Prins et extraict du.X. chapitre de sainct Jehan. Composé et mis
en rithme françoise par Clement Marot.
Veu et recongneu des Theologiens.
Psalm. 104.
Psalme et chanson je chanteray à un seul Dieu, tant que
seray
Pres de Paris, vostre grande cité,
Sire, je fus le Karesme incité
D'aller aux champs entendre le propos
Du bon pasteur aymant l'aise et repos
De ses brebis, lequel paist mesmement
Le sien bestail par bon nourrissement.
Lors un j'en vys sur un tertre monté,
Que charitable amour avoit dompté,
Songneusement gardant son petit nombre
Qui là estoit tappi à terre en l'ombre,
Et le paissoit de l'escripture saincte,
Disant ainsi par parolle non faincte :
Petit tropeau, vous n'avez donc plus cure
D'estre repeu de l'humaine pasture,
Ayant ouy la joyeuse nouvelle
De ce pain vif qui rend l'âme immortelle,
Du hault du ciel icy bas descendue
Pour estre à tous les humains espandue,
Qui vous a faict ce hault bien et cest heur
D'ouyr la voix de vostre bon pasteur,
Qui est entré dedans la bergerie
Pour le salut de la brebis perie,
La restaurant de si doulx pasturage
Que d'un maulvais; il faict un bon courage.
C'est luy qui est verité, vie, et voye,
Où nul vivant ne s'esgare ou fourvoye.
C'est la clarté qui le monde illumine,
Que nulle nuict ne tenebre extermine.
C'est luy qui est l'eau vifve et souveraine
Qui dans le cueur faict sourdre une fontaine
Saillant du ciel, d'un goust tant bon et souef
Que qui en boit il n'aura jamais soif.
A luy avez esté tirez du pere,
Pour aller veoir ce pasteur vostre frere,
Ne plus ne moins que si fussiez l'eslite
Qu'il a voulu choisir et sans merite :
Que de luy seul des le commencement,
Quand par son mot il fist le firmament.
Il a bien dict, je congnois mes ouailles,
Et elles moy, et ouvrent les oreilles
Pour escouter ma divine parolle
Qui n'est en rien menteuse ne frivolle.
C'est luy qui a baillé pour vous sa vie
Tant il a eu de vous sauver envie,
Et a rompu vostre captivité
En vous donnant franchise et liberté.
C'est le pasteur de vous si fort jaloux
Que ne serez prins ne ravis des loups.
Et que plus est, luy tant bon, tant honneste,
A tout nombré le poil de vostre teste,
Et n'en cherra un sans la volunté
De Dieu son pere : ainsi l'a racompté.
C'est luy qui a publié son edict
(Au moins ainsi que l'Evangile dict)
Que chascun voyse à luy de prime face
Quand on vouldra obtenir quelque grâce,
Tant soit indigne, et remply de malice,
Et il aura pardon du malefice
Ainsi comme eut le povre enfant prodigue,
Qui de la chair ayant suivy la ligue
Fut prevenu de son pere et receu
Benignement des qu'il l'eut apperceu.
Il crie apres, je vous fais asçavoir
Que nul ne peut acces au pere avoir
Sinon par moy, et si ne povez rien
Faire sans moy, tant soit petit de bien
Pour vous sauver, et croyez à mon dire :
Car vous sans moy estes tous enfans d'ire.
Escoutez donc le pasteur debonnaire
Puis qu'il nous est tant doulx et salutaire :
Car Dieu commande expres de l'escouter
Et autres espritz contraires rebouter.
O charité, ô bonté indicible !
Te comparer à aultre est impossible.
Où est l'amy que tant bon on reclame
Qui pour l'amy voulsist bailler son âme ?
Où est l'amy soit il vif, soit il mort,
Qui à l'amy baille vie pour mort ?
Où est le Roy qui vueille conceder
Grâce, où nully ne vient interceder,
Et promettant que tout criminel homme
Humilié s'adresse à luy comme
Seroit celluy qui a bien merité
Quelque grand bien pour sa dexterité ?
Las trop peu s'en fault qu'il se vueille cacher,
Mais quoi, il vient ses ennemys chercher
Pour les saulver lors qu'ilz luy font oultraige,
Ainsi qu'avons de sainct Pol tesmoignage,
Qui fut receu vaisseau d'election
Faisant des sainctz la persecution.
