A Mademoiselle Renée de Parthenay partant de Ferrare pour aller
en France
Où allez vous, noble nymphe Renée ?
Nous avez vous tant de joye amenée,
Venant icy, pour d'un fascheux retour
Nous contrister ? Cela n'est pas le tour
Qu'a merité nostre amour ferme et ronde,
Et fors que vous en croyons tout le monde.
Où allez vous, cueur en bonté parfaict ?
Où allez vous, que vous avons nous faict ?
Voulez vous bien laisser ceste Princesse
Et ses ennuys, qui n'ont ne fin ne cesse ?
Elle qui jeune enfant de grand renom
Publicquement vous donna son beau nom,
Lors qu'avec Dieu vous feistes alliance,
Luy prometant n'avoir qu'en luy fiance.
Las vostre cueur comment penser osa
D'abandonner celle qui tant vous a
Porté d'amour et traitée en doulceur,
Non en fillolle, ains comme fille ou seur,
Voulant tousjours tel'personne loyalle
Pres de la sienne excellente et royalle.
Ha, Parthenay, ne partez pas encores :
Tardez un peu : je vous adverty qu'ores
Les Alpes sont plus plaines de froidures
Qu'à l'aultre foys, et à passer plus dures.
Parmy ces monts sont les bestes cruelles,
Et les souldardz plus cruelz cent fois qu'elles.
Là le verglas, là les neiges habondent,
Et tellement les torrentz s'y desbondent,
Qu'il n'y a cueur, à les veoir devaller,
Qui ne s'effraye. Où voulez vous aller ?
Nostre advis est que ne devez partir,
Ains vostre mere expres en divertir :
Ou la laisser traverser montz et vaulx,
Car mieulx que vous sçait porter les travaulx.
Si la suyvez, chacun en se truffant
Dira de vous : Mais voyez cest enfant
Qui veult courir encor apres sa mere.
D'autres diront : La grant angoisse amere
D'ardant desir qu'elle a qu'on la marie
Luy fait vouloir qu'en France on la charie.
Ainsy diront les gens, si deslogez.
Mais au rebours, si d'icy ne bougez,
Chacun dira : C'est bien la moins fascheuse,
La moins ingrate et la plus vertueuse
Qu'on vit jamais. Ha, noble Damoiselle,
Onques vivant, tant fust de mauvais zele,
Sur vous ne sceut ung seul blasme penser.
Voudriez vous bien y faire commancer ?
Comment cecy ? Vous faictes voz apprestz,
On trousse tout, vos coffres sont jà prestz ?
C'est fait, c'est fait, noz persuasions
En vostre endroit ne sont qu'illusions.
Noz pleurs sont vains, de ce Marot la Muse
N'a plus de force, et pour neant s'amuse
A vous prier, joinctes mains, à genoulx.
Parquoy adieu vous disons, maulgré nous
Adieu beaulté qui tous les jours s'habille
Du mieulx seant acoustrement de fille,
C'est assavoir de doulce grâce, et bonne :
Adieu qui mieulx s'en coiffe que personne.
Adieu esprit d'intelligence vive,
Adieu le cueur plein de bonté naifve,
Qui au ruisseau des sciences se baigne :
Adieu le cueur, qui tous les autres gaigne.
Fille partez, femme vous trouverons
Quant d'avanture en France arriverons.
Mais du mary l'amour pourtant ne face
Que celle là que nous portons s'efface.