CHAPITRE 1
Pepsi Center, Denver, le 10 mars 2003
Nous sommes à moins de 24 heures de la date limite des transactions dans la LNH. Les Coyotes de Phoenix occupent le dixième rang dans la conférence de l’Ouest et accusent huit points de retard sur les détenteurs du huitième rang, les Oilers d’Edmonton.
Nous venons tout juste de terminer un match endiablé contre l’Avalanche du Colorado. À cause de l’altitude et de la raréfaction de l’oxygène, les matchs sont toujours un peu plus difficiles à Denver. Mais quand même, nous nous en sommes tirés avec un verdict nul de 2-2.
J’ai été assez peu utilisé en temps réglementaire, même si mon jeu était à point. Bobby Francis m’a toutefois fait jouer trois des cinq minutes de la période de prolongation et, en rentrant au vestiaire, je suis totalement vidé. Assis devant mon casier depuis 30 secondes, je n’ai pas encore commencé à retirer mon équipement lorsque l’entraîneur adjoint Rick Bowness vient à ma rencontre.
— Bobby veut te voir deux secondes.
Je me lève immédiatement. Je me dis que j’ai peut-être commis une erreur et que l’entraîneur souhaite probablement me faire visionner une courte séquence de jeu. Mais quand la porte du bureau des entraîneurs se referme derrière moi, c’est la surprise totale:
— Danny, tu viens d’être échangé.
— Pas à Buffalo, j’espère?
Buffalo n’était pas une destination particulièrement prisée des hockeyeurs de la LNH à cette époque. Au point où le directeur général des Coyotes, Mike Barnett, menaçait parfois d’échanger des joueurs à Buffalo ou à Edmonton quand les choses n’allaient pas à son goût. Il était ainsi convaincu de brandir la menace du pire des châtiments.
Bobby Francis a baissé les yeux.
— Oui, c’est à Buffalo, a-t-il laissé tomber.
C’était la première fois de ma vie que j’étais échangé. Je suis là, debout, avec mon chandail des Coyotes complètement détrempé sur le dos et je ne sais trop comment réagir.
Depuis quelques jours, quelques rumeurs de transactions circulaient au sujet de notre équipe, mais mon nom n’y figurait pas. Mon nom n’était même jamais mentionné. Les rumeurs les plus persistantes concernaient l’attaquant Brad May, qui semblait destiné à aboutir à Ottawa.
Depuis la naissance de cette rumeur, je taquinais constamment Brad:
— Ne t’en fais pas si tu t’en vas à Ottawa. Je connais beaucoup de monde dans la région et les gens vont bien prendre soin de toi là-bas. Tu vas bien aimer Ottawa!
En apprenant que c’est finalement moi qui pars dans une transaction que personne n’avait vue venir, Brad May la trouve bien bonne. Plus tôt dans sa carrière, May a passé six saisons et demie dans l’uniforme des Sabres.
— Ne t’en fais pour Buffalo. Je connais beaucoup de gens là-bas et ils vont bien s’occuper de toi. Tu vas aimer Buffalo, me dit-il avec son plus beau sourire.
J’apprends ensuite que j’ai été échangé contre Chris Gratton. Au passage, les Coyotes et les Sabres ont aussi troqué des choix de repêchage.
L’ex-agent de Wayne Gretzky, Mike Barnett, est en train de compléter sa deuxième saison à titre de directeur général des Coyotes. À l’été 2001, Richard Burke a vendu l’équipe à un groupe d’actionnaires dont Gretzky fait partie. Barnett, qui est aux commandes depuis ce temps, est reconnu à travers la LNH comme le DG qui effectue le plus grand nombre de transactions.
Barnett estime que la présence d’un gros joueur de centre améliorera les chances de son équipe de participer aux séries. Dans la conférence de l’Ouest, on retrouve à ce moment-là plusieurs centres format géant comme Joe Thornton (à San Jose), Mike Modano (à Dallas) et Jason Allison (à Los Angeles). C’est la raison pour laquelle on m’envoie à Buffalo.
