Visage de la guerre, 1940

Huile sur toile, 64,1 x 79 cm.

Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam.

 

 

Pour Dalí, les yeux dans ce crâne ont été « farcis de mort infinie ». Pourtant, bien que l’image soit indéniablement efficace, il démontre aussi qu’une certaine évidence, sinon même une banalité, avait commencé à pénétrer l’art de Dalí avant 1940. La tête est entièrement compréhensible en termes symboliques et sa faiblesse se trouve précisément là, car autant que Dalí excellait dans l’art d’imprégner l’imagerie irrationnelle de sentiments intenses, cependant, quand il s’agissait de significations rationnelles – et le symbolisme est un processus décidément rationnel, impliquant la correspondance d’une image avec sa signification – alors son ingéniosité pouvait facilement l’abandonner, comme ici : nous frôlons l’affiche de propagande, du type qui devenait courant avant 1940.

Comme dans ses autoportraits « mous » antérieurs, Dalí rejette l’idée de ménager une fenêtre dans son âme ; il choisit de rapprocher la réalité. Ainsi, de façon elliptique, des monceaux d’une matière molle qui rappellent des aliments ou des excréments, qui constituent cet autoportrait spirituel, tandis que les tranches de lard fumé placées sur le devant, font ressortir les associations culinaires.

Les fourmis qui s’agglutinent aux coins de la bouche et des yeux du peintre, ses béquilles vétustes, ajoutent une note délicate de décadence aux événements reproduits et témoignent des obsédantes préoccupations corporelles de Dalí et correspondaient sans doute à la conscience qu’avait Dalí en 1941 de la mortalité.