Tu ne cherchois rien moins, Samaritaine,
Que ton salut allant à la fontaine :
Et toutesfois par luy tu fus cherchée,
Dont ta grand soif fut d'eaue vifve estanchée.
Mais que diray dont tel amour procede
Qui les amours de tous humains excede ?
Seroit ce point pour la laine ou toison
Que luy rendez tous les ans à foison ?
Seroit ce point pour quelque bonne chose
Venant de nous en vostre cueur enclose ?
Certes nenny, car en cela vous estes
(Il est certain) toutes indignes bestes :
Et tout ainsi immundes et crasseuses
Comme le drap des femmes menstrueuses.
Puis que telle est vers luy vostre excellence,
Ce n'est cela donc qui meut sa clemence
A vous aimer, mais sa seulle bonté
Qui a la terre et le ciel surmonté,
Ce qu'ignorez, si mal estes instruictes.
Povres brebis, on vous a bien seduictes,
Car seullement il est icy venu
Pour le tropeau en peché detenu.
Doncq nul n'aura part au grand benefice
Qu'il nous a quis, s'il dict estre sans vice.
L'homme dispos, qui est sain et entier,
Du medecin n'a besoing ne mestier :
Et seroit sot cil qui juste estre pense,
De demander pardon de son offense.
Parquoy ne fault nullement s'excuser
Mais envers luy noz delictz accuser,
Comme celluy qui dict la Patenostre
Qui lors confesse estes pecheurs tous oultre :
Las n'entre pas, dict David humblement,
Contre ton serf, Seigneur, en jugement :
Car je suis seur et bien edifié
Que nul ne peult estre justifié
Si tu te veulx monstrer accusateur,
Toy estant juste, et tout homme un menteur :
Car Dieu a tout conclus dessoubz peché,
Dont a voulu estre en croix attaché,
En declarant sa grand'misericorde :
Donc malheureux est qui ne s'y accorde.
Or pour purger ces oeuvres vicieux
Trouve l'on point un unguent precieux,
Ou aultre cas faict de mouche à miel,
Ou ne sçay quel basme artificiel ?
Non, que le sang du sauveur Jesu Christ;
Qui a esté pour vous laver prescript
Et immolé, tendant en croix ses mains,
Monstrant porter les pechez des humains.
Se vend il point tant aux grandz qu'aux
petitz ?
Non, mais le donne à un chascun gratis
Celuy qui a pleinement satisfaict
Pour le peché que point il n'avoit faict :
Et n'y avoit remede qui valut
Que celuy là pour nous donner salut.
Par aultre nom, tant soit il estimé,
L'homme ne peult jamais estre saulvé.
Se le salut fust venu d'aultre lieu,
Mort pour neant seroit le filz de Dieu.
Sainct Pol ce point clairement nous descouvre
En assentant qu'il ne vient de nostre oeuvre
Mais de la foy qui l'homme justifie,
Tant soit meschant, quand en Dieu se confie,
Soy deffiant de soy et sa vertu,
Que en luy fault estimer ung festu :
Car ayant faict tout, selon l'Evangile
Dictes, je suis serviteur inutile.
Parlant de foy, j'entens de la foy vifve,
Laquelle n'est vers son prochain oisive,
Qui vient de Dieu par grâce, et en pur don,
Et non de nous, faisant l'arbre estre bon
Qui par l'ardeur d'icelle flourira,
Et son bon fruict en son temps produira :
Car l'omme en foy ressemble à son ouvraige,
L'arbre planté à l'orée d'ung rivaige
Qui son bon fruict produict en la saison.
Aussi David faisant comparaison,
Dit que jamais ses fueilles ne perissent,
Et tous ses fruictz prosperement nourrissent :
Donc est besoing que l'arbre et sa racine
Soit rendu bon par la grâce divine,
Premierement qu'il puisse aulcuns fruictz faire
Qui suffisantz soyent pour à Dieu complaire :
Parquoy il est escript dedans la Bible
Que plaire à Dieu sans foy est impossible :
Car le bon fruict quel qu'il soit n'a la force
Faire bon l'arbre en sefve ou en escorce :
Mais du bon fruict on dict en verité
Cest arbre est bon qui tel fruict a porté.
L'arbre maulvais produire ne sçauroit
Que maulvais fruict. Qui aultrement diroit
Seroit menteur et seducteur inique,
Dieu nous le dict en lieu bien autentique.
