Pseaulme Cent quatriesme
Benedic anima mea Domino, Domine Deus.
Argument : C'est ung cantique beau par excellence, auquel
David celebre et glorifie Dieu de la creation, et gratieux
gouvernement de toutes choses. Pseaulme pour congnoistre amplement
la puissance de Dieu.
Sus, sus, mon âme, il te fault dire bien
De l'Eternel. O mon vray Dieu, combien
Ta grandeur est excellente, et notoyre !
Tu es vestu de splendeur, et de gloire :
Tu es vestu de splendeur proprement,
Ne plus ne moins que d'ung accoustrement :
Pour pavillon, qui d'ung tel Roy soit digne,
Tu tendz le ciel, ainsi qu'une courtine.
Lambrissé d'eaux est ton palais vousté,
En lieu de char sur la nue es porté :
Et les fortz ventz, qui parmy l'air souspirent,
Ton chariot, avec leurs aesles, tirent.
Des ventz aussi diligents, et legers
Fays tes heraults, postes, et messagers :
Et fouldre, et feu, fort promptz à ton service,
Sont les sergents de ta haulte justice.
Tu a assis la terre rondement
Par contrepoys, sur son vray fondement :
Si qu'à jamais sera ferme en son estre,
Sans se mouvoir n'a dextre n'a senestre.
Au paravant, de profonde, et grand'eau
Couverte estoit, ainsi que d'ung manteau :
Et les grands eaux faisoyent toutes à l'heure
Dessus les montz leur arrest, et demeure :
Mais aussi tost que les vouluz tencer,
Bien tost les feis de partir s'advancer :
Et à ta voix, qu'on oyt tonner en terre,
Toutes de peur s'enfuyrent grand'erre.
Montaignes lors vindrent à se dresser :
Pareillement les vaulx à s'abaisser,
En se rendant droict à la propre place
Que tu leur as estably de ta grâce.
Ainsi la mer bornas, par tel compas
Que son limite elle ne pourra pas
Oultrepasser : et feis ce beau chef d'oeuvre,
Affin que plus la terre elle ne coeuvre.
Tu feis descendre aux vallées les eaux :
Sortir y feis fontaines, et ruysseaux;
Qui vont coulant, et passent, et murmurent
Entre les montz, qui les plaines emmurent.
Et c'est affin que les bestes des champs
Puissent leur soif estre là estanchants,
Beuvants à gré toutes de ces breuvaiges,
Toutes, je dy, jusqu'aux Asnes saulvaiges.
Dessus, et pres de ces ruysseaux courants,
Les oyselletz du ciel sont demourants,
Qui du milieu des fueilles, et des branches,
Font resonner leurs voix nettes, et franches.
De tes haultz lieux, par art aultre qu'humain,
Les montz pierreux arrouses de ta main :
Si que la terre est toute saoule, et pleine
Du fruict venant de ton labeur sans peine.
Car ce faisant, tu fays par montz, et vaulx
Germer le foin, pour Jumentz, et Chevaulx.
L'herbe, à servir l'humaine creature,
Luy produisant de la terre pasture :
Le vin, pour estre au cueur joye, et confort,
Le pain aussi, pour l'homme rendre fort :
Semblablement l'huile, affin qu'il en face
Plus reluysante, et joyeuse sa face.
Tes arbres vertz prennent accroissement,
O Seigneur Dieu, les Cedres mesmement
Du mont Liban, que ta bonté supresme,
Sans artifice, a plantés elle mesme.
Là font leurs nidz (car il te plaist ainsi)
Les passereaux, et les passes aussi :
De l'aultre part, sur haultz sapins besongne,
Et y bastit sa maison la Cygoigne.
Par ta bonté les montz droictz, et haultains,
Sont le refuge aux Chevres, et aux Dains :
Et aux Connilz, et Lievres, qui vont viste,
Les rochers creux sont ordonnés pour giste.
Que diray plus ? la claire Lune feis,
Pour nous marquer les moys, et jours prefix :
Et le Soleil, des qu'il leve, et esclaire,
De son coucher a congnoissance claire.
Apres en l'air les tenebres espars :
Et lors se faict la nuict de toutes pars,
Durant laquelle, aux champs sort toute beste
Hors des forestz, pour se jecter en queste.
Les Lyonceaulx mesmes lors sont yssants
Hors de leurs creux, bruyants, et rugissants
Apres la proye, affin d'avoir pasture
De toy, Seigneur, qui sçays leur nourriture :
Puis aussi tost que le Soleil faict jour,
A grands trouppeaulx revont en leur sejour :
Là où touts coys se veaultrent, et reposent,
Et en partir tout le long du jour n'osent.
Adoncques sort l'homme sans nul danger,
S'en va tout droict à son oeuvre renger,
Et au labeur, soit de champ, soit de prée,
Soit de jardin, jusques à la vesprée.
O Seigneur Dieu, que tes oeuvres divers
Sont merveilleux, par le monde univers !
O que tu as tout faict par grand'sagesse !
Brief, la terre est plein de ta largesse.
Quant à la grande, et spacieuse mer,
On ne sçauroit ne nombrer, ne nommer
Les animaulx, qui vont nageant illecques,
Moyens, petits, et de bien grands avecques.
En ceste mer, navires vont errant :
Puis la Balaine, horrible monstre, et grand,
Y as formé, qui bien à l'aise y noue,
Et à son gré par les undes se joue.
Touts animaulx à toy vont à recours,
Les yeulx au ciel : affin que le secours
De ta bonté à repaistre leur donne,
Quand le besoing, et le temps s'y addonne.
Incontinent que tu leur fays ce bien
De le donner, ilz le prennent tresbien :
Ta large main n'est pas plustost ouverte
Que de touts biens planté leur est offerte.
Des que ta Face, et tes yeulx sont tournés
Arriere d'eulx, ilz sont touts estonnés.
Si leur Esprit tu retires, ilz meurent,
Et en leur pouldre ilz revont, et demeurent.
Si ton esprit derechef tu transmetz,
En telle vie adoncques les remetz,
Que paravant : et de bestes nouvelles,
En ung moment, la terre renouvelles.
Or soit tousjours regnant, et fleurissant
La Majesté du Seigneur toutpuissant :
Plaise au Seigneur prendre resjouyssance
Aux oeuvres faictz par sa haulte puissance.
Le Seigneur dy, qui faict horriblement
Terre trembler, d'ung regard seullement :
Voire qui faict (tant peu les sache attaindre)
Les plus haultz montz d'ahan suer, et craindre.
Quant est à moy, tant que vivant seray,
Au Seigneur Dieu chanter ne cesseray :
A mon vray Dieu plein de magnificence
Psalmes feray, tant que j'auray essence.
Si le supply; qu'en propos, et en son,
Luy soit plaisante, et doulce ma chanson :
S'ainsi advient, retirez vous tristesse,
Car en Dieu seul m'esjouiray sans cesse.
De terre soyent infideles exclus,
Et les pervers, si bien qu'il n'en soit plus.
Sus, sus, mon cueur, Dieu où tout bien abonde
Te fault louer, louez le tout monde.