CHAPITRE 13
SEBASTIAN
Le soleil matinal pénètre par les nouvelles baies vitrées fraîchement fixées, réchauffant l’atmosphère glaciale qui s’était installée depuis les révélations choquantes de Wes. Assis sur le tabouret du bar avec un café tiède à la main, j’observe mon frangin faire les cent pas. M’a-t-il seulement regardé une fois depuis qu’il m’a balancé ses conneries en pleine tronche ? Ouais, bon, je dois avouer que l’envie de lui sauter à la gorge serait probablement plus forte s’il posait ses yeux de sale menteur sur moi. Pourquoi les mensonges naissent-ils toujours d’une bonne intention ? Comment est-ce que cacher la vérité peut-il vraiment épargner celui qu’on ne met pas dans la confidence ? Ce sont des paroles d’égoïste. Suis-je réellement surpris ? Non, pas vraiment puisque Wesley Hunter est le pire d’entre tous, le king des égoïstes de première, lui qui ne fait que se préoccuper de son cul et veiller à ce que personne ne lui fasse de l’ombre. Putain, qu’est-ce que j’aurais aimé que ce soit lui étendu dans son propre sang sur le tapis du salon vingt ans plus tôt ! Ma vie ne serait pas ce cauchemar perpétuel dans lequel je baigne depuis. Et dire que je connaissais uniquement ce qu’il m’avait permis de savoir, que ce mauvais rêve était loin d’être terminé. Et le secret que moi je garde, on en parle ? Il peut toujours courir…
Dès les premières secondes de notre discussion, Anne n’a cessé de passer la tête par le battant de la porte pour veiller à ce que personne ne s’entretue. Je ne comprends pas sa présence ici, à cette heure, mais ce que je sais c’est que je n’ai pas l’intention de payer son temps en dehors de ses heures de boulot. Les rénovations vont me coûter un bras, sans mauvais jeu de mots, alors l’overtime, non merci.
— … Quand j’ai trouvé le bout de papier coincé dans la fente de ton divan, j’ai compris…
Des bribes de ses paroles me proviennent quand je sors de mes pensées. Je ne l’écoute plus depuis un moment. En fait, dès qu’il a annoncé que le tueur de notre père courait toujours et qu’il n’était jamais vraiment parti de nos vies, c’est à cet instant que j’ai craqué. Je me suis refermé comme une huître, gardant mes idées noires pour moi seul. T’es shérif, putain, qu’est-ce qui t’empêche d’enquêter comme il se doit et retrouver cette merde d’assassin ? Le con te laisse des indices partout depuis vingt ans et tout ce que tu as, c’est davantage de saloperies à gérer ? Si tu ne pensais pas qu’à l’argent et au pouvoir, tu aurais pu trouver l’identité de ce mec qui joue avec nos vies. Mais tout ça reste bien au chaud dans ma tête. À quel moment la bombe à retardement que je dissimule depuis des années va-t-elle exploser ? Quand vais-je lui cracher tout ce que j’ai sur le cœur, les secrets compris ?
— … les armes pour l’attentat étaient d’origine russe, mais les hommes de Romanov ne sont pas derrière ça…
L’élancement dans mon épaule gauche me ramène les deux pieds sur Terre. L’attentat. Quelques centimètres plus bas et la balle qui m’a touché me tuait. À la quantité de détonations qui fusaient dans tous les sens, pourquoi est-ce qu’une seule m’a atteint ? Je tiens un restaurant qui accueille les plus dangereux mafieux du pays ; pourquoi me vouloir du mal que maintenant ? Qu’est-ce qui se passe sous mon nez depuis toutes ces années ?
— … j’ai une piste, Alekseï va nous aider, lâche Wes en relevant finalement la tête pour poser un bref regard sur moi.
De sa respiration rapide aux gouttes de sueur qui perlent sur son front, en passant par les cernes bleutés qui entourent ses yeux, je constate qu’il n’est pas au sommet de sa forme. Quelque chose me dit qu’il est plus atteint par tout ça que ce qu’il laisse paraître. Ses cheveux, habituellement coiffés avec soin, ont mené une solide bataille avec le peigne puisqu’il donne l’impression de sortir tout juste d’un saut en parachute tant ils partent dans tous les sens. Lui qui tient constamment à garder l’image parfaite du beau mec reflète aujourd’hui tout le contraire. Avec sa barbe négligée et son look déglingué, il me fait penser à… moi.
