A Monsieur Pelisson, President de Savoye. 1543
Excuse, las, President tresinsigne,
L'escrit de cil qui du faict est indigne.
Indigne est bien, quand il veult approcher,
L'honneur de cil qu'homme ne deust toucher.
Seroit ce point pour ton honneur blasmer,
Et le blasmant du tout le deprimer ?
Certes nenny. Car tout homme vivant,
Ne peult aller ton honneur denigrant.
C'est toy qui es le chef et Capitaine
De tous espritz : la chose est bien certaine.
Ung Ciceron, quant à l'art d'eloquence,
Pour d'un chascun prendre benivolence.
Ung Salomon, en jugemens parfaictz,
Plein de divins, et de tous humains faictz.
Ung vray Cresus en biens et opulence,
Humble d'autant, et remply de clemence.
Ung où le Roy s'est du tout reposé,
Pour le païs qu'en main luy a posé
Regir du tout, aussi le gouverner,
Droict exercer, et le tout dominer.
Brief si j'avoys des langues plus de cent,
Et d'Apollo le savoir tant decent,
Je ne pourroys encore bien satisfaire
A declarer l'honneur qu'on te deust faire.
Doncques de moy qui suis infime et bas,
Comment pourras appaiser les debatz ?
Comment seront mes esperitz delivres,
Pour en ton nom publier quelques Livres ?
Car mes escriptz n'ont merité, sans faulte,
De parvenir à personne si haulte.
Quoy qu'il en soit, la doulceur des neuf Muses,
Qui en toy sont divinement infuses,
M'ont donné coeur (evitant pour ung point
Proxilité) dire ce qui me poingt.
Las (cher Seigneur) depuys troys moys en çà,
De France ay prins mon chemin par deçà,
Pour voltiger et veoir nouveau païs.
Mais à la fin mes sens tous esbahis
Si ont esté, et mesmes quand ma plume
De son plain vol a perdu la coustume.
Je pensoys bien trouver le cas semblable
Comme à Paris : mais mon cas estoit fable,
Ainsi que voy : car icy la practique
M'a bien monstré qu'elle estoit fort eticque.
Et seroys mis quasi en desespoir,
Si ce n'estoit que j'ay ung ferme espoir
Que Medecin seras en cest endroit,
Quand ung boyteux tu feras aller droit
Par recipez, en me disant ainsi :
Pourveu tu es : ne te bouge d'icy.
Si te supply (cher Seigneur) qu'il te plaise
D'oyr mes dictz, les lisant à ton aise :
Et me pourvoir de troys motz seulement,
Qui me pourront donner allegement.
En ce faisant ma plume s'enflera,
Et mon voller du tout s'augmentera,
Pour du vouloir, aussi de la puissance
Faire devoir et deuë obeïssance,
Tant en quatrains, dixains, rondeaux, ballades,
A cil qui rend la santé aux mallades.
Te suppliant de recevoir en gré,
L'esprit de cil qui n'a cy nul degré :
Et qui tousjours demoura despourveu,
Si de par toy en cela n'est pourveu.