A une Malcontante, d'avoir esté sobrement louée : et se
plaignant non sobrement
Pour tous les biens qui sont deçà la Mer,
Je ne vouldrois vous ny autre blasmer
Contre raison : en sorte qu'on peust dire
Que je me metz voluntiers à mesdire.
Mais si fault il que vous croyez aussi
Que je n'ay pas tant besoing, Dieu mercy,
De voz faveurs, qu'on me fist consentir,
En vous louant, de flatter, ou mentir.
Je laisse à ceulx faire ceste corvée
Qui n'ont encor'nulle amye trouvée,
Et sont contents de prendre tout en gré,
Pour en Amours avoir quelque degré.
Je laisse faire à ces Italiens,
Ou Espaignolz, tombez en voz liens,
Qui disent plus qu'oncques ilz ne penserent,
Pour avoir mieulx encores qu'ilz n'esperent.
Car le plus lourd de telles nations
Entend assez voz inclinations,
Et sçavent bien que des païs estranges
Il ne vient rien si peu cher que louanges.
Ceulx là diront que les raiz de voz yeulx
Font devenir le Soleil enuyeux :
Et que ce sont deux astres reluysans,
Tout leur bonheur et malheur produysans.
En vous voyant, ilz seront esbahis
Comme Dieu mit tel bien en ce païs :
Et beniront l'an, le ciel et l'idée,
D'où telle grâce en terre est procedée.
Ilz vous diront que d'un ris seulement,
Vous eschauffez le plus froid element.
Et que les biens, dont Arabie est pleine,
N'approchent point de vostre doulce alaine.
Ilz jureront que voz mains sont d'yvoire,
Et que la neige, au pris de vous, est noire.
Voz blanches dentz, ou plustost diamans,
Sont la prison des espritz des Amantz,
Et le coral où elles sont encloses,
Pallit le tainct des plus vermeilles Roses.
De vos cheveulx, c'est moins que la raison,
De faire d'eulx à l'or comparaison.
Ilz vous diront que vostre doulx langage,
Les coeurs humains aliene et engage :
Et que l'accueil de voz doulces manieres
Peut apaiser Mars entre ses bannieres.
Si vous touschez Espinettes ou Lucs,
Vous appaisez les subjectz d'Eolus.
Et si d'aller par les champs vous delecte,
A chascun pas croist une violette.
Brief, nostre Siecle, où vous avez vescu,
A les passez par vous seule vaincu.
Et qui sauroit tant de fables redire,
Sans se fascher, ou sans mourir de rire ?
[Ilz disent tant, que je croy que le tiers,
En escrivant, faict rougir les papiers.]
Or quant à moy, je ne saurois avoir
Sens, ne loisir, d'apprendre ce savoir :
Ne mon esprit est d'assez bonne marque
Pour suyvre ainsi Jehan de Mun, ou Petrarque.
Je diray bien, et ne mentiray point,
Que soubz les draps vous estes en bon point :
Et que peut estre, on voit mainte qui brague,
Qui beaucoup pres n'est point si bonne bague.
Mais de parler qu'estes chose divine,
On me diroit que je songe, et devine :
Car en ce corps faict de sucre et de miel,
Y a des cas trop peu dignes du Ciel.