Après la disparition de l’URSS en décembre 1991, les États-Unis restent la seule superpuissance, que l’on a pu même qualifier alors « d’hyperpuissance », et le pôle central du monde. Certains parlent alors pour s’en réjouir ou pour le déplorer d’un « monde unipolaire ». Mais les États-Unis sont parvenus à cette situation plus par un enchaînement de l’histoire que pour l’avoir expressément voulu.
Tout concourt à faire
des États-Unis le pôle central
d’un monde unipolaire
À la fin de son mandat de premier président des États-Unis d’Amérique en 1799, George Washington met en garde ses compatriotes contre les conflits entre Européens et les adjure de ne pas s’y engager. Les États-Unis suivent cette ligne en Europe jusqu’à ce qu’ils estiment vital pour eux de s’engager quand même, du côté de la Grande-Bretagne et de ses alliés, après avoir hésité jusqu’en 1917 et plus tard jusqu’en 1941.
Pendant le XIXe siècle, ils s’emploient à conquérir « l’Ouest », ce qui est chose faite vers 1890. Puis, au tournant du siècle, ils assoient leur influence, ou leur protectorat, au détriment de l’Espagne sur leur environnement direct : îles des Caraïbes, Amérique centrale ; puis sur les îles du Pacifique et les Philippines.
Après la victoire de 1918, le président Wilson, interventionniste et idéaliste, inspire la création de la Société des Nations. Mais, resté isolationniste, le Sénat ne le suit pas. Les États-Unis se retirent de la SDN. C’est l’agression japonaise contre la flotte américaine à Pearl Harbor à Hawaï le 7 décembre 1941 qui permet au président Roosevelt d’engager les États-Unis dans une guerre totale contre le régime nazi et le militarisme japonais : elle les conduira, avec leur allié soviétique, à la capitulation de l’Allemagne nazie le 8 mai 1945 et de l’Empire nippon le 2 septembre 1945. Après cette guerre-là, contrairement à la première, les États-Unis s’organisent à la demande des Européens pour rester en Europe : en créant l’OECE en 1948 pour gérer le Plan Marshall destiné à empêcher que l’Europe occidentale ne bascule dans le communisme ; et l’Alliance atlantique (traité de Washington de 1949) pour dissuader l’URSS de s’en prendre à l’Europe. À partir de là, les États-Unis prennent en main – jusqu’à aujourd’hui – la sécurité occidentale. Ils entourent l’URSS d’un chapelet de pactes militaires destinés, avec la constante modernisation de l’armement nucléaire, à « l’endiguer ». Et dans le Tiers-monde, ils s’opposent pendant quarante-cinq ans à son influence, jusqu’à sa chute finale.
Quand l’Union soviétique disparaît, en décembre 1991, les États-Unis restent la seule des deux superpuissances de la guerre froide. L’addition de ce statut, de leur arsenal nucléaire, de leur suprématie militaire absolue, de leur puissance économique, du poids du dollar dans l’économie internationale, de leur rôle moteur dans l’expansion mondiale de l’économie de marché, de leur créativité technologique, de leur soft power (culture, langue, cinéma, mode de vie, universités, influence intellectuelle) : tout concourt à faire d’eux, dans les années 1990, le pôle central d’un monde unipolaire.
Les déclarations françaises sur un monde multipolaire ne sont pas considérées aux États-Unis comme un pronostic contestable, mais comme un programme hostile. Le 11 septembre 2001 apporte la preuve que même une hyperpuissance est vulnérable à un terrorisme suicidaire. La situation en Irak rappelle aussi qu’une hyperpuissance peut se fourvoyer. La montée de la Chine inquiète. Néanmoins beaucoup d’Américains (et d’autres) continuent de penser que, même avec la montée des émergents, les États-Unis resteront – et doivent rester – dans l’intérêt du monde la puissance dominante, un pôle au-dessus des autres.