Chapitre 11

Saint-Jovite, le 13 octobre 1884

«Je suis ici-bas pour faire triompher ma foi et mes idées. Je ne le pourrai ni au purgatoire ni en enfer; puis au paradis, ça sera mal vu», pensait Adrien Roy, alias le Grand Slaque, en jetant un œil hargneux vers Edgar Rowling, assis sur un banc rembourré réservé aux deux marguilliers, de l’autre côté de l’allée centrale de la petite chapelle aménagée dans le presbytère de Saint-Jovite.

«Frenchmen are not better nor stronger than English citizens; because they are poor, they lack the ways and means to stand up for their ideas», pensait Rowling en croisant le regard menaçant du colosse Adrien Roy. Les deux hommes se connaissaient depuis à peine deux ans, et ils se détestaient depuis le premier jour.

L’English citizen était un fier British venu en ce pays pour faire le commerce du bois. Il avait décroché rapidement un emploi de gérant du personnel d’une société forestière alimentée par une maison-mère londonienne aux visées impérialistes. Il avait réussi à se faire nommer marguillier grâce à un don faramineux pour la construction de la future église

Le Frenchman Adrien Roy était un colon venu en ce pays pour défricher un coin de terre durant la belle saison; le reste du temps, pour trimer dur comme bûcheron et draveur au service de la compagnie forestière de l’English citizen. Il n’avait pas d’argent pour payer sa dîme, mais chaque année il déposait au presbytère un ou deux cochons bien gras et quelques poulets dodus en guise de denier du culte.

Le conflit entre les deux hommes éclata le jour où Rowling avisa de confier à des English citizens venus des cantons voisins la coupe du bois l’hiver et le flottage de la pitoune au printemps. Les bûcherons et les draveurs importés de l’Outaouais et du comté d’Argenteuil privaient les colons du Nord d’un revenu d’appoint essentiel.

Le diable était aux vaches dans les chantiers des cantons de Wolfe et de Salaberry. Des conflits parfois brutaux éclataient en pleine forêt et dans les cambuses des bûcherons. Des taupins barbus aux allures de lutteurs de foire se livraient à des duels à la hache et au godendard. Ces confrontations se terminaient par des bagarres et les English invaders de l’Outaouais continuaient d’occuper le terrain.

L’affront fait aux colons avait assez duré. Le temps était venu de faire payer cette insulte.

Ce qui commença par des coups d’œil hostiles sur les bancs de la chapelle se termina en empoignade sur la galerie du presbytère. Le grand Roy agrippa Rowling par le col de sa redingote du dimanche et le secoua avec force. L’autre se débattit comme un diable dans l’eau bénite, à grands coups de pied dans les tibias et de mornifles dans le visage. Les villageois hurlèrent leur soutien au colon du sixième rang en tapant dans leurs mains. Encouragé par ce rassemblement inattendu de supporteurs, le grand Roy tenta d’écrabouiller l’English citizen une fois pour toutes.

Le bedeau sortit en trombe de la chapelle. Il s’en prit aux deux opposants qui continuaient à se taper dessus.

— Fichez-moi le camp d’ici! C’est pas un endroit pour régler vos comptes, dit-il en séparant les deux hommes avant de s’adresser aux villageois: Bande de curieux! Le spectacle est terminé. Rentrez chez vous!

Les habitants, aguichés par la perspective d’un combat de boxe, empêchèrent Rowling de fuir. Ils formèrent un cortège en compagnie des deux pugilistes jusqu’aux limites du village, sur les rives de la rivière du Diable. L’endroit était reconnu pour ses retentissants accrochages entre Outaouais et colons du Nord. Une étroite piste de sable fin encerclée de gros cailloux formait l’arène où les deux poids lourds s’apprêtaient à sauver leur honneur.

Le Grand Slaque planta solidement ses deux pieds dans le sable, cambra les reins, les deux bras levés à la hauteur de la figure, le poing gauche en avant et le droit en repli, prêt à donner le coup de grâce. Les villageois s’égosillaient à encourager Roy.

Rowling attaqua le premier. Il se précipita sur Roy en frappant avec force de ses deux mains. Roy esquiva une première attaque. L’English citizen revint à la charge avec une fureur renouvelée, mais il négligea trop sa défensive. Roy répliqua en laissant partir une solide droite qui poursuivit son élan dans un large couloir formé par les deux bras baissés de Rowling. Le coup fut fatal. L’English brawler s’écrasa dans le sable, sa tête frappa une roche en bordure de la piste.

Les spectateurs se précipitèrent à la rescousse du pauvre Rowling. Un flot de sang jaillissait du crâne de la victime et empourprait le sable tout autour. Adrien Roy tenta de réanimer son opposant. Peine perdue. L’homme ne bougeait plus. On se mit à quatre porteurs et on conduisit le blessé dans la boutique de forge d’Aurélien Richer, à deux pas de là, dans la rue principale. Richer enveloppa la tête du malheureux dans une large bande de coton qui servait, à l’occasion, de banderole fixée au mur extérieur, les jours de fermeture de la boutique, puis il déposa l’English citizen sur une paillasse de fortune.