Blair Mackasey, qui m’a dirigé durant deux saisons dans les rangs juniors à Drummondville, faisait alors partie du personnel de dépisteurs des Coyotes. À ses yeux, mes jours étaient comptés depuis un bout de temps à Phoenix.
«Daniel n’a jamais joui d’un préjugé favorable auprès de Mike Barnett parce que son nom était associé à celui du précédent directeur général, Bobby Smith.
«Parfois, les joueurs de petit gabarit ont besoin d’un peu plus de temps pour vraiment s’implanter dans la LNH. Sauf que quand l’équipe a commencé à connaître des difficultés, les dirigeants des Coyotes ont tout de suite manqué de patience envers Daniel. C’était une grosse gaffe parce que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il devienne un joueur dominant», estime Mackasey.
Les heures suivant cette annonce ont été assez bizarres. Voici comment ça se passe: je remonte à bord de l’avion des Coyotes avec mes désormais anciens coéquipiers afin de récupérer des vêtements et mes effets personnels à Phoenix. L’appareil se pose au début de la nuit. Et quand je rentre chez moi vers 2 heures 30, c’est le branle-bas de combat.
Sylvie et moi avons trois jeunes enfants. Nous discutons un peu pour tenter de voir ce que cette transaction signifie à court terme pour notre famille. Nous établissons rapidement qu’elle et les enfants devront rester à Phoenix pour le dernier mois de la saison et que nous planifierons un déménagement plus tard. Qu’est-ce qui m’attend à Buffalo? Je n’en ai aucune idée. Et je n’ai pas le temps de dormir. Je dois faire mes bagages au plus vite et me rendre à l’aéroport à 6 heures 30 pour prendre mon avion en direction de Buffalo.
Vers 4 heures du matin, alors que je suis au beau milieu des préparatifs, mes amis Dustin Weeter et Lance Lunde sonnent à la porte. Ils viennent d’apprendre la transaction. L’un d’eux a une caisse de bière sous le bras et ils veulent me témoigner leur solidarité… Visiblement, ils ont besoin de ventiler!
Dustin et Lance ont le même âge que moi. Ils travaillent au terrain de golf dont je suis membre et qui est adjacent au quartier où nous vivons. La plupart des membres du club étant des retraités, nous nous sommes vite liés d’amitié.
Dustin et Lance prennent quelques bières en analysant la transaction et je discute avec eux en courant d’un bord et de l’autre, continuant à paqueter mes affaires.
Ils repartent vers 6 heures. À peu près au même moment, mes trois fils Caelan, Carson et Cameron se réveillent et la maison s’anime à nouveau. Nos garçons sont alors âgés de quatre ans, trois ans et un an. Sylvie et moi leur expliquons, comme cela s’est produit si souvent dans le passé, que papa s’en va jouer dans une autre ville et qu’il reviendra bientôt.
Ce sont les pires moments de la carrière d’un joueur de hockey. Ceux qui font le plus de peine.
Les garçons sortent de la maison avec nous pendant que Sylvie et moi chargeons la voiture de bagages. Puis vient le temps de les quitter. Je mets la voiture en marche et je recule doucement dans l’allée jusqu’à la rue. La barrière automatique délimitant notre terrain se referme devant moi. Mes trois fils s’approchent alors de la barrière et s’y agrippent. L’image me darde en plein cœur. Mes trois petits gars ont l’air de prisonniers sur lesquels se referme la porte d’un pénitencier. Et voilà que je me mets à pleurer comme un enfant. Je me sens lâche de les laisser derrière moi alors que je m’en vais poursuivre mon rêve à Buffalo. Pourquoi ai-je cette réaction? La fatigue? Le stress? La déception de devoir repartir à zéro?
Chose certaine, cette scène fait remonter à la surface plusieurs autres épisodes, tout aussi douloureux, survenus alors que je faisais la navette entre la LNH et les ligues mineures. En particulier celui que voici:
Quelques années auparavant (en 1999), à mon troisième camp d’entraînement chez les professionnels, Sylvie était enceinte de notre deuxième enfant, Carson, et son accouchement était prévu vers la fin du calendrier présaison.
