Les Iraniens sont partagés entre les réminiscences des splendeurs et de la puissance de l’Empire perse, le souvenir très vif des tentatives de domination des puissances étrangères ou des voisins attirés par ses richesses et leur position stratégique, leur faiblesse relative, et le sentiment d’un danger permanent et tous azimuts. La résultante en est un nationalisme exacerbé sur lequel s’est greffé un militantisme islamiste. L’Iran a peur du reste du monde, mais fait peur au reste du monde.
L’Iran a peur du reste du monde, mais lui fait peur en retour
Le chiisme est la religion dominante dans l’Empire perse depuis le début du XVIe siècle, par opposition à l’Empire Ottoman sunnite. Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe, il a été confronté aux poussées impérialistes de Moscou et de Londres. Il a dû subir, en 1953, le renversement du régime démocratique du docteur Mossadeg, qui avait nationalisé le pétrole en 1951, et la mise en place, avec l’aide de Washington, du régime à la fois modernisateur et répressif du Shah, les États-Unis voulant faire de ce dernier le « gendarme du Golfe arabo-persique ». L’Iran présentait en effet l’avantage d’être un pays riche, non arabe, d’être un géant démographique, et d’être lié stratégiquement aux États-Unis et à Israël.
Vingt-cinq ans après, en 1979, une révolution religieuse et sociale renverse le Shah en 1979 et porte l’ayatollah Khomeiny au pouvoir. Les pays du Golfe, dont certains comptent une grande part de population chiite, et, au-delà, tous les pays musulmans, craignent un expansionnisme religieux et politique du régime et une onde de choc. L’Iran rompt avec les États-Unis (présentés comme le « grand Satan »). Des diplomates américains en poste à Téhéran sont pris en otage, au mépris des conventions internationales. Les relations diplomatiques, stratégiques et commerciales entre les deux pays sont rompues. En 1980, l’Irak de Saddam Hussein attaque l’Iran, dans l’illusion d’une victoire rapide. L’Irak va jusqu’à utiliser des armes chimiques, tout en conservant le soutien de certaines puissances occidentales et des pays arabes, qui jugent plus grand encore le péril de la révolution islamique. La guerre dure huit ans, fait un million de morts, se solde par un statu quo.
L’Iran se tient à l’écart de la guerre du Golfe de 1990-1991, sans que cela permette une réconciliation avec les Américains, malgré de petits progrès en ce sens au cours du second mandat du président Clinton. Son sentiment d’isolement, la perception d’une menace multiforme, et même d’un encerclement hostile (pays arabes, Afghanistan des talibans, Israël, Pakistan, Turquie, États-Unis), est profonde. La dénonciation par George W. Bush en janvier 2002 de « l’axe du mal » que l’Iran formerait avec l’Irak et la Corée du Nord accentue ce sentiment. La guerre en Irak renforce la présence militaire américaine aux portes de l’Iran mais en même temps brise la puissance irakienne hostile. Depuis, les menaces proférées contre Israël par le président Ahmadinejad et le programme nucléaire de plus en plus suspecté d’être à vocation militaire inquiètent le reste du monde, en particulier les Occidentaux et les pays arabes voisins.
En 2013, le modéré Rohani est élu à la présidence iranienne. De nouvelles négociations s’engagent avec le groupe « 5+1 » (5 membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) pour trouver une solution à la question du nucléaire iranien, mettre fin aux sanctions et finalement réintégrer l’Iran dans le jeu international. La société iranienne a soif de changement. Les négociations très âpres se terminent sur un accord en juillet 2015.