L’Angélus, vers 1932.
Huile sur bois, 16 x 21,7 cm.
Collection privée, Galerie Natalie Seroussi, Paris.
Dalí était scolarisé à Figueres, d’abord dans une école communale où il n’apprit rien, puis dans une école privée dirigée, par des frères maristes où il apprit peu de choses, mais qui lui laissa certaines images (comme L’Angélus de Millet, dont il avait accroché une reproduction au mur, ou les cyprès qu’il pouvait apercevoir de la fenêtre de sa classe) qui réapparaîtront souvent dans ses peintures. Durant ce temps, l’apport éducatif lui vint de sa vie familiale, parce que son père, relativement cultivé, s’intéressait à la musique et à la littérature. Il possédait une bibliothèque bien fournie (que Dalí explora avant l’âge de dix ans) et faisait état d’opinions résolument libérales. Il était athée et républicain. Politique non conformiste, il marqua Dalí qui, jeune homme, se considéra comme étant anarchiste et montra toute sa vie son refus des valeurs bourgeoises.
D’autre part, le jeune Dalí reçut une stimulation artistique de son père qui lui acheta plusieurs ouvrages d’une collection très populaire de monographies. Dalí regardait les reproductions, qui étaient à l’origine de son attirance pour l’académisme du xixe siècle, avec son réalisme accusé. Parmi les peintres qui l’impressionnaient figuraient Manuel Benedito y Vives, Eugène Carrière, Modesto Urgell et Mariano Fortuny dont un tableau, La Bataille de Tétouan, donnerait à Dalí en 1962 l’idée de peindre son pendant. Dalí reçut aussi les encouragements d’un ami de son père, un juriste de Figueres, Pepito Pitxot, dont le frère, Ramon, était un peintre impressionniste vivant à Paris et connu de Picasso. C’est peut-être dans un vieux moulin près de Figueres, la maison de vacances des Pitxot que le jeune Dalí commença, car, âgé de neuf ans, il peignit une nature morte aux cerises au dos d’une vieille porte grignotée par les vers, employant du vermillon et du carmin pour les fruits et du blanc pour la lumière. Plus tard, Dalí a déclaré que c’est dans cette œuvre qu’il entremêla pour la première fois les confins de la réalité et de l’apparence en commençant par coller de vraies queues de cerises sur les cerises peintes, puis en retirant des vers incrustés dans le bois de la porte – et qui « ornaient » ces cerises peintes – pour les insérer dans de vrais fruits...