L’un de nos derniers matchs préparatoires était joué à Anaheim le 23 septembre et je devais en principe y participer. Mais comme l’accouchement devait être provoqué le lendemain, les dirigeants de l’équipe m’avaient accordé deux jours de congé pour assister à la naissance de mon fils et être en mesure de seconder ma femme. On m’avait laissé sous-entendre que ma place chez les Coyotes était assurée et que tout allait se poursuivre normalement après la naissance de Carson.
— Ne t’inquiète de rien. Reste à la maison, occupe-toi de ta famille et on se revoit à l’entraînement le 25 septembre, m’avait-on dit.
Mais quand je m’étais présenté à l’aréna le 25 septembre, j’avais immédiatement été convoqué au bureau du directeur général de l’époque, Bobby Smith, qui m’avait annoncé qu’il me cédait au club-école de la Ligue américaine.
— Danny, on pense que tu n’es pas encore prêt à jouer régulièrement dans la LNH. Aussi, on aimerait que tu laisses ta famille à Phoenix. On ne veut pas que tu l’emmènes avec toi à Springfield. On veut que tu te concentres uniquement sur le hockey.
Smith portait clairement un jugement sur mes choix de vie. Il estimait que le fait d’avoir à m’occuper d’une famille allait affecter mon jeu et occuper une trop grande partie de mon temps. Il soutenait que j’avais besoin d’être libre et qu’il était impossible, pour un jeune de 21 ou 22 ans, d’avoir des responsabilités familiales tout en essayant de faire sa place dans la LNH. Il avait d’ailleurs dit exactement la même chose à mon agent Pat Brisson.
C’était assez ordinaire, merci. Ma femme venait d’accoucher par césarienne et je devais la quitter, alors qu’elle se trouvait encore à l’hôpital, et la laisser se débrouiller avec un bébé naissant et un garçon de 14 mois.
Smith m’avait placé dans une situation atroce. J’étais un jeune joueur rêvant de faire carrière dans la LNH. Je ne pouvais pas claquer la porte et renoncer à ça. D’un autre côté, j’étais un jeune père à qui il ordonnait littéralement d’abandonner sa famille. Je me sentais totalement impuissant. C’était un sentiment horrible.
L’organisation croyait que j’allais pouvoir me concentrer davantage sur le hockey en me séparant des miens, mais c’est exactement le contraire qui s’est produit. Ma mère et celle de Sylvie se relayaient tant bien que mal pour tenter de pallier mon absence. Mais ça ne changeait rien au fait que je n’étais pas à ma place loin des miens.
J’ai donc connu une mauvaise saison en 1999-2000. J’ai disputé quelques bons matchs ici et là mais, de façon générale, je n’étais certainement pas aussi bon et aussi enthousiaste que j’aurais dû l’être à ce stade de ma carrière.
Après les Fêtes, j’ai décidé que cette situation ridicule ne menait nulle part et qu’elle avait assez duré. Les Coyotes ne me rappelaient pas à Phoenix, de toute manière. J’ai loué une petite maison à l’extérieur de la ville de Springfield et ma famille est venue me rejoindre au Massachusetts.
Sylvie et les enfants sont arrivés à Springfield à la mi-janvier. Et, incroyablement, les Coyotes m’ont rappelé à Phoenix deux jours plus tard!
Ce séjour dans la LNH avait été assez court et j’étais finalement retourné auprès de ma famille à Springfield. Je n’ai jamais su si ce rappel était un message que voulait me passer Smith. Peu importe.
Cet épisode, entre autres, m’avait donc rendu particulièrement sensible lorsqu’il était question de ma présence auprès de mes fils et de ma famille. Il expliquait en partie ma réaction en ce matin du 11 mars 2003.
Quand Bobby Francis m’avait appris que j’étais échangé aux Sabres, j’avais instantanément éprouvé un sentiment de rejet. J’estimais que les Coyotes s’étaient carrément débarrassés de moi. Et je n’étais pas tellement emballé par l’idée d’aller à Buffalo.
