Les vacances touchèrent à leur fin, et Aurore, dans le train qui la ramenait chez ses parents, se mit à pleurer. Camille et Thomas se précipitèrent pour la consoler, la prendre dans leurs bras, lui proposer des gâteaux, des bonbons, des chocolats…
Aurore ne savait pas très bien pour quelle raison elle pleurait. Mais elle sentait confusément qu’au fond d’elle-même, elle n’avait pas vraiment envie de rentrer.
Pourtant, elle fut très contente de retrouver ses parents, et au bout de quelques heures, elle avait complètement oublié ces sentiments curieux qui l’avaient envahie dans le train du retour ; on mit cela sur le compte de la fatigue et plus personne ne s’en préoccupa.
La vie d’Aurore reprit son cours. C’était l’année de son entrée en CP. Ce qui la perturba le plus fut qu’Angelo, qui avait déménagé, n’était plus dans son école. Les premiers jours, elle se sentit vraiment démunie, comme si elle avait oublié quelque chose d’important à la maison. Heureusement pour elle, en CP, les trois règles qu’elle avait identifiées en petite section de maternelle fonctionnaient toujours très bien. Elle s’y raccrocha et, au bout d’une ou deux semaines, elle s’était habituée à être la seule chouchoute de cette classe.
Quand la maîtresse devait s’absenter, c’est à Aurore qu’elle confiait la classe.
Quand la maîtresse était inspectée, c’est à Aurore qu’elle posait les questions les plus difficiles.
Quand la maîtresse estimait qu’un enfant avait besoin d’un avertissement, c’est à Aurore qu’elle demandait de l’accompagner chez la directrice.
Bien sûr, ce rôle de chouchoute lui imposait quelques contraintes. Ainsi, contrairement aux autres enfants, elle ne pouvait jamais s’amuser à faire des petits dessins rigolos au tableau quand la maîtresse s’absentait, même si elle en avait très envie. Elle ne pouvait pas non plus s’amuser à répondre des bêtises à la maîtresse quand l’inspecteur était dans la classe. Et, bien sûr, elle était obligée d’accompagner les enfants qui avaient besoin d’être grondés chez la directrice, même s’ils la suppliaient de ne pas les y emmener.
Mais c’était tellement agréable d’être la chouchoute qu’Aurore n’imaginait même pas que sa vie aurait pu être différente.