Epigrammes
I
Huictain du maintein que l'on doibt tenir à la table
Celluy qui est pour repaistre à la table
Ne doibt tenir propos, en tous ses dictz,
Que de joye, et exultationis :
Et s'il oyt chose qui ne soit notable,
Ou contre aultruy dire cas de mespris,
Le doibt celer sicut confessionis.
David le note, ce n'est pas une fable,
Quand il descript sonus epulantis.
II
Bien heureux, qui ne doibt rien
Bien heureux, qui ne doibt riens,
Car, qu'est il plus calamiteux
A toy, Debteur, privé de biens,
Que d'estre tant de fois honteux,
Tant de fois comme marmiteux,
Froter ton front, fuyr, toy musser, reculler
Du crediteur, mentir, aussy dissimuler ?
D'ung suppliant maintenant faire l'acte,
Puis maintenant prier en chere matte :
Estre appellé, à fin que t'advertisse
Publicquement, et souvent en Justice ?
Avec cela, defuy, evité,
Pareillement du doigt estre noté,
Et briefvement, ne fault qu'il t'en desplaise,
N'avoir jamais en ville, ny Cité,
Tant que seras en telle anxieté,
Ny tes plaisirs, ny tes droicts, ny ton ayse.
Notes, Debteur, que telles passions
Assemblent moult d'aultres cas incommodes.
Apporte en soy pour ses afflictions
L'Argent d'aultruy, qu'on doibt par plusieurs modes.
Herodotus, qui a faict de beaulx Codes,
A ce propos, dedans son premier Livre,
A celux de Perse, pour bien les faire vivre,
Escript avoir deux maulx jadis esté :
L'ung est debvoir : l'aultre, pour verité,
C'est de mentir au Crediteur. Or pense
Que tous les cas, qu'icy je te recense,
Dont le Debteur souvent actionné,
Pour ses debtes est fort passionné,
Feront juger, je t'en veulx advertir,
Que ceulx qui doibvent, ainsi l'a ordonné
Heur, et malheur, qui n'est à touts donné,
Souventesfois sont contreinctz de mentir.
III
Huictain du debteur
Vostre obligé (Monsieur) je me confesse,
Comme de vous ayant receu grand bien.
De vous payer ne vous feray promesse :
Car ne pourrois en trouver le moyen.
Si respondant voulez, je le veulx bien :
Mon cueur respond, et se met en ostaige.
C'est mon thresor, d'aultres biens je n'ay rien,
Je vous supply le retenir pour gaige.
IV
Dixain des Turcs
Ung pellerin que les Turcs avoient pris
De ses fortunes à deux dames comptoit,
Entre aultres choses, comme ils l'avoient surpris,
Et des nouvelles merveilleuses comptoit.
L'une des dames, qui si piteux compte oyt,
Luy demanda : Mays que font ils aux
femmes ?
Ha, Ha, dit il, ces malheureux infames
Leur font cela, tant qu'ils les font mourir.
Or pleust à dieu, ce dit l'autre des dames,
Que pour la foy je deusse ainsi perir.
V
Huictains de l'estable et du courtault
J'ay un joly courtault, madame,
Qui est sur le point d'enrager,
Et je voudroys bien, sur mon âme,
Trouver un lieu pour le loger.
L'on m'a dit que, pour l'heberger,
Vous avez estable propice :
S'il vous plaisoit l'en soulager,
Le courtault vous feroit service.
Mon estable pas tant ne vault
Que vostre honnesteté merite,
Mais la grand'bonté du courtault
A la vous prester fort m'incite.
N'en faictes plus doncq'de poursuytte,
Ains amenez ce galland vert
Dedans mon estable bien viste :
Vous trouverez l'huys tout ouvert.
VI
Dixain d'Alix et Martin
Un jour Martin vint Alix empoigner
En luy monstrant l'outil de son ouvraige,
Et sur le champ la voulut besongner.
Mais dit Alix, Vous me feriez oultraige,
Il est trop gros, et long à l'advantaige.
Bien, dit Martin, tout en vostre fendasse
Ne le mettray, et soubdain il l'embrasse,
Et la moytié seulement y transporte :
Ah, dit Margot, en faisant la grimace,
Mettez y tout, aussi bien je suys morte.