Le Monde arabe

Apparue au VIIe siècle, étendue sur trois continents dès le VIIIe, la civilisation arabe est à l’époque médiévale plus dynamique et plus puissante que la civilisation chrétienne avec laquelle elle est en concurrence. Seule la civilisation chinoise – qui vit repliée sur elle-même – peut alors prétendre l’égaler. Mais au XVe siècle, les Arabes sont refoulés d’Europe. Au XVIe siècle, les Ottomans imposent leur souveraineté sur le Moyen-Orient et, bien qu’ayant conservé un certain degré d’autonomie, les Arabes vivent quatre siècles sous domination ottomane. À partir du XIXe siècle, et au XXe, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie font du nord de l’Afrique des colonies. Au cours de la Première Guerre mondiale, tandis que l’Empire Ottoman s’allie avec l’Allemagne, la plupart des Arabes prennent fait et cause pour les Alliés, espérant ainsi obtenir leur indépendance. Ces espoirs sont déçus : la France et la Grande-Bretagne, par les accords Sykes-Picot, se répartissent les protectorats sur le Proche-Orient. La déclaration Balfour en 1917 ouvre la voie à la création d’un foyer national juif en Palestine. Les Arabes passent d’une domination ottomane à une domination européenne. Au sentiment de trahison s’ajoute celui de l’humiliation. Après la Seconde Guerre mondiale, la création de l’État d’Israël est vécue comme un nouveau choc, les Arabes ayant le sentiment qu’ils paient le prix d’un crime européen. Ils seront une nouvelle fois humiliés par leur défaite dans la guerre (1948-1949) contre l’État d’Israël à peine proclamé. Les mouvements panarabes développent à partir de ce moment-là une rhétorique anti-occidentale et/ou anti-israélienne. La nationalisation du canal de Suez en 1956 par Nasser et la retraite forcée, sur injonction américaine, des Français et des Britanniques après leur expédition militaire sur Suez sont perçues comme une revanche sur les Occidentaux. La guerre des Six jours de 1967, et la défaite éclair des armées arabes, nouvelle humiliation, marquent le début de l’agonie du nationalisme arabe. Les mouvements fondamentalistes commencent alors à prospérer sur fond de défaite du nationalisme, de crise sociale et d’identité, de condamnation de la corruption des élites compromises avec les États-Unis. L’unité arabe plutôt que musulmane reste certes revendiquée aujourd’hui encore par la plupart des habitants de la région ; mais ces pays vivent cependant dans un très grand morcellement politique caractérisé par de vives rivalités inter-arabes. Une autre contradiction réside dans le fait que les populations sont épidermiquement anti-américaines du fait du soutien, politique, militaire et financier, des États-Unis à Israël et à la politique de colonisation des territoires palestiniens occupés, et de la guerre d’Irak, alors que la plupart des régimes arabes ont des accords de sécurité avec les États-Unis. La persistance du conflit israélo-palestinien et l’absence d’État palestinien mobilisent les opinions du monde arabe. Cette cause est instrumentalisée depuis longtemps par certains régimes pour occulter les déficits démocratiques et sociaux internes comme, d’une autre façon, par les islamistes. La guerre en Irak a contribué a donné des motifs supplémentaires de radicalisation et de frustration. La démocratisation imposée de l’extérieur s’étant révélée impossible ou aventuriste. Sauf en Tunisie, le « printemps arabe » tourne court ou au désastre : Irak, Syrie, Libye, Yémen, Égypte sont soumis à la violence et ont perdu une grande partie de leur puissance. Le déclin stratégique est-il durable ou provisoire ? Les sociétés civiles, tandis que la guerre Islam/Islamisme fait rage, vont-elles reprendre le dessus ? Des régimes autoritaires vont-ils se réinstaller partout ?

Le monde arabe est déchiré
et déstructuré