Les Cantiques de la paix.
Cantique de la Chrestienté sur la veuë de l'Empereur, et du Roy
au voyage de Nice
Approche toy Charles (tant loing tu soys)
Du magnanime, et puissant Roy Françoys :
Approche toy Françoys (tant loing soys tu)
De Charles plein de prudence, et vertu :
Non pour touts deux en bataille vous joindre,
Ne par fureur de voz lances vous poindre,
Mais pour tirer la Paix tant desirée,
Du ciel tres hault, là où s'est retirée.
Si Mars cruel vous en feistes descendre,
Ne pouvez vous le faire condescendre
A s'en aller, pour çà bas donner lieu
A Paix la belle, humble fille de Dieu ?
Certainement si vous deux ne le faictes,
Du monde sont vaines les entrefaictes.
Recevez la, Princes chevaleureux,
Pour faire nous (voyre vous) bien heureux :
Ce vous sera trop plus d'honneur, et gloyre,
Qu'avoir chascun quelcque grosse vyctoire.
Recevez la, car si vous la fuyez,
Elle dira que serez ennuyez
De voz repos, et que portez envie
A la doulceur de votre heureuse vie.
Si pitié doncq (ô Princes triumphants)
Vous ne prenez des peuples vos enfants,
(Dont reciter l'estat calamiteux
Seroit ung cas trop long, et trop piteux)
Si d'eulx n'avez commiseration,
A tout le moins ayez compassion
Du noble sang et de France, et d'Espaigne,
Dedans lequel ce cruel Mars se baigne.
Mars cy devant souloit taindre ses dards
Dedans le sang de voz simples souldards :
Mais maintenant (ô Dieu quel dur esclandre)
Plaisir ne prend fors à celluy espandre
Des nobles chefz, meritants diadesmes :
Et si respand souvent le vostre mesmes
Faisant servir les haults Princes de butte
Au vil souldard tirant de Hacquebutte :
Si que de Mars ne sont plus les Trophées
Fors enrichis d'armes bien estoffées :
Plus ilz ne sont garnis, et decorés,
Que de harnoys bien pollys, et dorés,
Qui disent bien : la despouille nous sommes
De grands Seigneurs, et de vertueux hommes.
O quantz, et quelz de voz plus favorys
Sont (puis dix ans) en la guerre perys !
O quantz encor en voyrrez desvyer,
Si à ce coup Paix n'y vient obvier !
Que pensez vous ? cherchez vous les moyens
De voz malheurs, nobles Princes Troyens ?
Jà pour tenir ou voz droictz, ou voz tortz,
Sont ruez jus voz plus vaillants Hectors.
Gardez qu'en fin je, qui suis vostre Troye,
Du puissant Grec ne devienne la proye.
Estimez vous, que ce grand Eternel
Ne voye bien du manoir supernel
Les grands desbats d'une, et d'aultre partie ?
Ne sçavez vous, qu'ung bon pere chastie
Plus tost les siens, que les desdvouez ?
Si maintenant faictes ce, que povez,
Paix descendra, portant en main l'Olive,
Laurier en teste, en face couleur vifve,
Tousjours riant, clere comme le jour,
Pour venir faire en mes terres sejour.
Et Mars souillé tout de sang, et de pouldre,
Deslogera plus soubdain, que la fouldre :
Car il n'est cueur (tant soit gros) qui ne tremble,
Si voz vouloirs on sent unys ensemble.
Vienne sur champs Mars avec son armée
Vous presenter la bataille termée,
Il la perdra. Ainsi doncques unys,
Et de pitié Paternelle munys,
Vous eslirez quelque bien heuré lieu,
Là où viendra de vous deux au milieu
Pallas sans plus. Pallas (à sa venue)
Vous couvrira d'une celeste nue,
Pour empescher, que les malings trompeurs
D'heureuse Paix trop malheureux rompeurs
Ne puissent veoir les moyens, que tiendrez
Alors qu'au poinct tant desiré viendrez :
Si qu'ilz seront tout à coup esbahys,
Que sur le soir l'ung, et l'aultre pays
Reluyra tout de beaulx feuz de liesse,
Pour le retour de Paix noble Deesse :
Et que rendray (sans que Mars m'en retarde)
Grâces au Ciel : ô mon Dieu, qu'il me tarde !
Approche toy Charles (tant loing tu soys)
Du magnanime, et puissant Roy Françoys :
Approche toy Françoys (tant loing soys tu)
De Charles plein de prudence, et vertu.