L’éclatement du Tiers-monde

Après 1945, alors que les relations internationales s’organisaient autour de la compétition Est/Ouest, de nombreuses nations, à l’aube de leur indépendance, ont voulu échapper à ce monde bipolaire et préserver leur identité.

L’unité du Tiers-monde
vole en éclats,
après les années 1970

L’expression « Tiers-monde » fut inventée, en 1952, par Alfred Sauvy, économiste français, en s’inspirant du « Tiers état » de la France d’Ancien régime. De même qu’à l’époque le « troisième ordre » s’était affirmé contre les deux autres (clergé et noblesse), le Tiers-monde, qui est pauvre, majoritaire, dominé par les anciennes puissances coloniales et sans grand pouvoir, se définit par opposition : il ne se veut ni capitaliste, ni communiste.

Ces pays sont situés pour l’essentiel dans l’hémisphère Sud. Le clivage Nord/Sud est, selon eux, plus déterminant que l’affrontement Est/Ouest. Les pays du Nord peuvent être divisés idéologiquement entre communistes et Occidentaux, tous appartiennent néanmoins au monde développé face auquel « le Sud » doit affirmer son identité. Il s’agit à la fois d’achever la décolonisation, de préserver l’indépendance des pays du Sud face à la compétition soviéto-américaine, et de permettre leur décollage économique. En avril 1955, se tient à Bandung, en Indonésie, la première grande conférence qui réunit des pays du Tiers-monde. Les 29 États présents représentent la moitié de l’humanité, mais seulement 8 % du PNB mondial. En 1960, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la résolution 1541(XV) qui proclame le droit à la décolonisation « immédiate et inconditionnelle ». La colonisation y est présentée comme contraire à la paix mondiale et à la Charte de l’ONU. Le Sud dénonce également les termes de « l’échange inégal » : le Tiers-monde exporte à bas prix des matières premières et achète au prix fort les produits industriels du Nord. En 1974, l’Assemblée générale de l’ONU proclame l’instauration d’un « nouvel ordre économique international » basé sur l’équité, l’égalité souveraine. Les États du Tiers-monde créent le Groupe des 77 et proclament la souveraineté permanente sur leurs richesses naturelles : c’est pour eux l’affirmation d’une souveraineté économique, indispensable mais qui reste à concrétiser, à côté de la souveraineté politique. Les pays du Nord sont accusés d’exploiter les pays du Sud. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) adopte la Charte des droits et devoirs économiques des États.

Mais, à partir des années 1970, l’unité du Tiers-monde vole en éclats. D’un point de vue politique, le « non-alignement » n’a concerné qu’une minorité d’États, car la plupart des autres étaient stratégiquement liés aux États-Unis ou à l’Union soviétique, malgré un affichage de non-alignement. Les différences les plus nettes ont été créées par l’économie. Aujourd’hui dans le monde global, il n’y a plus rien de commun parmi les anciens pays du Tiers-monde entre, d’une part, ceux qui émergent et qui se développent, les géants géostratégiques (chinois, indien, brésilien), les « dragons » asiatiques devenus des pays industriels, les États pétroliers qui bénéficient du cours élevé du pétrole et, d’autre part, les pays les moins avancés (PMA) dont la situation s’est dégradée. Éclaté, le Tiers-monde est mort.