L’Allemagne

L’émiettement de l’Allemagne en multiples royaumes et principautés, que la France s’employait à maintenir avec succès, a longtemps empêché son émergence comme puissance majeure. C’est Bismarck qui réalisa, en neuf ans, son unité sous l’égide de la Prusse, couronnée par la victoire militaire sur la France en 1871. L’Empire allemand s’affirme ensuite comme la puissance dominante de l’Europe tant sur le plan démographique qu’industriel et militaire.

L’Allemagne d’Angela Merkel
tient la première place en Europe

Cette montée en puissance de Berlin brise les équilibres européens du XIXe siècle établis lors du Congrès de Vienne en 1815. L’exacerbation des rivalités européennes et le jeu des alliances conduit alors à la Première Guerre mondiale. L’Allemagne en sort vaincue par les Alliés, humiliée et exsangue. Mais elle estime injuste d’avoir à en porter seule, avec le traité de Versailles, la responsabilité et ses conséquences. Alors qu’elle était sur le point de supplanter la Grande-Bretagne comme première puissance mondiale, elle se retrouve obligée de payer des réparations, privée de son empire colonial, bientôt ruinée par la crise de 1929. Hitler exploite ce sentiment d’humiliation et ce désir de revanche attisés par la précarité sociale. Arrivé au pouvoir avec le parti nazi aux élections de 1933, il lance l’Allemagne dans la revanche contre la France et une course à la conquête d’un « espace vital » notamment à l’Est, sur fond de haine raciale antislave et antisémite. Le « Reich de mille ans » s’achève en 1945 par une défaite totale, l’occupation de l’Allemagne par les alliés, et sa division entre Occidentaux et Soviétiques.

Les États-Unis imposent alors à l’Allemagne de l’Ouest la démocratie, la reconnaissance des crimes du nazisme, la renonciation à la puissance stratégique, l’intégration dans l’Alliance atlantique et la construction européenne et leur protection contre la menace soviétique. À partir des années 1960, la réconciliation avec la France devient effective et le couple franco-allemand est un moteur de la construction européenne.

La réunification de l’Allemagne, symbolisée par la « chute » du mur de Berlin en 1989, en fait engagée avant, officialisée en 1990. Elle a été rendue possible et inéluctable par la politique de Mikhaïl Gorbatchev et par l’affaiblissement puis la disparition de l’URSS. Cette réunification donne au pays un poids et des marges de manœuvre nouvelles, et lui permet une affirmation plus nette de ses intérêts au sein de l’Union européenne et dans le monde. Au cours des années 1991-2007, elle conquiert par la négociation de divers traités la première place au Parlement européen (99 parlementaires sur 785) et au Conseil européen (18 % des voix à compter de 2017). Elle a pesé de tout son poids pour que les Vingt-Sept acceptent le « traité de Lisbonne » qui reprend en substance la Constitution non ratifiée. Dans ses relations avec la France, les autres membres de l’Union et les États-Unis, elle combine sa volonté de renforcer l’Europe dans les limites fixées par la Cour de Karlsruhe et, de plus en plus, la défense de ses propres intérêts économiques, énergétiques et industriels, au sein de la zone euro, comme dans ses relations avec la Russie et la Chine.