Psal. I04
Psalme chanson je chanteray
A un seul Dieu, tant que seray
Au treschrestien Roy de France, Françoys premier de ce nom,
Clement Marot, Salut.
Jà n'est besoing, Roy, qui n'as ton pareil,
Me soucier, ne demander conseil,
A qui je doibs dedier cest ouvrage :
Car (oultre encor, qu'en toy gist mon courage)
Tant est cest oeuvre et Royal, et chrestien,
Que de soymesme il se dict estre tien :
Qui as par droict de treschrestien le nom,
Et qui es Roy, non de moindre renom
Que cestuy là, qui meu du sainct Esprit,
A le dicter, et le chanter se prit.
Certainement la grande conference
De ta haulteur, avec sa preference
Me monstre au doigt, qu'à toy le dedier,
C'est à son poinct la chose approprier.
Car il fut Roy de prudence vestu :
Et tu es Roy tout orné de vertu.
Dieu le donna aux peuples Hebraicques,
Dieu te debvoit (ce pensé je) aux Gallicques.
Il estoit Roy des siens fort honnoré :
Tu es des tiens (peu s'en fault) adoré.
Fort bien porta ses fortunes adverses :
Fort constamment les tiennes tu renverses.
Sçavoir voulut toutes sciences bonnes :
Et qui est celle, à quoy tu ne t'adonnes ?
En Dieu remist et soy, et son affaire :
Tu as tresbien le semblable sceu faire.
Il eut en fin la paix par luy requise :
Tant quise l'as, qu'en fin tu l'as acquise.
Que diray plus ? vous estes les deux Roys,
Qui au milieu des Martiaulx destroits
Avez acquis nom d'immortalité :
Et qui durant paix, et tranquillité
L'avez acquis par sciences infuses,
Daignant (touts deux) tant honnorer les Muses,
Que d'employer la mesme forte dextre
Sceptre portant, et aux armes adextre,
A faire escriptz : qui si grand force ont,
Qu'en rien subjectz à la mort ilz ne sont.
O doncq'Roy, prends l'Oeuvre de David,
Oeuvre plus tost de Dieu, qui le ravit,
D'aultant que Dieu son Apollo estoit,
Qui luy en train, et sa harpe mectoit.
Le sainct Esprit estoit sa Calliope :
Son Parnasus montaigne à double croppe
Fut le sommet du hault ciel cristallin.
Finablement son ruysseau Caballin,
De grâce fut la fontaine profonde,
Où à grands traictz il beut de la claire unde :
Dont il devint Poëte en ung moment
Le plus profond dessoubs le firmament :
Car le subject, qui la plume en la main
Prendre luy feit, est bien aultre, qu'humain.
Icy n'est pas l'adventure d'Aenée,
Ne d'Achiles la vie demenée.
Fables n'y sont plaisantes, mensongieres,
Ny des mondains les amours trop legieres.
Ce n'est pas cy le Poëte escrivant
Au gré du corps, à l'Esprit estrivant.
Ses vers divins, ses chansons mesurées
Plaisent (sans plus) aux âmes bien heurées :
Pource, que là trouvent leur doulx Amant
Plus ferme, et cler, que nul vray diamant :
Et que ses faictz, sa bonté, et son pris
Y sont au long recités, et compris.
Icy sont doncq'les louanges escriptes
Du Roy des Roys, du Dieu des exercites :
Icy David le grand Prophete Hebrieu
Nous chante, et dict, quel est ce puissant Dieu,
Qui de Bergier en grand Roy l'erigea,
Et sa houlette en sceptre luy changea.
Vous y orrez de Dieu la pure Loy
Plus cler sonner qu'argent de fin aloy :
Et y voyrrez, quelz maulx, et biens adviennent
A touts ceulx là, qui la rompent, et tiennent.
Icy sa voix sur les reprouvés tonne,
Et aux esleuz toute asseurance donne,
Estant aux ungs aussi doulx, et traictable,
Qu'aux aultres est terrible, et redoutable.
Icy oyt on l'Esprit de Dieu, qui crie
Dedans David, alors que David prie :
Et faict de luy ne plus ne moins, que faict
De sa musette ung bon joueur parfaict.