Doncques, brebis, par ceste vifve foy
Duictes serez à parfaire la loy,
Qui est aymer Dieu d'un amour extresme,
Et son prochain ainsi comme soy mesme :
Car lors l'esprit comme d'ung instrument
Propre usera de vous utilement,
En dechassant le violent effort
Hors de son cueur, où il avoit son fort,
Qui s'enfuyra esperdu et confus,
Par le plus fort esprit en vous infus.
D'icelluy seul vient nostre suffisance,
Sans luy de vous le bien n'est qu'apparance
Exterieure, et fard hypocritique :
Comme un sepulchre orné en lieu publique,
Qui par dehors monstre quelque beaulté,
Mais le dedans n'est qu'immundicité.
Par ceste foy vous estes tous faictz dieux
Et filz de Dieu et heritiers des cieulx.
Par ceste Foy enfans d'adoption,
Jadis enfans de malediction.
C'est le Herault qui nous a annoncé
Que Dieu avoit de tout poinct renoncé
De se venger contre nous de l'injure
Que luy avoit faict nostre âme parjure,
Et qu'il avoit esté mediateur
Tant qu'il estoit d'ennemy amateur.
Par ceste foy à Dieu feront offrande
D'un cueur contrit, car tel il le demande,
Qui est le lieu où veult estre honnoré,
En verité et esprit adoré.
Dieu qui a faict miraculeusement
Le monde, et tout universellement,
Veu que du ciel, et terre, il est Seigneur,
Voire et selon son vouloir gouverneur,
Point il n'habite en temples faictz des mains,
Et reveré n'est par mains des humains,
Tout est par luy et par tout d'une essence,
N'ayant besoing de rien, ou indigence,
Il ne fault donc à aulcun simulacre
Accomparer l'esprit divin et sacre.
Par ceste Foy vifve le juste vit,
Lequel des mains de Dieu nul ne ravit,
Et luy tombé confondu ne sera,
Mais la faveur de Dieu le levera.
Par foy, de Dieu vous estes le sainct temple
Qui doibt monstrer à chascun bon exemple,
Et prier Dieu sans aulcune fainctise
Pour les seigneurs et pasteurs de l'eglise,
Les honorant ainsi qu'il appartient,
Et que de Dieu l'escripture contient.
Par ceste foy les bien heureux fideles
Sont tous armez, non point d'armes charnelles
Qu'on peult forger, mais de Dieu trespuissantes
Et tout ainsi que le soleil luisantes,
Pour abismer tout esperit et haultesse
Qui fierement contre les cieulx se dresse,
Pour fouldroier ces geans temeraires,
De Dieu vivant superbes adversaires,
Qui montz sur montz s'efforcent cumuler,
Pour par leur force en paradis aller,
En desdaignant la guide et saufconduict
Qui est la foy, dont fault estre conduict.
Pour ceste foy serez persecutez,
Hays du monde, à mort executez,
Ainsi que fut vostre pasteur et maistre,
Puis que voulez en sa prairie paistre.
Tel est des siens le mercq et le vray signe,
Duquel ne fut et n'est le monde digne.
Ceulx qui feront de vous telle injustice
Penseront faire à Dieu vray sacrifice :
Mais en estant de son dire recors,
Vous ne craindrez ceulx qui tuent les corps,
Trop bien celuy qui tue corps et âme,
Laquelle n'est icy en dangier d'âme.
Et recepvans tel persecution,
Esperez la remuneration
Qui est au ciel tresgrande et copieuse,
Par quoy sera vostre âme bien heureuse.
Par ceste foy nul n'aura fantasie
Suyvir le monde, ou secte, ou heresie,
Qui est à Dieu abhomination :
Ains vous l'aurez en detestation.
Car suyvre fault la reigle et loy de Christ
Ainsi qu'il te l'a baillée par escript,
Sans quelque part nullement decliner,
Qui ne vouldroit se perdre ou ruiner.
Par foy on voit l'opinion damnée
Que charité qui est bien ordonnée
Commence à soy : car Charité ne quiert
Ce qui est sien, mais plustost el'requiert
Perdre son bien pour l'aultruy augmenter.
