Pseaulme Cent quarante et troisiesme
Domine exaudi orationem meam, auribus percipe.
Argument : C'est la priere qu'il feit, quand par craincte
de Saül il se cacha en une fosse, où il s'attendoit d'estre pris,
dont il estoit en grande angoisse. Pseaulme propre à ceulx qui sont
prisonniers pour la foy.
Seigneur Dieu, oy l'oraison mienne :
Jusqu'à tes oreilles parvienne
Mon humble supplication :
Selon la vraye mercy tienne
Responds moy en affliction.
Avec ton serviteur n'estrive;
Et en plein jugement n'arrive,
Pour ses offenses luy prouver :
Car devant toy homme qui vive,
Juste ne se pourra trouver.
Las, mon ennemy m'a faict guerre,
A prosterné ma vie en terre :
Encor ne luy est pas assez,
En obscure fosse m'enserre,
Comme ceulx, qui sont trespassés.
Dont mon âme ainsi empressée,
De douleur se trouve oppressée,
Cuydant que m'as abandonné :
J'en sens dedans moy ma pensée
Troublée, et mon cueur estonné.
En ceste fosse obscure, et noyre,
Des jours passés j'ay heu memoyre :
Là j'ay tes oeuvres medités,
Et pour confort consolatoyre,
Les faicts de tes mains recités.
Là dedans à toy je souspire,
A toy je tends mes mains, ô Sire,
Et mon âme en sa grand'clameur
A soif de toy, et te desire,
Comme seiche terre l'humeur.
Haste toy, soys moy secourable,
L'esprit me fault, de moy damnable
Ne cache ton visage beau :
Aultrement je m'en voys semblable
A ceulx qu'on devalle au tumbeau.
Fais moy doncq ouyr de bonne heure
Ta grâce, car en toy m'asseure :
Et du chemin, que tenir doy,
Donne m'en congnoissance seure,
Car j'ay levé mon cueur à toy.
O Seigneur Dieu, mon esperance,
Donne moy pleine delivrance
De mes poursuyvants ennemys,
Puis que chés toy, pour asseurance,
Je me suis à refuge mys.
Enseigne moy comme il fault faire
Pour bien ta voulunté parfaire,
Car tu es mon vray Dieu entier :
Fais que ton esprit debonnaire
Me guide, et meine au droict sentier.
O Seigneur, en qui je me fie,
Restaure moy, et vivifie,
Pour ton Nom craint, et redoubté :
Retire de langueur ma vie,
Pour monstrer ta juste bonté.
Touts les ennemys qui m'assaillent,
Fais par ta mercy qu'ilz deffaillent :
Et rends confonduz, et destruicts
Touts ceulx qui ma vie travaillent,
Car ton humble serviteur suis.
Fin des trente premiers Psalmes, traduitz, et reveuz par Clement
Marot.