Pseaulme Dixhuictiesme
Diligam te Domine.
Argument : Hymne tresexcellent lequel David chanta au
seigneur Dieu apres qu'il l'eut rendu paisible et victorieux sur
Saul et sur tous ses autres ennemys, prophetisant de Jesuchrist en
la conclusion du pseaulme.
Je t'aymeray en toute obeyssance,
Tant que vivray, ô mon Dieu, ma puissance.
Dieu, c'est mon roc, mon rempar hault, et seur,
C'est ma rençon, c'est mon fort deffenseur,
En luy seul gist ma fiance parfaicte,
C'est mon pavoys, mes armes, ma retraicte :
Quand je l'exalte, et prie en ferme foy,
Soubdain recoux des ennemys me voy.
Dangers de mort ung jour m'environnarent,
Et grands torrents de malings m'estonnarent.
J'estoys bien pres du sepulchre venu,
Et des filés de la Mort prevenu :
Ainsi pressé, soubdain j'invocque, et prie
Le Toutpuissant, hault à mon Dieu je crie :
Mon cry au ciel jusqu'à luy penetra,
Si que ma voix en son oreille entra.
Incontinent tremblarent les Campaignes :
Les fondements des plus haultes Montaignes
Touts esbranlés, s'esmeurent grandement :
Car il estoit courroucé ardamment.
En ses naseaulx luy monta la fumée,
Feu aspre yssoit de sa bouche allumée,
Si enflambé en son couraige estoit,
Qu'ardants charbons de toutes pars jectoit.
Baissa le Ciel, de descendre print cure,
Ayant soubz piedz une brouée obscure :
Monté estoit sur ung Esprit mouvent,
Volloit guindé sur les aeles du vent,
Et se cachoit dedans les noires Nues,
Pour Tabernacle autour de luy tendues.
En fin rendit, par sa grande clarté,
Ce gros amas de Nues escarté,
Gresles jectant, et charbons vifz en terre,
Au ciel menoit l'Eternel grand tonnerre,
L'Altitonant sa voix grosse hors mist,
Et gresle, et feu sur la terre transmist :
Lança ses Dards, rompit toutes leurs bandes,
Doubla l'esclair, leur donna frayeurs grandes.
A ta menace, et du fort vent poulsé
Par toy, Seigneur, en ce poinct courroucé,
Furent canaulx desnués de leur unde,
Et descouvertz les fondements du Monde.
Sa main d'enhault icy bas me tendit,
Et hors des eaux sain, et sauf me rendit :
Me recourut des puissants, et haulsaires
(Et plus que moy renforcés) adversaires.
A mes dangers, il preveut, et prevint :
Quand il fut temps secours de Dieu me vint,
Me mist au large, et si feit entreprise
De me garder, car il me favorise.
Or m'a rendu selon mon equité,
Et de mes mains selon la purité,
Car du Seigneur j'avoys suivy la voye,
Ne revolté mon cueur de luy n'avoye :
Ains tousjours heu devant l'oeil touts ses ditz,
Sans rejecter ung seul de ses editz.
Si qu'envers luy entier en tout affaire
Me suis monstré, me gardant de mal faire.
Or m'a rendu selon mon equité,
Et de mes mains selon la purité.
Certes, Seigneur, qui sçais telles mes oeuvres,
Au bon tresbon, pur au pur, te descoeuvres :
Tu es entier, à qui entier sera,
Et defaillant, à qui failly aura.
Les humbles vivre en ta garde tu laisses,
Et les sourcilz des braves tu rabaisses,
Aussi mon Dieu, ma Lanterne allumas,
Et esclairé en tenebres tu m'as,
Par toy donnay à travers la bataille,
Mon Dieu devant, je saultay la muraille.
C'est l'Eternel, qui entier est trouvé,
Son parler est, comme au feu, esprouvé,
C'est ung bouclier de forte resistance
Pour touts ceulx là, qui ont en luy fiance.
Mais qui est Dieu, sinon le supernel ?
Ou qui est fort, si ce n'est l'Eternel ?
De hardiesse, et force il m'environne,
Et seure voye à mes emprises donne :
Mes piedz à ceulx des Chevreulz faict esgaulx,
Pour monter lieux difficiles, et haultz :
Ma main par luy aux armes est apprise,
Si que du bras ung Arc d'acier je brise.
De ton secours l'escu m'a apporté,
Et m'a ta dextre au besoing supporté,
Ta grand'bonté, où mon espoir mectoye,
M'a faict plus grand encor'que je n'estoye :
Preparer vins mon chemin soubz mes pas,
Dont mes talons glissants ne furent pas :
Car ennemys sceu poursuyvre, et attaindre,
Et ne revins sans du tout les estaindre :
Durer n'on peu, tant bien les ay secoux,
Ains à mes piedz tresbucharent de coups :
Circuy m'as de belliqueuse force,
Ployant soubz moy, qui m'envahir s'efforce,
Tu me monstras le doz des ennemys,
Et mes hayneux j'ay en ruine mys :
Ilz ont crié, n'ont heu secours quelconques,
Mesmes à Dieu, et ne les ouyt oncques,
Comme la pouldre au vent les ay rendus,
Et comme fange en la place estendus.
Delivré m'as du mutin populaire,
Et t'a pleu chef des nations me faire,
Voyre le peuple, à moy peuple incongnu,
Soubz mon renom obeir m'est venu :
Maintz estrangers par servile contraincte
M'ont faict honneur d'obeyssance faincte,
Maintz estrangers redoubtants mes effortz,
Espouventés, ont tremblé en leurs fortz.
Vive mon Dieu, à mon saulveur soit gloyre,
Exalté soit le Dieu de ma victoyre,
Qui m'a donné pouvoir de me venger,
Et qui soubz moy les peuples faict renger :
Me garentit qu'ennemys ne me grevent,
M'esleve hault sur touts ceulx qui s'eslevent
Encontre moy, me delivrant à plain
De l'homme ayant le cueur d'oultrage plein.
Pourtant, mon Dieu, parmy les gens estranges
Te beneiray, en chantant tes louanges :
Ce Dieu, je dy, qui magnificquement
Saulva son Roy, et qui unicquement
David, son oingt, traicte en grande clemence :
Traictant, de mesme, à jamais sa semence.