Or tout juste avant de prendre le vol Phoenix-Buffalo, j’ai reçu un appel du directeur général des Sabres, Darcy Regier, et de leur entraîneur-chef Lindy Ruff.
— Parle-moi de ton jeu. De quelle manière penses-tu pouvoir contribuer au succès de notre équipe? m’a demandé Ruff.
— Je ne sais pas trop. Je pense que je suis peut-être plus un ailier qu’un centre, parce que ça n’allait pas bien à Phoenix. L’entraîneur ne voulait pas me confier les responsabilités défensives d’un centre. Il me voyait plus comme un ailier.
«Je me rappelle très bien cette première conversation, se souvient Lindy Ruff. J’ai expliqué à Daniel que notre système était davantage basé sur le positionnement que sur la taille de nos joueurs et que je le croyais capable d’exceller au centre dans toutes les zones.
«C’est sûr que c’était susceptible de compliquer les choses si vous confrontiez Daniel Brière à Jaromir Jagr à un contre un au fond de votre territoire. Mais avec notre défense de zone, je lui ai expliqué qu’il allait recevoir de l’aide. Compte tenu des films que j’avais décortiqués, j’étais aussi convaincu qu’avec la qualité de ses mains, Daniel Brière allait jouer un rôle important pour nous en sortie de territoire.»
Cette mise au point avec mon nouvel entraîneur m’a tout de suite rassuré. Finie l’ambiguïté! J’étais un centre et c’est comme ça que ça allait se passer!
Après m’être entretenu avec Regier et Ruff, mon état d’esprit n’était plus du tout le même. Je me sentais désormais comme un joueur convoité. Tout d’un coup, je me rendais compte que des hommes de hockey chevronnés étaient vraiment enthousiastes à l’idée de me faire une place dans leur formation.
À bord de l’avion me transportant vers ma nouvelle équipe, je recevais des textos et des messages d’amis qui me souhaitaient bonne chance. Mais ces vœux n’avaient pas tous la même signification. Certains saluaient la nouvelle chance s’offrant à moi, d’autres craignaient que ma carrière prenne une tournure encore plus difficile.
Pour les joueurs des équipes visiteuses, le centre-ville de Buffalo n’offrait pas grand-chose d’excitant. Par ailleurs, l’organisation des Sabres était sous la tutelle de la LNH depuis plus d’un an parce que leur propriétaire John Rigas faisait face à des accusations de fraude. Une bonne dose d’incertitude flottait dans l’air quant à l’avenir de cette concession, dont les difficultés financières étaient notoires depuis plusieurs années.
Mais heureusement, à l’époque de la transaction, c’était le début d’un temps nouveau à Buffalo.
D’abord, un nouveau propriétaire, Tom Golisano, était sur le point d’être officiellement présenté à la presse. Ensuite, sur la patinoire, l’équipe était en train de procéder à une spectaculaire transition.
Les Sabres venaient à peine de sortir de ce qu’on pourrait appeler l’ère du gardien Dominik Hasek, durant laquelle Lindy Ruff avait connu beaucoup de succès en préconisant un style résolument défensif.
Mais Darcy Regier avait décidé de reconstruire son club différemment. À mon arrivée à Buffalo, l’organisation comptait déjà sur d’autres joueurs offensifs comme Jean-Pierre Dumont et Maxim Afinogenov qui, comme moi, n’étaient qu’au début de la vingtaine. Par ailleurs, de prometteurs choix au repêchage comme Derek Roy et Jason Pominville poursuivaient leur développement.
Je n’étais pas encore conscient de tous les changements qui étaient en train de s’opérer chez les Sabres. Toutefois, je ne cessais de me répéter que les dirigeants de cette organisation m’offraient une chance de me mettre en valeur et que je leur devais exactement la même chose. Il fallait donc que je sois positif et que je fasse tout pour être heureux dans ce nouvel environnement. Après avoir tourné en rond à Phoenix, Buffalo se présentait à moi comme une nouvelle expérience et un nouveau tremplin. C’était une occasion de tourner la page la plus difficile de ma vie de hockeyeur.
