La France

Grâce à Richelieu, Mazarin, et Louis XIV, et à son poids démographique, la France avec sa culture et sa langue est le pays majeur en Europe durant une partie du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle, alors que l’Europe domine le monde. L’Empire napoléonien est l’apogée de la puissance française mais a marqué par sa chute la précipitation de son déclin au profit de la Grande-Bretagne. En 1871, la défaite de Napoléon III permet à Bismarck de parachever l’unité allemande, ce que les dirigeants français depuis Richelieu avaient toujours réussi à éviter. La France connaît alors une nouvelle période de doute. Alors qu’elle avait négligé ses premières possessions outre-mer, la conquête coloniale, notamment en Afrique et en Asie sous prétexte de « devoir de civilisation », lui donne un nouvel horizon. La Première Guerre mondiale représente une saignée démographique terrible et un affaiblissement relatif du pays, comme du continent européen dans les équilibres mondiaux. Plus tard, la défaite et l’effondrement de mai 1940, dont le régime de Vichy est le sous-produit, traduisent cet épuisement dans l’inconscient national. Cette humiliation ne fut pas entièrement compensée par l’action du général de Gaulle ou par celle de la résistance intérieure. Après la Libération, les possessions coloniales devinrent symboliquement plus importantes, au moment même où le prestige de la métropole y est affaibli, d’où des guerres perdues d’avance pour s’opposer à la décolonisation. La France se lance alors dans la construction européenne, vue comme un multiplicateur de puissance et la garantie de l’impossibilité d’une nouvelle guerre entre pays européens (de toute façon impossible entre membres d’une même alliance). La réconciliation franco-allemande est, un temps, le moteur de cette construction. Après 1962, la fin des guerres coloniales permet à la France du Général de Gaulle un plus grand retentissement à son action internationale.

Entre excès de prétention
et sous-estimation de soi,
la France s’interroge

L’humiliation de la guerre de Suez en 1956, s’ajoutant au refus américain d’aider la France dans ses conflits coloniaux, avait convaincu les dirigeants français qu’ils devaient développer des capacités d’autonomie stratégique, c’est-à-dire la dissuasion nucléaire.

Sous la Ve République, la stratégie française consiste à élargir les marges de manœuvre de la France en pratiquant à l’égard des États-Unis une relation d’allié soucieux de son indépendance. La France se veut alors le partenaire naturel des pays du Sud qui cherchent une alternative au choix binaire États-Unis/URSS.

Aujourd’hui, la France entend conserver un rôle spécifique sur la scène internationale, ayant, de par son histoire, une vision large des affaires mondiales. Mais elle sait qu’elle n’a plus, sauf exception, les moyens de l’action unilatérale, ce dont elle a fait un principe vertueux. Elle garde la capacité et la volonté de prendre des initiatives, de jouer un rôle particulier, mais ne peut le faire le plus souvent que dans un cadre multilatéral. Elle conserve sur les différents continents une influence culturelle, une influence économique variable, une politique à la fois active et spécifique. Depuis la fin du monde bipolaire et l’entrée dans le monde global, incertaine face à la mondialisation, la France – en tout cas ses élites – s’interroge, plus que d’autres pays comparables, sur son rôle, son influence, ses moyens, sur ce qui continuera à relever de son effort propre et ce qui sera européen, et sur ce qu’elle doit changer ou préserver. Entre l’excès de prétention et la sous-estimation de soi, la France actuelle a du mal à trouver le juste milieu, alors même qu’elle demeure quand même une des dix à douze puissances qui ont une influence mondiale. Elle est un membre actif et influent du G7/G8, du G20 et membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais elle est handicapée dans les années 2010 par ses faiblesses économiques et son manque nouveau de confiance en soi.