— Dis-moi quelque chose, murmure-t-il en posant ses yeux sur mes doigts qui triturent la tasse à café.
Sa voix se brise, comme s’il tentait de ravaler un sanglot. C’est curieux, mais j’ai l’impression que tout ce que je pourrais lui dire aurait le pouvoir de le détruire à jamais. Cette énergie pleine de désespoir qui émane de lui me pousse à croire qu’il était au bord du gouffre lui aussi avec cette tonne de secrets qu’il gardait enfouis dans sa tête.
— Sebastian, putain, dis quelque cho…
La sonnerie de son téléphone nous fait sursauter tous les deux. Pour la première fois depuis le début de notre conversation, mes yeux trouvent les siens. Je le vois lutter contre un truc invisible, comme si répondre à l’appel pouvait le condamner. Sans jamais couper le contact avec moi, sa main tremblotante glisse dans la poche de son pantalon d’uniforme pour saisir son cellulaire qui hurle de plus belle.
— Putain de merde ! Vous avez intérêt à avoir une bonne raison de me déranger, crache-t-il furieusement à la personne au bout du fil.
Inconsciemment, à le regarder faire, j’ai la confirmation que son rôle de shérif a détruit la relation que nous avions par le passé.
— Ruby ? Qu’y a-t-il ?
Wes pivote pour me tourner maintenant le dos. La petite tête de ma serveuse apparaît derrière lui, puis effectue une étrange pirouette pour venir se planter face à moi de l’autre côté du bar.
— Je profite de son appel pour te dire que Beryl sera absent pour un moment, me dit-elle tout bas.
— Je lui avais donné congé pour ce soir, mais il t’a mentionné un truc que je ne sais pas ?
— Il vient tout juste de m’envoyer ce texto.
Anne tourne l’écran allumé de son téléphone vers moi avant de me le tendre.
J’me sens pas très bien. Dis à Seb que je prends le reste de la semaine.
Quelle merde ! Mon rôle de patron réfléchit en premier : je me retrouve seul à pouvoir cuisiner, avec un bras en moins, pendant le service où nous recevons deux gangs différents et très dangereux. L’ami que je suis ne pense qu’en deuxième : il n’a jamais raté une soirée. Beryl est toujours là à surveiller mes arrières puisque j’essaie que Maxim soit présent le moins possible lors de ces soirées.. Il se passe quelque chose.
— Et je fais comment pour nourrir une vingtaine de mecs affamés à moi seul ? dis-je en me relevant brusquement du tabouret.
— Tu n’as pas un sous-chef ? Max, je crois.
— Pas pendant nos réunions à la Roulette russe, non !
— Je viendrai t’aider, répond mon frère qui revient vers nous en rangeant son portable. D’abord, je dois retrouver le fils de monsieur Ripley, encore une fois, mais je te promets que je serai là ce soir.
Wes attrape sa chemise avant de l’enfiler rapidement en passant tout près de la serveuse qui le regarde faire chacun de ses mouvements.
— J’suis là moi aussi, dit-elle en s’accoudant au bar. Bon, je suis nulle pour faire la cuisine, mais experte pour la bouffer. Si tu me dis quoi faire, je…
— Non ! la coupé-je. Vous ne m’aiderez pas. Il n’en est pas question, je vais me débrouiller.
— C’est toi-même qui m’as dit que tu avais de la difficulté à pisser avec une seule main, alors imagine cuisiner, lance mon frère depuis le milieu de la salle à manger. C’est non négociable, Seb. De plus, on reçoit les Defying Death et les Russes en même temps. La dernière fois, c’était un massacre, donc je ne sais pas comment ça va se dérouler.
— T’inquiète, Sebastian, on va tout gérer, ajoute la serveuse avec un grand sourire presque convaincant.
Mais quelle mauvaise idée ! Ça sent le désastre à plein nez tout ça.
Un plan foireux, un menu de merde ; voilà. Faut dire que je ne sors jamais le grand jeu lorsque je reçois des trafiquants au restaurant, mais je déteste servir un truc qui n’est pas digne de ce que je sais faire. Nous avons pris des raccourcis pour élaborer la carte de ce soir, et je n’en suis pas fier. Avec les années, j’ai découvert que les esprits turbulents de ces hommes s’adoucissent avec la panse pleine, trop occupés à s’extasier sur ce qu’ils mangent. Pour résumer, plus leurs papilles sont comblées, moins ils se tapent dessus.
