficile d’admettre l’existence d’un phénomène qu’il n’avait jamais constaté auparavant.
Je comprenais son point de vue, sans le partager. À mon sens, les feuilles jaunies posées sur la table basse constituaient la preuve que des informations issues de notre présent — voire de notre futur — avaient réussi à filtrer à travers le temps jusqu’à une époque où seuls d’infimes prémisses de l’actuelle Perturbation se faisaient sentir. Peut-être même étaient-elles un indice en faveur de la théorie de l’astronome solitaire, selon laquelle nous avions affaire non à un phénomène ponctuel, mais à une loi d’évolution de l’univers. Le fouinain aurait pu faire preuve d’un peu plus d’ouverture d’esprit. Sans doute ne supportait-il pas de perdre le contrôle de la situation — comme quoi omniscience et omnipotence donnent de bien mauvaises habitudes. Pourquoi s’obstinait-il à rejeter l’idée de Sue, alors que c’était lui qui m’avait conduit dans la salle de spectacle où les Transylvaniens dansaient à travers le temps ?
Parce qu’ils ne se déplacent que de quelques secondes à la fois, et qu’ils n’en ont pas le pouvoir depuis longtemps. Le voyage temporel n’est possible qu’à l’intérieur de l’espace perturbé.
Ils m’ont tout de même fait accomplir un bond de trois jours !
Oui : dans l’avenir. C’est pour aller en direction du passé que ça pose un problème.
— Dans ce cas, explique-moi d’où vient ce manuscrit !
— Son origine est sans importance, éluda le gnome en évitant mon regard.
— Je crois au contraire qu’elle en a une grande, dit Jeanne. Ce texte nous montre qu’il y a quelque chose qui nous échappe. Rappelez-vous : la Perturbation ignore le hasard. Une place à chaque chose et chaque chose à sa place. Les pièces du puzzle devraient bien finir par s’emboîter.
Le fouinain balaya d’un geste son argumentation.
— De toute manière, ce n’est pas pour ça que je suis ici. (Il me dévisagea avec un mélange d’ironie et d’insolence, ou peut-être de tristesse et de mépris.) Je suis venu te dire que tes ennuis sont loin d’être finis — comme tu t’en doutais, si j’ai bien lu dans ton esprit.
— Filvini ? souffla Sue d’une voix inquiète.
— Le Gardien, pour être précis. (Il se gratta le bout du nez.) Je ne comprends toujours pas comment j’ai pu ignorer si longtemps son existence…
— Parce que tu n’étais pas au courant ? m’étonnai-je.
Décidément, le deus ex machina était en train de tomber en chute libre de son piédestal.
— Non, avoua-t-il en baissant les yeux avec une expression incroyablement humaine. Il a fallu que tes petits copains et toi aillent le débusquer pour que je me rende compte de sa présence. Bon, à ma décharge, il faut dire qu’il se cachait bien — surtout de moi. (Il se rengorgea.) Maintenant que je sais qu’il existe, la paranoïa des Néopurs à mon égard s’explique sans peine. Leur petit dictateur intérieur avait compris que je risquais de tout fiche en l’air ; alors, il a essayé de m’en empêcher, sans avoir conscience qu’il ne détruisait que des apparences interchangeables, faciles à remplacer.
— Est-ce que tu as pu te faire une idée de sa nature ? interrogea Sue.
Le fouinain prit un air supérieur. Le deus ex machina avait encore quelques tours dans son sac.
— Comme vous vous en doutiez déjà, après la bagarre de la nuit dernière, c’est bien un Gestalt, qui constitue par ailleurs le véritable ciment du conditionnement. Sans lui, les Néopurs n’auraient jamais pu mettre en œuvre des techniques de contrôle psychique aussi évoluées que celles dont tu a été la victime. (Il s’adressait à Sue.) Le seul problème, c’est que l’apparition des premiers condits remonte à un demi-siècle, à une époque où, normalement, aucun Gestalt n’aurait dû pouvoir s’agréger. Il est donc ancien, ce qui le rend d’autant plus dangereux. Il aurait mieux valu pour tout le monde que Filvini parte avec les autres ; privé de support matériel dans le Système solaire, le Gardien aurait été emporté avec les dignitaires néopurs, et nous n’en aurions plus jamais entendu parler.