À mon arrivée à Buffalo, les Sabres alignaient deux autres Québécois de mon âge: Jean-Pierre Dumont et le gardien Martin Biron. J’avais affronté Jean-Pierre et Martin pendant plusieurs saisons dans la LHJMQ, alors qu’ils portaient respectivement les couleurs des Foreurs de Val-d’Or et des Harfangs de Beauport.
Sans être des amis intimes, Martin, Jean-Pierre et moi étions de bons copains. J’avais notamment côtoyé Martin Biron à l’occasion de matchs d’étoiles et en tant que coéquipier au sein d’Équipe Canada junior. Jean-Pierre et moi avions par ailleurs évolué au sein du même trio à Toronto, à l’occasion du Match des espoirs, une vitrine regroupant les jeunes joueurs les mieux cotés en vue du repêchage de 1996.
«Le lendemain de la transaction, dans le vestiaire, certains joueurs des Sabres se demandaient qui était Daniel Brière. Et je suis tout de suite intervenu, raconte Martin Biron.
«— Vous allez voir à quel point c’est un bon joueur! Brière est capable de scorer, mais il est encore meilleur dans le vestiaire. C’est un gars combatif! Un leader! Vous allez voir! Ce gars-là, c’est quelque chose!»
«Lindy Ruff était lui-même venu m’annoncer que nous venions d’acquérir Daniel», se souvient pour sa part Jean-Pierre Dumont.
«Ma première réaction avait été instantanée: je lui ai répondu que j’espérais avoir la chance de jouer avec lui! Daniel et moi avions amassé sept ou huit points ensemble lors de ce fameux Match des espoirs, en vue du repêchage. J’étais vraiment content qu’un centre de premier niveau se joigne à notre équipe.»
Aussitôt débarqué de l’avion, Martin et Jean-Pierre m’ont pris sous leur aile et ils m’ont énormément aidé à me familiariser à mon nouvel environnement, tant dans l’entourage de l’équipe qu’à l’extérieur de la patinoire.
Martin Biron se rappelle:
«La première chose que j’ai dite à ma femme quand Daniel est arrivé chez les Sabres a été: “Il faut qu’on prenne soin de lui. Daniel est un bon joueur qui va aider notre équipe, mais c’est aussi un bon gars. On va l’emmener souper tout de suite pour que tu fasses sa connaissance. Je veux vraiment qu’on puisse les aider, lui et sa famille.” À partir de là, les choses ont tout de suite cliqué entre Daniel et moi. Outre l’aspect hockey, j’ai découvert Daniel en tant que personne, en tant que père et en tant qu’ami.»
«Lorsqu’on arrive dans une nouvelle ville, raconte pour sa part Jean-Pierre Dumont, c’est toujours plus facile si quelqu’un nous guide un peu. Les joueurs québécois ont la plupart du temps le réflexe de s’entraider. Je connaissais la situation familiale de Daniel, alors je lui ai expliqué comment était la vie à Buffalo, quels quartiers et quelles écoles étaient les plus prisés par les joueurs de l’équipe. À l’aréna comme à l’extérieur, nous passions énormément de temps ensemble et une solide amitié s’est rapidement forgée entre nous.»
Dès ma deuxième semaine chez les Sabres, Sylvie est venue me rejoindre à Buffalo pour faire un peu de repérage. Nous en avons profité pour visiter quelques maisons et planifier comment nous allions installer la famille à compter de la saison suivante.
Nous en avons finalement acheté une située à un pâté de maisons de celle de Jean-Pierre.
J’ai disputé mon premier match dans l’uniforme des Sabres le 12 mars contre les Hurricanes de la Caroline.
Comme prévu, Lindy Ruff a inséré Jean-Pierre Dumont au sein de mon trio sur le flanc droit. Et sur la gauche, il a misé sur l’Allemand Jochen Hecht.
«Je m’attendais à ce que Brière et Dumont s’entendent bien sur la patinoire parce qu’ils se connaissaient et qu’ils étaient deux joueurs offensifs. Et je trouvais intéressant de les faire jouer en compagnie de Hecht, qui était capable d’exceller dans les trois zones», explique Lindy Ruff.