— Plus petits, les oignons, j’ai dit ! grondé-je encore une fois à ma sous-chef remplaçante.
— Mais j’y vois plus rien, Seb. Ça fait une heure que je coupe tes putains d’oignons, j’en peux plus.
Anne relève la tête, puis plante ses yeux écarlates sur moi. Son nez et ses joues gonflés tant les larmes ont coulé sur sa peau me font presque exploser de rire.
— Ce n’est pas toi qui voulais m’aider ? lâché-je en dissimulant mon rictus du mieux que je peux.
— J’ai dit ça avant de savoir que tu souhaitais me torturer. Pourquoi n’as-tu pas l’ombre d’une petite larme, toi !?
— L’expérience.
Pour réponse, je l’entends bredouiller des paroles que je ne saisis qu’à moitié, puis délaisse la table de préparation pour lui humecter un linge. Je lui tends le torchon imbibé d’eau fraîche qu’elle s’empresse d’attraper pour s’éponger les yeux.
— Merci, me dit-elle. C’était quoi l’idée d’une soupe à l’oignon gratinée ? Bordel, je vais y laisser ma peau.
— Tu verras lorsque tu y auras goûté.
Des bruits de pas légers provenant des escaliers nous font tourner la tête en symbiose. Une Mika tout intimidée apparaît sur le seuil de la cuisine avec cet air innocent complètement irrésistible. C’est à contrecœur que j’ai dû la laisser seule dans mon lit ce matin pour retrouver mon frère. Elle dormait paisiblement, je ne voulais pas la priver de ce sommeil qui semblait étonnamment serein.
La voyant faire aller et venir ses iris brillants entre Anne et moi, ne sachant trop quoi faire ou dire, je remarque qu’elle tire sur l’ourlet de la même robe noire qu’elle portait la veille.
— Je… je ne voulais pas vous déranger. Il faut que je retourne chez Wesley, j’y ai laissé mes vêtements de rechange et…
— Pas question ! la coupé-je presque en criant.
Les deux femmes me regardent comme si j’avais hurlé plus que parlé. Je me sens instantanément rougir de la tête aux pieds.
— T… tu ne peux pas sortir dans cette tenue, reprends-je aussitôt.
— C’est tout ce que j’ai ici. Je crois que Beryl a apporté le reste de mes fringues avec les tiennes chez le nettoyeur.
— Attends, j’ai quelques trucs de rechange dans mon vestiaire, répond Anne en se dirigeant rapidement vers la minuscule salle des employés.
Nous laissant seuls dans la cuisine, la serveuse part à la recherche de ce que j’espère couvrira adéquatement le sublime corps de la jeune femme. Décide-toi, mec, tu veux qu’elle reste presque à poil ou qu’elle s’habille ? À la quantité d’hommes qui fouleront l’endroit d’ici quelques heures, je prévois qu’elle disparaisse sous une tonne de vêtements trop larges pour elle. Pas question qu’ils bavent devant ses formes sensuelles.
— T… tu as bien dormi ? bredouillé-je en ne détachant pas une seule seconde mon regard de sa personne.
Le léger sourire qui s’étire sur son magnifique visage me provoque une vague brûlante de choses impossibles à décrire. Je déglutis bruyamment lorsque je la vois passer sa langue sur ses lèvres généreuses puis hocher timidement la tête.
— Voilà ! Ce n’est pas grand-chose, mais je crois que ça t’ira.
Anne se plante devant la jeune femme en lui tendant des vêtements soigneusement pliés.
— Ah, et pour info, Beryl a fait réparer la tuyauterie du loft avant de partir, ajoute-t-elle en revenant à la station de travail.
— Chouette, j’ai grave besoin d’une douche, dis-je en passant une main dans ma tignasse pleine de nœuds.
— Tu dois être vigilant avec ton pansement, il ne faut surtout pas qu’il soit en contact avec l’eau, paroles du doc !
— Donc, je fais ça comment, prendre une douche sans mouiller mon épaule ? T’as vu mes cheveux ?
L’attention d’Anne se promène de Mika à moi. Je vois venir son plan à des kilomètres à la ronde…
— Ta copine peut t’aider pour ça, non ?