Oyez vous point Moyse lamenter,
Et supplier à Dieu d'un ardant zele
Pour le delict de son peuple infidele,
En desirant plustost estre damné
Que fut à mort le peuple condamné,
Si Jesu Christ l'eust ainsi ordonné,
Il n'eust sa mort pour vous abandonné,
Et de Cephas n'eust blasmé la priere
Quand il luy dist, Va, faulx sathan, arriere.
Ne dist il pas en nous donnant la forme
Qu'eussions amour à la sienne conforme,
Dont pour les siens sainct Pol d'elle embrasé
Estre voulut anathematisé.
Par ceste foy Empereurs, Roys, et Princes,
Visiteront leurs pays, et provinces,
Pour empescher que le povre pupille
Grevé ne soit, ne la vefve debille :
Et que le sang de l'humaine innocence
Pour qui l'esprit demande à Dieu vengeance
Ne soit au glaive exposé et submis
Par faulx tesmoings et de Dieu ennemys.
En ceste foy l'homme se humiliera
Et à chascun seigneur obeira.
Premier au Roy comme au plus excellent,
Puis aux seigneurs tout à l'equipollent :
Car à chascun fault rendre son honneur,
Soit Roy, ou Duc, ou Prince, ou Gouverneur.
Ce sont ceulx là que Dieu a envoyés
Pour reprimer les maulvais desvoyés,
Non pour les bons, sinon pour leur louange.
Consequemment ne trouveront estrange
De bien payer leur tribut loyaulment,
Comme de Dieu est le commandement.
Et qui resiste au Roy et sa puissance,
Resiste à Dieu et à son ordonnance :
Car le Roy est d'ordonnance divine
Qui veult que tout vers luy s'encline.
Ceste foy là nous asseure et enhorte
Comme la mort est de vie la porte.
Celle qui eut sur tous humains victoire
N'est maintenant qu'une porte de gloire :
D'autant que mort estoit nostre ennemye,
D'autant elle est tresdesirable amye.
Mort n'occist plus, mais elle nous faict vivre
Et de prison en liberté nous livre.
Heureuse mort, ton dard n'est que la clef
Pour aller veoir Jesu Christ nostre chef.
Sans mort cy bas tousjours demourerions,
Sans mort jamais joye ou plaisir n'aurions :
Sans mort ne peult veoir son espoux l'espouse,
Qui est de luy, non sans raison, jalouse.
Benoiste mort (ainsi te fault nommer)
Nul de debvroit souffrir les mortz blasmer
Le doulx effect de ton urgent office,
Lequel nous est necessaire et propice.
Les mortz ce sont les tenebres du monde,
Esquelles tant d'obscurité habonde
Qu'elles n'ont sceu la lumiere comprendre
Pour le chemin de leur salut entendre.
Painctres françoys, advisez à ce poinct
Quand à la mort ne me la paindez poinct
Comme on souloit ainsi laide et hideuse,
Mais faictes la plus belle, et gratieuse,
Que ne fut onc ou Heleine ou Lucresse,
Affin qu'elle ait des amoureux oppresse.
Brief, tirez la qu'il ne luy faille rien,
Puis que par elle avons un si grand bien,
Il est raison que mort nous semble belle
Puis que par mort avons vie eternelle
Et que son nom, qui sembloit estre horreur
A un chascun, fust pape ou empereur,
Soit maintenant nom de toute asseurance
A ceulx qui ont en Dieu vraye esperance.
Puis luy baillez en sa main dextre un dard
Si bien pourtraict de vostre excellent art,
Qu'il semble à l'oeil par bonne perspective
Estre d'amour une flesche neifve :
Non qu'elle cause aux navrez tant d'amer
Que celle là qui faict la chair aymer :
Et qu'elle n'ayt ne cherme, ne poyson,
Mais un unguent qui porte guerison
De tous les maulx, esquelz dame Nature
A obligé toute sa geniture :
Aussy qu'elle a puissance de dissouldre
Et transmuer nostre prison en pouldre,
Que nul vivant ne se ose vanter
De soy povoir de son dard exempter.
Ne la montez sur ung char arrogante,
Comme elle estoit des humains triumphante.
Mais paindez la que triumpher nous face,
Nous faisant veoir Jesu Christ face à face.
Voy là de quoy ses ouailles paissoit
Le bon pasteur, voire les engressoit
Au veu de l'oeil spirituellement,
Tant que n'avoyent faim, ne soif nullement,
Et recepvoyent don d'immortalité
Participant à la divinité.