— Ne suffirait-il pas de libérer Filvini comme je l’ai fait pour Sue ? m’enquis-je.
— Ça m’étonnerait que tu y arrives, même avec l’aide d’un ou deux Gestalten. Il n’y a plus d’autres condits pour faire diversion. Et même si ce cher Merteuil était tué, je fais confiance au Gardien pour trouver de nouveaux supports et d’autres axes d’agression.
— Il cause comme un politicien, ricana le salvoïde.
Le fouinain le toisa d’un air irrité.
— Petit marrant, va ! (Il reporta son attention sur moi avant de déclarer d’un ton mélodramatique :) Filvini vient d’arriver à Paris — et je suis incapable de le localiser.
Je frissonnai. Les événements s’accéléraient. J’étais à nouveau un homme traqué. Mais ma solitude intérieure avait pris fin, et cette idée me remonta malgré tout le moral.
— Je lui souhaite bien du plaisir pour me retrouver. La ville déborde de touristes.
— Je t’aurai prévenu…
Le salvoïde me décocha une bourrade un peu rude.
— Tu peux compter sur moi. Ce fichu Gardien doit bien être sensible aux hallucinations, non ?
Nous nous tournâmes vers le fouinain, quêtant une confirmation ; fidèle à ses habitudes, il avait disparu.
— Tu peux te défiler ! rugis-je, mais je te conseille d’être là lorsque je retrouverai les Transylvaniens ! Un saut de cinquante ans, que je vais leur faire faire, rien que pour te…
— Il ne t’entend pas, dit Sue. Et qu’est-ce que c’est que cette histoire de Transylvaniens ?
— Il l’entend, assura Jeanne d’une voix absente. Je perçois la surface de ses émotions… Drôle de petit bonhomme. Je me demande s’il adopte toujours la même forme… Non, il doit en changer en fonction de l’aspect des gens à qui il a affaire.
— Sûr, approuva le salvoïde. Il essaye de leur être sympathique, de leur inspirer confiance.
— Tu veux vraiment retourner cinquante ans en arrière ? insista Sue.
J’étais en proie à des sentiments contradictoires. Avais-je réellement envie de tenir le défi que j’avais lancé au fouinain ? En avais-je seulement le droit ? Pouvais-je quitter Sue une deuxième fois, alors que je venais tout juste de la retrouver ? Je me rendis compte que cela devait faire un bon moment que l’idée cheminait et se développait dans les profondeurs de mon inconscient. Depuis cette nuit où les Transylvaniens m’avaient entraîné trois jours dans l’avenir. Cette nuit où j’avais rencontré le salvoïde.
— Non, c’était une boutade.
Elle me considéra avec surprise.
— Je croyais que tu tenais toujours ta parole ?
Je me demandai un instant si elle était en train de plaisanter, mais elle n’en donnait pas l’impression. Pour tout dire, je l’avais rarement vue aussi sérieuse.
— Ne me dis pas que tu veux que j’y aille ?
Elle hésita.
— Je crois que quelqu’un doit y aller. Ça peut être toi — ou Jeanne, ou moi, ou lui.
Elle désignait le salvoïde.
— Oh non, pas lui ! m’écriai-je du fond du cœur.
— Vous parlez sérieusement ? demanda Jeanne.
— Ce manuscrit est un indice, dit le barbu. Il montre que les lois de causalité subissent des altérations…
— Que veux-tu dire par là ? m’enquis-je.
— Que le plus simple est d’y aller jeter un œil. (Il se leva d’un bond.) Vous venez ?
— Chez les Transylvaniens ?
— Ben oui. Jusqu’à preuve du contraire, ils sont les seuls à pouvoir se déplacer à travers le temps.
— Mais pourquoi voulez-vous retourner dans le passé ? demanda Jeanne.
Le salvoïde tourna vers elle un regard surpris.
— Ben… pour le changer, dit-il comme s’il s’agissait d’une évidence. Et « chent » g, ça fait une sacrée accélération !
C’était son deuxième calembour de la matinée ; il tomba aussi lamentablement à plat que le premier.