Je n’ose même plus regarder Mika. Elle doit vouloir rentrer sous terre et s’y cacher jusqu’à ce qu’elle retrouve un semblant de mémoire, ou elle m’en veut de mentir à tout le monde sur le fait qu’elle est ma copine.
— T’as qu’à y aller, Seb, je me charge des cent kilos d’oignons qu’il faut encore couper pendant que tu passes à la douche. Je crois que ça te fera le plus grand bien avant cette soirée de merde qui approche, ajoute la jeune serveuse qui recommence les mouvements de lame que je lui ai appris un peu plus tôt.
Dois-je lui rappeler que je n’ai plus l’ombre d’un vêtement propre à me mettre sur le dos ? Que je suis complètement nu sous ma chemise de cuistot ainsi que sous mon jeans de travail ? Beryl s’est sauvé avec tout le linge qu’il a pu trouver dans mon loft. Je suis paumé, là.
— Pas besoin…
— Je vais t’aider, Sebastian, lance Mika. Merci pour les vêtements, Anne.
Sans me regarder, elle se retourne puis monte les escaliers sans un bruit. Je reste figé là, à scruter en silence l’endroit où elle était il y a quelques secondes. Une quantité époustouflante d’images me vient en tête lorsque je fais rapidement le calcul : elle, moi, douche, nue… Un tressautement dans mon pantalon soudainement trop serré m’empêche de répliquer un truc sensé. La tension palpable de la veille entre elle et moi brouille mes pensées au point où ça les monopolise complètement.
— Hey, ça va ? s’interroge ma serveuse en venant déposer sa main sur mon attelle.
— Oui… euh, non.
— Décide-toi, oui ou non ?
— Non ! S’te plaît, appelle mon frangin pour lui demander de m’apporter des vêtements.
— Ça va, Seb. Ta copine a tout ce qu’il lui faut maintenant.
— Pour moi, putain !
Les sourcils froncés, Anne me dévisage l’air de ne rien saisir à ma requête.
— Tu veux que Wesley te prête des vêtements ? Pourquoi ? Vous ne faites pas du tout la même taille…
C’est moi ou elle vient de zieuter ce qui se trouve sous ma ceinture ?
— Beryl a fait le ménage et…
— Ahhh, m’interrompt-elle, je comprends. Ça va, je m’en charge, tu n’as pas à t’inquiéter. Va t’amuser maintenant.
Boutonner ma chemise de cuisinier ce matin a dû me prendre quarante-cinq minutes minimum, hisser mon jeans et l’attacher, au moins le double du temps. Paralysé sur le seuil de la porte de ma salle de bain, j’observe Mika préparer la bonne température de l’eau avant de repousser le rideau pour éviter qu’il y ait des gouttes sur le sol. Elle se retourne d’un coup, puis s’avance lentement vers moi.
— Je vais retirer ton attelle, tu veux bien ?
Une seconde plus tard, le son de la courroie qu’on détache réveille une douleur lancinante dans tout mon bras gauche. Je retiens aussitôt la grimace que ça génère, alors qu’elle jette le bout de tissu au sol.
— Ta chemise maintenant.
Sa voix chaude devient rapidement rassurante alors que mon cœur se fracasse contre ma poitrine sous ce stress démesuré. Elle est là parce que tu es infirme, mec. Pas pour ce que tu souhaites… Aucun mot ne sort de ma bouche pour l’inciter à continuer. Je ne fais que contempler ses mains qui défont un à un les nombreux boutons de mon uniforme. La vapeur commence à monter autour de nous, créant une température presque suffocante dans la pièce. L’air humide sur mon torse de plus en plus nu fait courir un énorme frisson dans tout mon corps, alors que la pulpe de ses doigts rencontre la peau de mes abdos. Sans lever la tête pour me demander la permission, Mika descend dangereusement les mains vers ma ceinture, là où je ne peux plus cacher l’effet qu’elle me fait.
— J… je vais défaire la fermeture et…
— NON !
Mon petit cri la fait sursauter, et aussitôt ses grands yeux trouvent les miens.
— Seulement le bouton, reprends-je, je ne porte pas d… de sous-vêtements.
— Ah !
Je la vois qui hésite, mais c’est de courte durée puisque je sens ses doigts tout près de mon nombril. Puis l’instant d’après, une pression prononcée sur mon érection me coupe le souffle tant je suis mal à l’aise de la situation. Ne manquerait plus qu’elle me coince la peau dans la fermeture éclair pour ajouter une couche supplémentaire de gêne…
— Voilà, je vais me positionner du côté du jet d’eau, tu n’auras qu’à me tourner le dos. Je me charge du reste.
