À partir de la création du Duché de Kiev au IXe siècle, puis à partir de celle du grand-duché de Moscou (1340), les Russes ont constamment agrandi le territoire de leur pays jusqu’à ce qu’il s’étende sur deux continents et atteigne la plus grande superficie mondiale en dépit de profonds troubles politiques intérieurs et d’assauts extérieurs. Parvenu aux portes de Moscou, Napoléon Ier sera vaincu par l’hiver et la guérilla russe. La Russie est reconnue au Conseil de Vienne en 1815 comme une grande puissance européenne. Après la révolution bolchevique de 1917, pour sauver son régime, Lénine se résigne à des renonciations territoriales et consent aux différentes nationalités de la Russie (plus de la moitié de la population) une indépendance qui sera de courte durée.
La Russie nourrit un complexe d’encerclement par l’OTAN,
l’Union européenne et la Chine
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les troupes allemandes parviennent aux portes de Moscou et sont stoppées à Stalingrad, tournant de la guerre. Après la guerre, et au mépris des promesses faites à Yalta, l’URSS se constitue alors un glacis territorial en Europe de l’Est afin, dit-elle, de se protéger d’une nouvelle agression.
Mais l’imposition de régimes dictatoriaux conformes au sien – les « démocraties » populaires – donne l’impression d’une volonté d’expansion et de conquête mondiale sur fond d’impérialisme idéologique. Pour « endiguer » l’avancée soviétique, les États-Unis l’entourent par un système d’alliances qui nourrit en Russie un complexe d’encerclement. Se sentant menacée de toutes parts, l’URSS qui dispose d’un arsenal nucléaire et conventionnel considérable est vécue comme menaçante. Le régime soviétique se maintient par la contrainte. Mais la parité stratégique obtenue avec les Américains constitue un motif de fierté nationale pendant la guerre froide. À son apogée, Moscou est à la tête d’un État d’une taille inégalée, contrôle l’Europe de l’Est et possède des alliés et des points d’ancrage dans l’ensemble du monde.
En 1985, M. Gorbatchev décide de ne pas employer la force pour maintenir les régimes communistes en Europe de l’Est. Il espère réformer l’URSS, mais celle-ci est condamnée par le fiasco économique et politique, la catastrophique expédition afghane et le discrédit politique général.
La disparition de l’URSS en décembre 1991 se traduit pour la Russie par la perte des implantations dans le Tiers-monde, la fin du contrôle de l’Europe de l’Est, mais aussi par la perte de gains territoriaux datant de la Seconde Guerre mondiale, même du XIXe siècle, voire d’avant (Ukraine).
La fin du système communiste engendre une perte vertigineuse de puissance et de prestige. L’économie de marché s’implante en Russie sous sa forme la plus sauvage. Le régime n’est plus totalitaire mais autoritaire. Aujourd’hui, la Russie, sans rêver d’un retour au statut de seconde puissance mondiale, veut à nouveau défendre ses intérêts et être respectée sur la scène internationale. Elle n’accepte plus d’être tenue comme quantité négligeable, comme dans les années 1990 d’autant qu’elle a des ressources considérables en pétrole et en gaz. Mais elle redoute toujours la puissance militaire américaine, nourrit toujours un complexe d’encerclement face à l’extension de l’OTAN voire de l’Union européenne, et à la poussée chinoise.
Après sa réélection en 2012 pour un troisième mandat, Vladimir Poutine essaie de reconstruire l’armée russe et encourage, avec l’église orthodoxe, une sorte de nationalisme « slavophile ». En réaction à la révolution de Kiev qui renverra en février 2014 le président Ianoukovytch, Vladimir Poutine annexe la Crimée. Les séparatistes pro-russes proclament leur autonomie dans l’Est de l’Ukraine et affrontent l’armée ukrainienne (6 000 morts, d’avril 2015 à mars 2015). Les Occidentaux prennent des sanctions. La situation s’enlise. Angela Merkel et François Hollande tentent en 2015 par les accords de Minsk de dégager un compromis.