ÊTRE ENDORMI BIEN QUE PLEINEMENT ÉVEILLÉ

J’ai l’impression de devenir fou. Quand j’investigue, deux sujets subsistent. Il y a moi, celui qui reconnaît, et il y a moi, celui que je reconnais.

 

« Je Suis », qui est le témoin de toutes ces choses, est l’unique élément. L’identité a tendance à parler de son histoire. Mais pour la première fois, la lumière est dirigée sur le témoin. Cet individu qui a une histoire, qu’est-ce qu’il est ? En êtes-vous arrivé à ce point ?

 

Je vois que je ne suis pas le corps, mais je m’identifie encore à lui.

 

Ok, accordez un peu d’attention à celui qui s’identifie au corps. Quelque chose s’identifie au corps, et vous l’appelez vous-même. Cette identification au corps s’exprime dans l’identité « moi » qui dit « je fais ceci… ». Ça aussi, c’est perçu. Donc le fait de voir doit se passer à un niveau plus profond.

Il y a celui qui a une histoire sur sa vie : « Je m’appelle Georges. J’ai tel âge et telle nationalité. ». Le corps ne raconte pas l’histoire de Georges. Mais là, quelque chose retient l’idée « je suis le corps ». C’est la pensée. Une pensée monte : « Je suis le corps » et « je » est celui qui a cette pensée. C’est pour vous, la première identité. C’est l’identité corporelle, et elle paraît très personnelle.

Je vais vous dire quelque chose, tout ce qui dit « je » émane de la Source. « Je » ne peut pas venir d’ailleurs que de la Source elle-même. Même le « je » du démon provient de la même Source.

Ce qui naît en premier de la Source est le sentiment « Je Suis ». Ce Principe « Je Suis » est lui-même appelé le Principe divin à l’intérieur de la forme. Tous les êtres doués de conscience ont ce sentiment « Je Suis ». Il est pur en chacun de nous. Il est synonyme de Conscience. Puis, de ce Principe « Je Suis » s’élève le pouvoir d’identification à l’instrument, au véhicule à travers lequel on goûte et on expérimente l’existence. Cette identification au corps se manifeste aussi dans le « je ». Contrairement au premier « Je » qui est pur, ce second « je », qui est identifié au corps, est chargé d’intérêt pour lui-même ; il est plein de conditionnements. Lorsque ce « je » parle – « J’aime, je préfère…, je, je, je, je… » – il entraîne dans son sillage une grande force psychique et beaucoup de lourdeur. C’est à ce second « je » que vous semblez vous identifier. Quelque chose s’identifie à ce « je » qui s’accroche à l’impression « je suis le corps ». Quand ce sentiment « je suis le corps » est bien ancré, il transparaît alors en tant que personnalité.

Imaginez un pendule qui oscille. Supposez que ce pendule soit votre attention. D’un côté, il y a la sensation pure « Je Suis », et de l’autre, il y a la sensation « je suis moi » ou « je suis le corps ». Lorsque le pendule va vers « Je Suis », il n’y a que « Je Suis ». Vos expériences ont un goût d’espace et de tranquillité. Il y a la joie et le plaisir d’exister. Le plaisir est dans l’Existence. Il y a la détente. Il y a la paix. Il y a un flot naturel de compassion pour tout ce qui arrive dans votre orbite. Lorsque le pendule va vers « je suis moi » – vers le temps et vers celui auquel je m’identifie – il y a plus de bruit, de fatigue, plein de jugements, de menaces, d’attachements, de peurs et de rêves. Lorsqu’il oscille à nouveau vers « Je Suis », tout le bruit disparaît, et dans votre expérience, c’est comme si vous perceviez seulement à travers vos yeux. Il y a de la joie dans cette perception. Elle n’est pas personnelle.

Sri Nisargadatta Maharaj l’exprime merveilleusement quand il dit :

 

« Je Suis » est semblable à une porte

qui s’ouvre d’un côté sur la manifestation tout entière

et de l’autre sur l’Infini.

 

Ce « Je Suis » est synonyme de Conscience. Mais même la Conscience va et vient, Elle n’est pas stable. Quand la porte qui représente « Je Suis » dans la maxime de Maharaj est présente, la Conscience perçoit la manifestation. Vous en avez connaissance dans l’état de veille. Dans l’état de veille, la Conscience est présente et vous avez le privilège de faire l’expérience de Sa capacité d’expérimenter la diversité. Dans le sommeil profond, la Conscience n’est plus là. La Conscience est aussi appelée « Je Suis », donc « Je Suis » n’est plus là. Le corps n’est plus là. Mais vous êtes dans une joie absolue ! Quand vous êtes dans l’état de non-expérience vous êtes dans la joie intégrale ! C’est l’état mentionné par Maharaj lorsque la porte s’ouvre sur l’Infini. Si vous y réfléchissez un tant soit peu, vous vous trompez quand vous croyez que cet état de non-expérience ne se trouve que dans le sommeil profond et qu’il disparaît lorsque la Conscience et l’état de veille réapparaissent, en même temps que les expériences. Sri Nisargadatta ne dit pas que la porte doit disparaître. La chose importante dans cette remarque c’est qu’on connaît cet Infini par le biais même de « Je Suis ». Comme vous accordez toute votre attention à la danse des expériences sur l’écran de la Conscience, sans en accorder aucune à « Je Suis » qui observe ce jeu, vous ne le voyez pas et vous finissez par être très malheureux.

On aime l’état de veille, ça ne fait aucun doute, mais on aime aussi le sommeil profond. Dans le sommeil profond, vous êtes complètement amoureux, mais pas dans le sens de la dualité, vous êtes dans l’Unité de l’Amour. Tous les êtres aiment se trouver dans cet état où il n’y a même plus de « je ». Vous aussi vous aimez ça !

Comme je viens de le dire, lorsque l’état de veille recouvre cet état pur, vous croyez que cet état pur a disparu. Mais, je vous l’affirme, il est toujours là. Les mots que vous m’entendez prononcer émanent de cet état pur. On dit parfois que dans cet état on est endormi bien que pleinement éveillé.

 

Le changement fait aussi partie du Soi, n’est-ce pas ?

 

Tout fait partie du Soi. Le changement fait aussi partie du Soi. Vous ne pouvez pas distinguer le Soi. Vous pouvez seulement distinguer les apparitions qui émergent dans le Soi. Mais vous vous êtes attaché aux apparitions fugaces, alors vous vous sentez instable.