Sa voix manque un brin de sang-froid. Qui pourrait l’en blâmer ? Elle est quand même là pour laver un infirme pratiquement nu et bandé bien dur.
Mika recule de deux pas sans briser notre contact visuel avant d’attraper l’ourlet de sa minuscule robe. En un mouvement rapide, elle passe le bout de tissu par-dessus sa tête puis le jette dans le coin de la pièce. Bordel… Elle ne porte pas de petite culotte ! Évidemment, Einstein, elle n’a pas de vêtements de rechange, ici !
Une lutte acharnée fait rage dans mon esprit : la contempler sous tous les angles possibles ou la respecter et… merde ! Mes yeux dévient vers la naissance de sa poitrine qui me nargue sans ménagement. La pointe durcie de ses seins fait frémir ma queue à moitié piégée dans mon pantalon. Le galbe rebondi de ses hanches danse à chaque pas qu’elle fait pour s’éloigner de moi afin d’atteindre la baignoire, révélant du même coup cette toison foncée délicieusement dessinée en forme de V. Mon souffle se coince dans ma gorge lorsqu’elle se retourne pour ouvrir le rideau. Le spectacle qu’elle m’offre me fait grogner d’envie. Ses cheveux, qui reposent sur ses épaules, dégagent la vue pour me permettre de contempler la chute de ses reins remarquablement bien découpée. Une seconde plus tard, elle disparaît sous le jet d’eau chaude.
De mon bras valide, je retire tous mes vêtements à la vitesse de l’éclair, oubliant complètement l’horrible douleur que ça réveille dans mon corps. Mon cœur est sur le point d’exploser. Je dois la rejoindre, j’ai besoin de la toucher, la goûter. La faire hurler mon nom, puis me supplier de recommencer encore et encore. Il faut que je lui montre à quel point j’ai envie d’elle. Elle est amnésique. Une victime. Tu ne peux pas lui faire ça. Putain, ce que je me déteste. Évidemment que je ne peux pas la toucher. Mon dernier souhait est de lui faire du mal…
— Sebastian ?
Mon prénom dans sa bouche est une musique sensuelle dont je ne me lasserai jamais. Je dois me contenir, gérer mes pulsions, lui montrer que je ne suis pas un homme comme tous les autres.
J’agrippe le rideau avant d’enjamber la baignoire pour y pénétrer à mon tour en n’oubliant pas de lui tourner le dos pour ainsi éviter tout contact visuel qui pourrait détruire mes bonnes volontés. L’air humide et enveloppant m’accueille une fois que je suis complètement entré.
— Tu vas devoir te mettre à genoux pour que je puisse te laver les cheveux, dit-elle avec un ton terriblement suave à mes oreilles.
Sans attendre, je plie une jambe pour écouter ses demandes lorsqu’une main solide saisit mon biceps droit, m’empêchant de continuer tout mouvement. Mika me tire par-derrière pour que je me retourne face à elle. Si la vue de ses fesses était à couper le souffle, l’image que j’ai à cet instant l’est encore plus. L’eau qui ruisselle depuis la racine de ses cheveux glisse jusqu’à son visage, créant de splendides petits chemins brillants qui finissent leur course sur son corps sculpté à la perfection. Ses lèvres rosées ne demandent qu’à être embrassées. Elles forment une sublime moue songeuse alors que ses iris remplis d’incertitude ne cessent d’aller et venir entre mes yeux et mon sexe dressé. Impossible de le dissimuler maintenant qu’il prend l’air…
— J… je suis d… désolé, bredouillé-je en regardant également la cause éventuelle de sa gêne.
Merde, Seb, désolé de quoi ? De la désirer au point où ça te fait mal en dedans ? D’être intimidé par tout ce qu’elle dégage ? De seulement pouvoir t’imaginer vénérer son corps de déesse aussi souvent que possible ? Désolé de la respecter au point où tu dois détruire tes pulsions sexuelles à grands coups de valeurs et de moralité ? Mika doit rester un songe… Tant que sa mémoire n’aura pas refait surface, je dois me contenir.
— Tu peux te mettre à genoux pour que je puisse te laver les cheveux ? demande-t-elle presque en un murmure.
