LORSQUE LE SOI EST VU

Sri Ramana Maharshi dit que lorsqu’on demeure dans le Soi, on voit le Soi mais on ne voit pas le monde. Lorsqu’on voit le monde on ne voit pas le Soi. Sans aucun doute, je vois le monde, comment pouvez-vous alors soutenir que le Soi est toujours là ?

 

C’est une merveilleuse et excellente question. Tant qu’elle ne sera pas résolue, la peur restera tapie dans l’ombre prête à vous agresser avec des doutes comme : « C’est bien beau d’être le Soi mais qui veut l’être si le monde n’existe plus ? » ou bien : « Si je réalise pleinement le Soi, ma famille n’existera plus. Est-ce que je veux prendre ce risque ? »

Pour s’attaquer à cette question, commençons de la façon suivante. Pour percevoir le monde, il faut que quelqu’un soit intéressé par lui et le perçoive. Vous croyez que nous voyons tous le même monde. Mais ce n’est pas vrai. En fait, chacun de nous perçoit un monde unique en son genre. Dans chaque mécanisme corps/esprit se déroule un rêve singulier. Qu’est-ce que j’entends par rêve ? Que vous ne voyez pas le monde tel qu’il est réellement. Vous voyez le monde tel que votre conditionnement vous permet de le percevoir. Je vais vous donner un simple exemple de la vie courante.

 

Supposons que vous veniez d’acheter une Coccinelle Volkswagen et que vous aimiez cette voiture. S’il y en a une autre en ville, vous la remarquerez tout de suite. Pour vous, elle sera comme fluorescente. Elle rentre dans votre champ de conscience à cause de l’intérêt que vous lui portez. Avant que cet intérêt ne se soit développé en vous, vous ne remarquiez pas du tout ce type de voiture. Même si elle était passée un million de fois devant vous, vous ne l’auriez même pas remarquée. Je suis sûr que vous le savez. C’est une illustration de votre tendance à voir ce que vous désirez voir. Vous voyez ce vers quoi votre conditionnement et votre attention vous orientent.

Lorsque vous examinez celui qui est intéressé par une vie dans le monde, et que vous découvrez que cet individu est aussi un phénomène perçu, au même titre que le « monde », alors cette découverte révèle à sa façon le Soi. Au moment de cette reconnaissance, où sont vos attachements ? Où est passé votre désir ? Où sont vos peurs ? Où est l’intérêt que vous vous portez ? Tout est balayé.

Les sens fonctionnent encore, les images du monde sont toujours là, mais les attachements et les peurs sont partis parce que celui qui en aurait fait l’expérience a disparu. Vous êtes maintenant dans le Soi. C’est ce que Bhagavan veut dire par ces paroles : « Quand on voit le Soi, on ne voit pas le monde ».

Sri Ramana est aussi connu pour ces paroles merveilleuses :

 

Seul le Soi est réel

Le monde n’est pas réel

Le Soi est le monde

 

C’est un résumé magnifique dans lequel Sri Ramana confirme que la manifestation dans la matière, qui est par elle-même innocente, ne disparaît pas ; seul tombe celui qui a créé une relation personnelle avec ce qu’il voit. Quand cela se produit, le monde est vu tel qu’il est.

Il est dit :

 

Je ne vois pas le monde tel qu’il est

je vois le monde tel que je suis

 

Ça signifie que le monde tel que vous le voyez reflète ce que vous pensez être. Car, tant que vous prenez pour acquis que votre conditionnement a un rapport avec qui vous êtes, vous vous projetez dans un rêve de séparation où votre expérience est celle d’un joueur autonome, dans le monde que vous aimez et que vous ne voulez pas abandonner. Lorsqu’on reconnaît que le conditionnement et celui qui le subit en apparence sont des idées qui émergent dans l’Être inconditionné – le Soi – ce rêve prend fin. La paix, la beauté et le silence se révèlent d’eux-mêmes. C’est votre expérience immédiate. C’est votre expérience directe. Ça n’est pas une question de temps !

 

[Silence]