Ce qui fut dit fut fait. Au cours de l’heure suivante, Aurore, qui était assise au premier rang, fit tomber tout le contenu de sa trousse par terre et elle prit vraiment beaucoup de temps pour tout ramasser.
— Tu es malade, Aurore ? demanda la maîtresse.
Elle n’arrivait pas à croire que sa chouchoute fasse ainsi une bêtise sciemment.
— Non, pas du tout, dit Aurore.
— Je suis sûre que tu es malade, dit la maîtresse qui continua sa leçon en faisant exprès de ne pas voir qu’Aurore faisait tomber sa trousse une deuxième fois, et mettait encore plus de temps que la première fois à en ramasser le contenu.
À la cantine, tout en grignotant les frites qui étaient un peu molles, Jules et Aurore discutèrent de cet incident.
— Tu sais à qui elle m’a fait penser, la maîtresse ? demanda Jules.
— À qui ? demanda Aurore.
— À ma mère quand elle est venue me chercher chez toi, tu sais ? La première fois que vous m’avez invité pour le week-end.
Aurore sentit des picotements de plaisir lui chatouiller la poitrine. Son plan était en train de fonctionner.
— Pourquoi ? demanda-t-elle.
— Elle ne voulait pas croire que j’avais été super sage, répondit Jules.
— Et alors ? dit Aurore, de plus en plus contente. Je peux te prendre des frites ? J’ai fini les miennes et je n’ai vraiment pas envie de manger le poisson pané.
— Bien sûr, dit Jules, vas-y, sers-toi. Ce matin, tu disais que tu n’étais pas libre, à cause de tous ces gens qui te chouchoutaient…
— Oui, fit Aurore la bouche pleine.
— Eh bien, pour moi, c’est pareil ! s’enflamma Jules. Je ne suis pas libre ! À cause de tous ceux qui pensent que je vais faire des bêtises : ma mère, la maîtresse, la directrice… C’est bête, mais je suis obligé d’en faire, pour ne pas les décevoir.
— Mais alors, pourquoi tu n’en fais pas chez moi ? demanda Aurore.
— Je pense que c’est comme toi chez ta tante Ernestine. Quand je suis chez toi, on n’attend rien de moi.
— Jules…
— Oui ?
— Jules, tu es génial ! Je crois que tu viens de comprendre un truc très important !
— C’est grâce à toi !
Ils se regardèrent un bon moment en silence puis, tout d’un coup, exactement au même instant, ils éclatèrent de rire.