Je hoche la tête puis m’installe au fond de la baignoire pour être à sa hauteur. C’est lorsqu’elle revient en se tenant droit devant moi, après avoir saisi la douche-téléphone, que je comprends que cette position n’est pas moins déstabilisante que la première.
— Penche la tête, m’ordonne-t-elle.
Est-ce que ça consiste à rompre le contact avec ce pubis qui me nargue à quelques centimètres de mon visage, ça ? À cet instant, le désir a fait place à bien pire. Je dois impérativement la toucher.
— Sebastian ?
Comment fait-elle pour prononcer mon nom avec autant de sensualité ? Cette douce mélodie me fait relever la tête jusqu’à trouver son regard transi de cette même passion qui semble nous habiter tous les deux. Je pose ma main droite sur sa jambe sans la quitter des yeux une seule seconde à la recherche d’un signal d’alerte qui m’annonce que je m’aventure trop loin. Mais rien ne se passe, pas même lorsque j’appuie sur l’intérieur de sa cuisse pour qu’elle m’ouvre l’accès à son jardin secret. Mika comprend rapidement mon geste et hisse son pied sur le rebord de la baignoire, m’exposant du même coup son sexe.
— On ne devrait…
Ne la laissant pas terminer sa phrase, je fonce sur elle et pose délicatement ma langue contre ce point saturé de désir. J’entends sa respiration se couper tandis que la mienne s’échappe enfin de ma gorge. Je plaque ma main valide sur son joli petit cul pour la pousser davantage contre moi alors que ses cris de surprise font frémir mon membre déjà beaucoup trop excité. Je lèche sans retenue sa fente humide en effectuant des va-et-vient rapides. Dès l’instant où Mika laisse tomber le pommeau de douche au fond de la baignoire pour saisir mes cheveux entre ses doigts, moi je n’en peux plus et explose subtilement au travers des jets d’eau chaude qui coulent sur mes jambes. Mes propres cris d’extase se sont étouffés au milieu des siens quand je décide d’enfoncer mon index en elle. Quelques secondes plus tard et voilà que l’étau se referme autour de mon doigt pendant qu’elle pousse des couinements incroyablement sensuels.
— Merde, t… ton pansement, bredouille-t-elle à bout de souffle.
— Ce n’est rien, lui dis-je en couvrant son ventre de baisers.
— Ce n’est pas rien, Sebastian, tu saignes.
Sur le coup, je m’en balance complètement, je ne souhaite que me relever pour enfin la prendre comme il se doit, mais c’est lorsque je sens le liquide anormalement chaud couler le long de mon flanc que je comprends que ce n’est pas si bénin.
Mika réagit plus vite que moi en coupant aussitôt l’eau de la douche et en me laissant en plan dans le fond de la baignoire centenaire. Il y a trois secondes, j’avais encore ma langue contre son clitoris… Putain, ce que j’ai la poisse. Je la regarde quitter la salle de bain, puis revenir rapidement avec la trousse de premiers soins.
Les trois coups rudes frappés à la porte de mon loft me confirment que j’ai effectivement un mauvais karma. Qu’est-ce que la vie m’envoie comme signe de merde ?
— Seb ? T’es là ? hurle la voix d’Anne au loin. Je viens seulement te porter tes vêtements.
Le restaurant serait en flammes, mon frère à l’hôpital ou la fin du monde ferait rage dehors que je me balancerais complètement de ce qui peut arriver en dehors de ces murs. Je veux Mika, un point c’est tout. Une fois qu’elle est face à moi, j’attrape son visage de mes deux mains malgré le pincement de douleur puis pose enfin mes lèvres sur les siennes. Un feu d’artifice naît dans mon estomac alors que je l’entends faire tomber la trousse au sol. Sa langue timide trouve la mienne, ses doigts s’agrippent de nouveau à mes cheveux lorsque je l’attire dans la baignoire, à califourchon sur moi. Nos baisers deviennent de plus en plus fiévreux. Mon érection solide frotte contre l’entrée de son vagin me suppliant de m’y engouffrer au plus vite.
— Ah ! et ton frère est en bas, il a amené un jeune garçon avec lui. Il dit de te grouiller le cul.
Eh merde…
Le soupir que nous poussons en symbiose, Mika et moi, a finalement raison du dénouement de ce moment parfait. Je vais les tuer… Je vais vraiment les tuer, et après j’irai baiser.