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CHAPITRE 5

Au bout d’un mois, Aurore n’avait plus qu’un rival : un petit garçon blond et bouclé qui s’appelait Angelo et qui semblait, lui aussi, parfaitement rompu à l’activité de chouchou.

Aurore le trouvait sympathique, mais elle était tellement habituée à être la seule chouchoute que cela lui faisait tout de même un drôle d’effet. Mais comme c’était une petite fille très gentille, au fond, elle n’essaya pas de faire commettre à Angelo des erreurs fatales qui lui auraient permis, à elle, d’être la seule chouchoute de la classe. Au contraire, elle devint l’amie d’Angelo, prit l’habitude de jouer avec lui pendant la récréation et de s’asseoir à côté de lui, si bien que la maîtresse se mit à les associer tous les deux, en les appelant ses petits anges.

Les autres élèves auraient pu être jaloux d’Aurore et d’Angelo. Mais au contraire, ils les adoraient, et cherchaient par tous les moyens à s’en faire des amis. C’est ainsi qu’Aurore et Angelo se faisaient inviter à tous les anniversaires de tous les enfants de la classe.

Aurore était née au mois d’avril, le 18, jour de la Saint-Parfait. Quand vint le moment pour elle de décider quels enfants elle souhaitait inviter chez elle pour l’occasion, elle fut bien ennuyée. Elle ne voulait surtout pas faire de peine à qui que ce soit. Or, tous les enfants nés avant le mois d’avril l’avaient invitée à leur anniversaire, et elle était presque sûre que tous les autres enfants l’inviteraient à leur tour, le moment venu. Ne pas en inviter un, c’était lui faire comprendre qu’elle l’aimait moins que les autres, ce qui n’était pas vrai puisqu’Aurore n’avait pas de préférence, à part une légère pour Angelo. D’un autre côté, Aurore, qui était très raisonnable pour ses presque quatre ans, comprenait bien que ses parents ne pouvaient pas recevoir à la maison vingt-trois enfants à la fois.

Aurore était terriblement ennuyée, et elle passa ce mercredi après-midi-là à tourner et retourner de noires pensées dans sa tête.

Sa grande sœur, Camille, qui lui avait proposé de fabriquer une balançoire pour sa poupée sans qu’elle réagisse, insista pour savoir ce qui la tracassait. Aurore le lui expliqua.

Camille courut en parler à son papa : elle était sûre qu’il trouverait une solution.

Il se gratta la tête d’un air pensif et dit qu’il allait y réfléchir.