Ballade, ou non de Clement Marot, contre Sagon
Je vy n'aguere un des plus beaux combatz
Qu'il est possible, et vaut bien qu'on le sçache.
Un millan vit un chat dormant en bas,
Si fond sur luy, et du poil luy arrache :
Le chat s'esveille, et au Millan s'atache
Si vivement, et l'estraint si tresfort,
Que le Millan faisant tout son effort
De s'en voller, se tint pris à la prise.
Lors me souvint d'un qui a fait le fort,
Qui sa force a par son dommage apprise.
Je laisse aux grans parler de grans debatz,
Je sçay tresbien où mon soulier me marche,
Et ne veux point que sous mon stille bas
Il soit pensé que rien de grand se cache.
Ce que j'entends n'est sinon qu'il me fasche,
Qu'en ce temps cy où nous avons renfort
D'un vif esprit, qui donne reconfort
Aux bonnes artz, que le commun desprise,
Un sot buzard le moleste à grand tort
Qui sa force a par son dommage apprise.
Pour ce coup cy son nom n'escriray pas :
Ce m'est assez qu'on l'entende à sa tache.
Mais s'en avant il fait jamais un pas,
Qu'il ne s'estonne apres si on luy lasche
Deux mille trais, dont le moindre et plus lasche
De Lycambes taint au sang noir et ord
L'ira querir jusques dedans son fort :
Pourtant, qu'il prenne avis sur l'entreprise
Du fol Millan vollant sur Chat qui dort,
Qui sa force a par son dommage apprise.
Prince, un bon cueur guere ne poind ny mord,
Mais les poignants hayt jusques à la mort,
Et l'envieux, s'il peut, nuist en surprise,
Dont ceste envie à la fin le remord,
Qui sa force a par son dommage apprise.