De 1945, date de la victoire des Alliés sur le nazisme, année clef, à 1991, l’antagonisme Est-Ouest, soviéto-américain, a structuré les relations internationales. Certes, les dispositions arrêtées par les Alliés américains, britanniques et soviétiques aux conférences de Téhéran, Yalta et Potsdam sont aujourd’hui dépassées depuis la fin de l’URSS et la réunification allemande en 1990-1991, en ce qui concerne l’Europe et l’Allemagne. En revanche, même contestées, les dispositions prises sur l’Organisation des Nations unies perdurent.
Le monde n’a pas été divisé à Yalta en février 1945
Les vainqueurs de 1945 se sont divisés, aussitôt vaincus l’hitlérisme et l’impérialisme nippon. Contrairement à la promesse faite, à Roosevelt et à Churchill, à Yalta (où il n’y a pas eu, contrairement à la légende, de partage du monde), Staline n’a pas organisé d’élections libres dans les territoires européens libérés par l’armée rouge, mais y a imposé au contraire des gouvernements communistes pro-soviétiques. Dès 1946 Churchill parle d’un « rideau de fer » qui s’est abattu, entre l’Est et l’Ouest, de Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique. La menace militaire (y compris, à partir de 1949, nucléaire) soviétique est telle sur l’Europe de l’Ouest, surtout après la guerre de Corée, que les États-Unis, pour la première fois de leur histoire, acceptent de mettre sur pied avec les Canadiens et les Européens une alliance, pour « endiguer » l’Union soviétique : l’Alliance atlantique qu’ils dirigent entièrement. Le déclenchement de la guerre de Corée (1950) conduit à la création d’une organisation intégrée (OTAN) dès le temps de paix, comme si la guerre devait éclater le lendemain. Ils lancent aussi le plan Marshall, pour reconstruire l’Europe et priver la propagande soviétique de relais. Une course aux armements conventionnels, et surtout nucléaires, est dès lors lancée entre les deux blocs : toujours plus de bombardiers et de missiles, intercontinentaux ou à moyenne portée, portant au début des charges nucléaires uniques et considérables, ensuite des « têtes multiples » nucléaires, elles-mêmes de plus en plus précises. La tension est permanente. L’Ouest fait échouer, en 1948, la tentative de blocus de Berlin par l’URSS. L’URSS mate la révolte de Berlin Est en 1953, crée le Pacte de Varsovie en 1955, écrase l’insurrection de Budapest en 1956 comme elle le fera de celle de Prague en 1968. À l’Ouest – mais ce n’est pas comparable –, le général de Gaulle, las d’attendre une réforme de l’Alliance atlantique qui ne vient pas, retire en 1966 la France du commandement militaire intégré, tout en restant dans l’Alliance.
Cette « guerre froide », cet « équilibre de la terreur », n’empêche pas les deux superpuissances de s’affronter ailleurs, dans le Tiers-monde, par alliés ou satellites interposés. Comme l’a dit Raymond Aron, « la paix est impossible » car les deux systèmes de valeurs et les objectifs stratégiques sont incompatibles. Mais, ajoute-t-il, la « guerre est improbable » tant la dissuasion nucléaire est… dissuasive. La guerre est même impossible. La « coexistence pacifique », concevable à partir de Kennedy et Krouchtchev, s’impose donc après l’angoissante crise des fusées de Cuba, en 1962. Elle se traduit par des accords sur un « téléphone rouge », qui permet un contact direct au plus haut niveau, en 1972 le traité SALT (Strategic Arms Limitation Talks) qui vient fixer des plafonds aux missiles nucléaires et aux missiles anti-missiles, puis encadrer la course aux armements tout en maintenant la dissuasion nucléaire, au début des années 1980, sont signés des accords de « réduction » (START).
Privé du soutien de la force,
le système soviétique s’effondre
Au début des années 1980, Reagan entreprend d’épuiser une URSS déjà en difficulté évidente en Afghanistan où elle est intervenue en 1979 pour sauver le régime pro-communiste, en l’entraînant dans une chimérique et épuisante « guerre des étoiles ». À partir de 1985, Gorbatchev, conscient du fiasco soviétique, essaie de sauver le communisme en le réformant, mais certainement trop tardivement, (Glasnost, Perestroïka), signe de nouveaux accords de désarmements, retire l’armée rouge d’Afghanistan, et, surtout, décide de ne jamais employer la force pour maintenir au pouvoir les « démocraties populaires » d’Europe centrale et orientale. Sans aucune base dans les sociétés, répressives et usées, celles-ci sont dès lors condamnées. Elles s’effondrent toutes en 1989 et 1990 (ce qui permet, du coup, la réunification allemande). En novembre 1990, Gorbatchev accepte l’usage de la force armée contre son allié irakien qui a envahi le Koweït. Mais ayant empoché les bénéfices stratégiques inespérés peu avant, les États-Unis lui refusent une aide économique au sommet du G7 de juillet 1991. Fin 1991, c’est l’URSS elle-même qui implose. La guerre froide – qui n’a, en presque 45 ans, jamais dégénéré en guerre chaude – est terminée. Le temps du monde « global » commence.
La crise de Crimée-Ukraine en 2013-2014 et l’escalade de la tension entre la Russie de Poutine et les Occidentaux sont de graves événements. Ils ne peuvent cependant être assimilés sans exagération à une nouvelle guerre froide globale.