A la Royne d'Hongrie venue en France, Salut
Quand toute France aura faict son debvoir
De ta haultesse en joye recevoir
(Chaste Diane ennemye d'oyseuse,
Et d'honnorable exercice amoureuse)
Je (de ma part) le plus petit de touts
M'enhardiray humble salut, et doulx
Te presenter, non en voix, et parolle,
Qui parmy l'air avec le vent s'envolle :
Mais par escript, qui contre le temps dure,
Autant, ou plus, que fer, ou pierre dure :
Je dy escript faict des Muses sacrées,
Qui sçavent bien, qu'à lire te recrées.
Escript (pour vray) que s'il n'est immortel,
Le tien Marot le desire estre tel,
Pour saluer par Epistre immortelle
Celle, de qui la renommée est telle.
O combien fut le peuple resjouy
D'Espaigne, et France, apres avoir ouy
Qu'icy venoys ! Cela nous est ung signe
(Ce disoyent ilz) que l'amour s'enracine
Es cueurs Royaulx : cela est ung presaige,
Que Dieu nous veult monstrer son doulx visaige :
Et que la paix dedans Nice traictée,
Est une paix pour jamais arrestée.
L'arc, qui est painct de cent couleurs aux cieulx,
Quand on le voyt, ne demonstre pas mieulx
Signe de pluye en temps sec attendue,
Ne la verdure au printemps espendue
Parmy les champs, si bien ne monstre point
Que les beaulx fruictz viendront tost, et appoint,
Comme ta veue en France signifie,
Que pour jamais la paix se fortifie.
Arriere donc, Royne Panthasilée,
Maintenant est ta gloyre anichilée :
Car devant Troye allas pour guerroyer,
Marie vient pour guerre fouldroyer.
Ainsi disoit France, et Espaigne aussi,
Des que l'on sceut, que de venir icy
Te proposas : et creut leur joye, apres
Que pour partir ilz veirent tes apprestz.
Puis quant tu fuz esbranlée, et partie,
Leur plaisir creut d'une grande partie,
Et te voyant toute venue en çà,
A redoubler leur joye commença.
Laquelle joye en eulx n'ay apperceue
Tant seullement, mais sentie, et conceue
Dedans mon cueur, tesmoing l'escript present
Plein de lyesse, et de tristesse exempt.
T'advertissant, que quand paix ne seroit,
Jà pour cela France ne laisseroit
A desirer ta venue honnorée,
Pour les vertus, dont tu es decorée :
Combien (pourtant) que peuples, et provinces
Sont de nature enclins à aymer Princes,
Qui comme toy sont amys de concorde,
Et ennemys de guerre, et de discorde,
Ce qui plus tost entre aux cueurs feminins
(D'aultant qu'ilz sont doulx, piteux, et begnins)
Que ceulx des Roys, qui pour honneur acquerre
Sont inclinés à prouesse, et à guerre.
Doncques Saba, Royne prudente, et meure,
Qui a laissé ton peuple, et ta demeure,
Pour venir veoir en riche, et noble arroy,
Le Salomon de France, nostre Roy,
Je te supply par la grande lyesse
Du bien de paix, si j'ay prins hardiesse,
De bienveigner une Dame si haulte,
Ne l'estimer presumption, ne faulte,
En imitant le grand Prince des Anges,
Lequel reçoit aussi tost les louanges
Du plus petit, que du plus hault monté,
Quand le cueur est plein d'ardante bonté.