Le Japon

Longtemps fermé au monde extérieur, le Japon s’ouvre au commerce international sous la contrainte des canonniers du commodore américain Perry en 1864. Pendant l’ère Meiji (1868-1912), « gouvernement éclairé », le Japon se modernise en s’inspirant du monde occidental. Il inflige à la Russie, en 1905, la première défaite militaire subie depuis des siècles par un peuple « blanc » du fait d’un peuple qui ne l’est pas. Il se lance ensuite dans la première moitié du XXe siècle, dans une politique d’expansion en Asie. Il annexe la Corée en 1910, envahit la Mandchourie (devenue Manchoukouo) en 1931, la Chine en 1938 et s’en prend aux États-Unis, à Pearl Harbour en décembre 1941, occupe le Pacifique. En Asie du Sud-Est, il prétend lutter contre les puissances coloniales européennes mais établit sa propre domination basée sur une répression impitoyable.

Demeure, en Asie,
la crainte de voir renaître
le militarisme japonais

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, une fois le Japon vaincu (après les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945), les Américains décident de maintenir le régime impérial mais ne laissent à l’empereur que des pouvoirs symboliques. Ils n’obligent pas les Japonais à procéder au même examen de conscience par rapport à leurs crimes que les Allemands. La guerre de Corée fait du Japon l’irremplaçable porte-avions des Américains en Asie face aux puissances soviétique et chinoise. Les relations du Japon avec la Corée capitaliste comme avec la Chine « communiste » restent sensibles parce que le passé, la guerre et les atrocités japonaises n’ont pas été clairement reconnus et assumés. En dépit des liens économiques entre les pays de l’Asie de l’Est, la crainte de la renaissance d’un militarisme japonais reste diffuse dans l’ensemble de l’Asie.

Le Japon connaît un développement économique phénoménal à partir des années 1950, bondissant de 3 % du PNB mondial à 13 % au début des années 1980. Deuxième PNB mondial, premier banquier de la planète, quoique politiquement contraint, le Japon est alors qualifié de géant économique et de « futur 3e grand ». À partir des années 1980, les États-Unis sont partagés entre le désir de faire plus participer le Japon à l’effort commun de défense et la crainte d’y réveiller des appétits de puissance. Le Japon lui-même s’interroge sur les avantages et les inconvénients d’ajouter la puissance stratégique à la puissance économique et financière. Le Japon des années 2000 postule ainsi à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité.

La fin de la guerre froide en Asie n’a pas fait disparaître les rivalités nationales. Le Japon reste préoccupé pour sa propre sécurité face à la Chine (dont le PIB a surpassé celui du Japon en 2011), en dépit de l’interdépendance des deux économies, et face à la Corée du Nord, même si cette menace semble pouvoir être contrôlée. Des litiges territoriaux non résolus pèsent sur les relations avec la Russie. De ce fait, il reste très dépendant des États-Unis pour sa sécurité et ses marges de manœuvre vis-à-vis de Washington sont limitées. La difficulté pour le Japon est de défendre ses intérêts essentiels (sécurité énergétique) face à la Chine dont la puissance s’accroît et à la Russie. Développer ses capacités militaires nécessiterait de modifier sa Constitution (ce que souhaite le Premier ministre Shinzo Abe au pouvoir depuis 2012) et de faire bouger l’opinion, ce qui n’est pas acquis, sans aller au-delà de ce qu’acceptent les États-Unis ni réveiller une inquiétude en Asie. Les relations avec la Chine sont de plus en plus tendues.