Dès cette première rencontre, la chimie s’est instantanément créée entre nous trois. Ç’a été une expérience formidable de ressentir cette complicité aussi rapidement.
Jean-Pierre Dumont était un joueur extrêmement intelligent qui non seulement savait marquer des buts, mais qui savait aussi où, et à quel moment, aller se positionner pour y parvenir. La chimie s’est donc créée naturellement entre nous. Aussi, la solide amitié que nous développions faisait en sorte que nous cherchions toujours à nous entraider sur la patinoire.
En ce qui a trait à Jochen Hecht, notre haut niveau de complicité était moins prévisible. Il possédait un instinct plus défensif, mais nous pensions quand même de la même façon sur la patinoire et nous savions exactement à quel endroit nous repérer l’un l’autre.
Il ne restait que 14 parties à disputer au calendrier régulier et les Sabres étaient exclus de la course aux séries éliminatoires quand Jochen, Jean-Pierre et moi avons joué pour la première fois ensemble.
J’étais un jeune attaquant offensif venant d’être impliqué dans une transaction. Il fallait absolument que je fasse mes preuves et que je prenne ma place au sein de ma nouvelle équipe. C’était ma plus grande priorité.
Notre trio a immédiatement commencé à préparer l’avenir en inscrivant 13 buts et en récoltant 28 points durant ce dernier segment de calendrier.
Pendant les trois années suivantes, jusqu’à ce que Jean-Pierre quitte les Sabres pour se joindre aux Predators de Nashville, cette combinaison Hecht-Brière-Dumont n’a jamais été démantelée.
Plus les matchs passaient, plus je comptais les jours nous séparant de la fin du calendrier. Puisqu’il n’y avait pas de séries éliminatoires au menu, j’avais hâte de retourner à Phoenix pour y retrouver ma famille et aider Sylvie à organiser notre déménagement.
Toutefois, à moins d’une semaine de la fin de la saison, un appel des dirigeants d’Équipe Canada a contrecarré mes plans.
On m’offrait d’aller rejoindre l’équipe nationale à Tampere et à Turku, en Finlande, afin de participer au Championnat mondial. Dans les circonstances, cette invitation était aussi alléchante que déchirante.
C’était la première fois qu’on m’offrait la chance de porter les couleurs de l’équipe nationale depuis mon arrivée chez les professionnels et c’était un privilège qui ne se refusait tout simplement pas. Aucun jeune joueur dans ma situation n’aurait pu tourner le dos à une invitation d’Équipe Canada, d’autant plus que cette expérience était susceptible de m’ouvrir d’autres portes dans l’avenir.
Quand les Coyotes m’avaient échangé, je prévoyais revoir mes fils au bout de cinq semaines. Je suis finalement rentré à la maison au bout de dix semaines, avec une médaille d’or dans mes bagages.
Ce championnat mondial de 2003 m’a permis de découvrir Dany Heatley, un autre partenaire de jeu avec lequel une parfaite chimie s’est installée. Hockey Canada avait confié à Andy Murray le mandat de diriger l’équipe nationale et celui-ci nous avait jumelés dès le début du tournoi.
Heatley était un tireur puissant capable de se démarquer et de rediriger vers le filet, sur réception, les passes les plus vives. Notre complicité instantanée a porté ses fruits. Il a été l’attaquant le plus productif de notre équipe, terminant au sixième rang des marqueurs du tournoi (7-3-10), alors que j’ai pris le douzième rang (4-5-9), à égalité avec Peter Forsberg.
Notre médaille d’or a été durement gagnée. Il nous a fallu vaincre les Suédois en prolongation, au compte de 3-2, pour clore le débat en finale.
Dès la fin du tournoi, je suis retourné chercher ma famille à Phoenix. À partir de là, sans trop nous presser, nous sommes rentrés au Québec en voiture pour y passer l’été auprès de notre monde.
C’était le début d’une nouvelle vie.