CHRIST y voyrrez (par David) figuré,
Et ce qu'il a pour noz maulx enduré :
Voyre mieulx painct (mille ans ains sa venue)
Qu'apres la chose escripte, et advenue,
Ne le paindroyent (qui est cas bien estrange)
Le tien Janet, ne le grand Michel Ange.
Qui bien y lict, à congnoistre il apprend
Soy, et celluy, qui tout voyt, et comprend :
Et si oyrra sur la harpe chanter,
Que d'estre rien, rien ne se peult vanter :
Et qu'il est tout (en ses faicts, quant au reste)
Fort admirable, icy se manifeste :
Soit par l'effect des grands signes monstrés
Aux siens estants par Pharaon oultrés :
Soit par le grand, et merveilleux chef d'oeuvre
Du ciel vousté, qui toutes choses coeuvre :
Ou par le cours, que faict l'obscure nuict :
Et le cler jour, qui par compas la suyt :
Soit par la terre en l'air espars pendue,
Ou par la mer autour d'elle espandue :
Ou par le tour, qui aux deux prend naissance :
Sur quoy il veult, qu'ayons toute puissance,
Nous apprenant à le glorifier,
Et de quel cueur nous fault en luy fier.
O gentilz cueurs, et âmes amoureuses,
S'il en fut oncq, quand serez langoreuses
D'infirmité, prison, peché, soucy,
Perte, ou opprobre, arrestez vous icy.
Espece n'est de tribulation,
Qui n'ayt icy sa consolation :
C'est ung jardin plein d'herbes, et racines,
Où de touts maulx se trouvent medecines.
Quant est de l'art aux muses reservé,
Homere Grec ne l'a mieulx observé.
Descriptions y sont propres, et belles :
D'affections il n'en est point de telles :
Et trouveras (Sire) que sa couronne,
Ne celle là, qui ton chief environne,
N'est mieulx, ne plus de gemmes entournée,
Que son oeuvre est de figures aornée.
Tu trouveras le sens en estre tel,
Qu'il rend là hault son David immortel,
Et immortel çà bas son livre, pource
Que l'Eternel en est premiere source :
Et vouluntiers toutes choses retiennent
Le naturel du lieu, dont elles viennent.
Pas ne fault doncq', qu'aupres de luy Horace
Se mecte en jeu, s'il ne veult perdre grâce :
Car par sus luy volle nostre Poëte,
Comme feroit l'Aigle sus l'Alouëte,
Soit à escripre en beaulx Lyricques vers,
Soit à toucher la Lyre en son divers.
N'a il souvent au doulx son de sa Lyre
Bien appaisé de Dieu courroucé l'ire ?
N'en a il pas souvent de ces bas lieux
Les escoutants ravy jusques aux cieulx ?
Et faict cesser de Saül la manie,
Pendant le temps, que duroit l'armonie ?
Si Orpheus jadis l'eust entendue,
La sienne il eust à quelcque arbre pendue :
Si Arion l'eust ouy resonner,
Plus de la sienne il n'eust voulu sonner :
Et si Phebus ung coup l'eust escoutée,
La sienne il eust en cent pieces boutée,
Au moins laissé le sonner pour l'ouyr,
Affin d'apprendre, et de se resjouyr,
En luy quictant son Laurier de bon cueur,
Comme en escriptz, et en armes vainqueur.
Or sont en l'air perdus les plaisants sons
De ceste Lyre, et non pas ses chansons :
Dieu a voulu (jusqu'icy) qu'en son Temple
Par ses beaulx vers on le serve, et contemple.
Bien il est vray (comme encore se voit)
Que la rigueur du long temps les avoit
Rendus obscurs, et durs d'intelligence.
Mais tout ainsi, qu'avec diligence
Sont esclaircis par bons esprits rusés
Les escripteaulx des vielz fragments usés :
Ainsi (ô Roy) par les divins esprits,
Qui ont soubs toy Hebrieu langaige appris,
Nous sont jectés les Psalmes en lumiere,
Clers, et au sens de la forme premiere :
Dont apres eulx (si peu, que faire sçay)
T'en ay traduict par maniere d'essay
Trente sans plus, en ton noble langaige,
Te suppliant les recevoir pour gaige
Du residu, qui jà t'est consacré,
Si les veoir touts il te venoit à gré.
FIN