L'epistre de l'Asne au Coq, responsive à celle du Coq en
l'Asne
Puis que ma plume est en sa voye,
Autant de salutz je t'envoye,
Coq, mon amy, sur tous admis,
Que puys nagueres m'as transmis,
Te remerciant de ta lettre :
Car, puis que me declaires l'estre
De par delà, comme on peult veoir,
De par deçà te fais sçavoir
Que festes clost la Sainct Hilaire,
Voylà dont vint la grant cholere :
Que Ragot n'osta son bonnet
Pour estre benict franc et net
De trois doigtz d'espois sur le timbre.
Et si n'estoit que vint le tymbre
Aux cantines du Parion,
Hespaigne avoit son orion
Pour ung quartier de recompense.
Mais ce n'est pas ce que je pense,
Car à bon pied, bon oeil, bon cueur.
Alors disoit l'equivoqueur
A sa femme, non pas sans ire,
Quant par esbat luy pensoit dire :
Mon amy doulx, equivocons.
Qui faict cela ? Et qui ? Voz
cons.
Que nous soyons en jalousie,
Mauldict soit tant de fantasie
Qu'on a du gorgerin meschant.
Il couste bon à maint marchant
Pour peur de monstrer le derriere.
Gare devant, arriere, arriere,
Se disent noz ventrefendu.
C'est alors qu'on a deffendu
Que l'on en veult bon gré deffenses :
Puis, pour reparer les offenses,
L'on s'en venge par Atropos.
Mais je reviens à mon propos,
Affin qu'à m'entendre ne failles.
Puis que tu es hors des murailles,
Je te veulx racompter de moy.
N'estoit qu'il y a de l'esmoy,
Plusieurs gens seroient à leur aise.
Mais que veulx tu ? Quant on se baise,
C'est ung signe qu'on est bien pres.
L'on crie bien : Apres, apres,
Et cependant la proye eschappe.
C'est assez puis qu'on a la chappe :
Laisse trotter le chapperon.
Je croy que nous l'eschapperon,
Si ne demourons au passage.
Au temps qui court il n'est pas saige
Celluy qui n'a jambe de bois.
Aux chiens congnoist on les abbois,
Si l'on ne fault à bien comprendre :
Car, disent ceulx qui sçavent prendre
Tout, fors esguilles par le bout :
Femmes de plat et bois debout
Durent comme tous les grands diables.
Ceulx qui tranchent de serviables
Auront part en Rochemelon.
Qui veult trouver le bon melon,
Il luy convient sentir au cul.
Mais ung seroit desjà quocu,
S'il n'avoit son faulcon en mue.
C'est assez dict : l'on se remue
En esté, quant la place est chaulde.
Garder se fault qu'on ne s'eschaulde
Quant l'on prent le morceau trop chault.
Au pis aller, il ne m'en chault.
J'ay apprins souffler dans ma souppe.
Aussi l'on me dit : Monsieur souppe,
Au moins il est à son privé.
Sçavoir vouldrois qui t'a privé
Du grand credit envers les femmes.
Ung tas d'adieux faictz par infames
Ont rendu Paris tout crotteux.
Par son serment, je suis honteux
Quant l'on preste troux pour chevilles.
Sçavoir vouldroys si les chenilles
Ont point gastez vos cachenez.
Je m'esbahis de ces punais,
Qui frisent leurs peaulx à escaille.
Si l'on faict sonner l'anticaille,
Peu de dames la danceront :
Car quant les momons y seront,
L'on fera la dance à tastons
Maint ung pour espargner frettons
Est contrainct de souffler les orgues.
Laisse passer monsieur des Morgues :
C'est luy qui joue du cousteau.
L'yvrongne ne sçait que couste l'eau.
Mais, par ta foy, si l'on en parle
De ceste belle fille Darle !
Et je te diray le pourquoy.
Il ne s'en fault qu'avoir de quoy
A plusieurs pour faire grand chere.
Le pris est moindre que l'enchere,
Quant dedans est le paté creux.
Est il vray que dit Songecreux
Que les femmes qui portent linge
Sont semblables à ung vieulx cinge ?
Au moins les nostres par deçà :
Car fallit, peu de temps en çà,
Qu'elles ne soient tout escouées,
Depuis que sont tres bien couvées
Par ung tas de gourtz babouins,
Qui supplient pour les Thouins
De queues à telles friandes.
Laissons à part celles viandes,
Puis que les langues d'Hisopet
En ce temps ne valent ung pet.
Toutesfois puis que je m'advise
De nouvelles devers la bise,
Je t'en veulx dire pour grant chose :
Mais je ne sçay coucher en prose,
Et les vers minent trop les metres.
Les disciples sont sur les maistres,
Ainsi que disent mes sieurs.
A tous honneurs tous messieurs,
Dont j'en suis ung lievre escossois.
Aulx et oignons pour les Françoys,
Et saulce verte pour benefices.
L'on ne souhaite plus d'offices :
Aussi certes c'est temps perdu :
Car tel a du tresor pendu
Qui vient son filz pour le despendre.
Celluy n'est en rien à mesprendre
D'avoir en jouant les marmotz
Consommé son bien en deux motz
De l'ave, par simple commande.
Mais sçais tu que Mydas te mande ?
Que plus ne chantes à minuyt,
Car ton chant aux mariz nuyct,
Quant par ton chant as esveillée
La dame trop en sa veillée,
Fascheuse (en ostant le linseul)
Sur le deduyt de seulle à seul :
Tesmoing le grant jaseur de Crete.
Recommande moy à ta creste :
Au regard du bec, tu l'as bon.
Escript au jeu du premier bond
Pour peur de ne faillir la chasse.
Adieu, je m'en voys à la chasse.