D'aultres j'en vis faisantz les charemistes,
Par le dehors aussi simples qu'hermites.
Mais je me doubte, et à ma fantaisie,
Que là estoit cachée hypocrisie :
Et me sembloit, ou j'ay bien maulvais yeulx,
Que leur esprit estoit seditieux.
Ilz nourrisoyent leurs grans tropeaux de songes,
D'ergos, d'utrums, de quarez, de mensonges,
Et de cela ils faisoyent du pain bis
Que bien aimoyent leurs seduictes brebis,
Mais de maigreur estoient enlangourées,
Plus en bevoient, plus estoient alterées,
Plus en mengeoient, plus en vouloyent menger,
Et l'âme et corps estoient en grand dangier :
Et ne sçauroyent ennemis estrangiers
Pires les traicter, que faisoient les bergiers,
Qui soubz couleur de longues oraisons
Le plus souvent devoroient leurs toisons,
Et croy, si mieulx de pres les advisez,
Que verrez loups en brebis desguisez.
Ilz ont laissé l'huis salubre et à dextre
Et sont entrez au thoict par la fenestre.
Ilz ont laissé le paist qui ne perit,
Pour cestuy là qui à l'instant perit.
Ilz ont laissé l'eaue de fontaine vifve
Pour boire eaue de fontaine chetive.
Ilz ont laissé la vraye olive et franche,
Pour s'appuyer sur une morte branche
Ilz ont receu vaine philosophie,
Qui tellement les hommes magnifie
Que tout l'honneur de Dieu est obscurcy,
Et le hault mur d'ergotis endurci,
En mesprisant celle qui tout en somme
Donne louenge à Dieu, et non à l'homme,
Sinon qu'il est plus vain que vanité,
Et qu'il auroit plus de legiereté
S'il estoit mis au poix de la balance.
Tout son sçavoir, sans foy c'est ignorance :
Cuydant saige estre, il est fol devenu.
Combien qu'il fust en hault lieu parvenu,
Ce qui luy est prudence tant pollye
N'est riens vers Dieu qu'ignorance et follie.
Des saiges, Dieu la saigesse reprouve,
Et des petitz l'humilité approuve,
Ausquelz il a ses secretz revelez,
Qu'il a cachez aux saiges et celez,
Car son esprit point ne reposera
Que sur celuy qui humble et doulx sera.
Les saiges ont leur Dieu crucifié
Et son parler divin falsifié.
Tous les haulz faictz des sept saiges de Grece,
Et de Brutus, lequel vengea Lucresse,
De Publius, et de Pamphilius,
De Marc Cathon, censeur, et Tullius,
De tous les Grecz, et de tous les Romains
Qui ont tenu le monde soubz leurs mains,
Sont inutiles comme estant faictz sans foy,
Mais pour leur gloire, et pour l'amour de soy.
Sainct Pol estant de son dire croiable
Dict, j'ay vescu des hommes incoulpable
Jouxte la loy, n'ayant de CHRIST notice :
Et quand il fut certain que la justice
Venoit de foy, de luy soy deffiant,
Ces oeuvres là il reputa fiens
Qui luy sembloient au paravant si belles :
Mais ce n'estoient que vaines estincelles.
Pourquoy cela ? faictes estoient sans foy,
Mais pour sa gloire, et pour l'amour de soy.
Prions donc Dieu que Françoys nostre Roy,
L'un des esleuz, fermement je le croy,
Puisse regner au ciel, et en la terre
Bien longuement, sans jamais avoir guerre.
Mais s'aulcuns sont de son bien envieux,
Qu'il soit sur tous princes victorieux,
Voyans messieurs ses beaulx nobles enfans
Par leurs vertus au monde triumphantz,
Et qu'avec eulx de paradis herite
La precieuse et noble Marguerite.
La foy sera la clarté, je me vante,
Comme aux sages estoit l'Estoile ardante,
Pour les conduyre en leur bonne querelle,
Et en la fin ayent vie eternelle.
Priant aussi Dieu pour noz souverains,
En n'oubliant les deux princes Lorrains,
Consequemment, le bon conseil royal,
Les haultz seigneurs, grand maistre et admiral,
Que Dieu leur donne heureuse et telle vie
Comme ilz auroyent de souhaiter envie.
FIN