— Le mardi, le docteur Bigonesse est à Sainte-Agathe, dit le plus jeune des frères Therrien. Si on me prête un boghei, je peux être de retour dans la soirée.

— C’est pas un médecin qu’il lui faut, dit le vieux Cadieux, c’est un embaumeur.

— Vaut mieux avertir la police. Sans ça, on va avoir des problèmes.

— Pas question! C’est un simple accident. On ferait mieux d’envoyer quelqu’un à Lachute demander à la famille de venir chercher le corps. On a autre chose à faire dans le village que d’enterrer un Anglais.

— Si quelqu’un me prête un boghei, dit le plus vieux des frères Therrien, je peux me rendre à Lachute.

— Va plutôt quérir le curé Ouimet. Dis-lui qu’on a un blessé qui attend les derniers sacrements pour aller au ciel… s’il n’est pas trop tard.

Le curé Samuel Ouimet était natif de Saint-Jérôme et avait été ordonné prêtre dans la paroisse du curé Labelle. Très tôt, il s’était associé à l’œuvre du curé de Saint-Jérôme, qui l’avait nommé desservant de toutes les missions de la vallée de la Rouge: le Grand-Brûlé (Saint-Jovite), la Repousse (Saint-Faustin) jusqu’à la Nativité (Labelle). Le curé Labelle lui avait dit, un jour, qu’il fallait une âme de martyr et de missionnaire pour créer des paroisses dans ce coin de pays. Ouimet avait invoqué déjà, dans ses prières, les deux frères martyrs, Jovite et Faustin. C’était à eux qu’il avait donné le nom de ses deux premières paroisses. Le curé avait parcouru sa mission à la recherche de fonds et demandé à monseigneur l’archevêque d’Ottawa une pierre d’autel consacrée afin de commencer la construction à Saint-Jovite d’une chapelle où se trouverait en même temps le presbytère.

Suivi d’une ribambelle de villageois en habit du dimanche, le curé Ouimet fit une entrée remarquée dans la boutique de forge. Il découvrit le pauvre Rowling étendu sur un grabat crasseux, la tête enveloppée dans une toile maculée de sang. Il vérifia l’état du blessé et constata que l’âme avait déjà quitté le corps de l’English citizen. Le prêtre bénit le macchabée et procéda à une onction sainte. Le vieux Cadieux, l’inévitable potineux du village, mit son grain de sel sans que personne ne lui ait demandé son avis.

— C’est un simple accident, monsieur le curé.

— Je sais! Le jeune Therrien m’a tout raconté. Le plus important, c’est de trouver un moyen d’éviter que cet accident dégénère en guerre ouverte entre nos colons et les employés de la compagnie. Il faut se méfier de Poléon Huot, le malcommode jobbeur de la papeterie Wilson Mills, de Lachute. Quand il va apprendre la nouvelle de la mort de Rowling, ça va chauffer dans les cambuses.

— Faut commencer par se débarrasser du corps, dit le vieux Cadieux. La famille n’est pas encore au courant.

— On verra ça plus tard. Le notaire Defoy va s’occuper de tous ces détails. Pour l’instant, il faut aller chercher le curé Labelle à Saint-Jérôme. Lui seul peut faire entendre raison au père Poléon.

— Si quelqu’un nous laisse son boghei, mon frère et moi sommes prêts à partir pour Saint-Jérôme tout de suite, dit l’aîné des frères Therrien.

— Soit! dit le curé Ouimet. Vous prendrez ma voiture. Essayez d’être de retour au plus tard demain midi, dit-il aux deux voituriers en sortant de la boutique de forge.

Dans un superbe boghei fait main, tiré par une team de chevaux blonds fringants, les deux frères foncèrent à toute vitesse en direction de Saint-Jérôme, le long de la rivière du Nord. Dans la vallée, un vent impétueux disloquait les nuages et faisait frétiller les reflets de la lune sur l’eau. L’attelage fit une courte halte à Sainte-Adèle et parvint à Saint-Jérôme en début de nuit.

À l’aube du jour suivant, la voiture des frères Therrien décampa, suivie par le curé Labelle dans sa voiture à quatre roues équipée de sièges fabriqués sur mesure. Le convoi empoussiéra la rue principale de Saint-Jovite vers une heure de l’après-midi. Le curé Ouimet attendait sur la galerie du presbytère.

— Mon cher curé, dit Ouimet en s’adressant à Labelle, vous êtes notre sauveur! La nouvelle de la mort de Rowling a fait le tour des cantons, et des attroupements se sont formés en face de l’hôtel Duchesne. Des affrontements sont à craindre entre nos colons et les bûcherons de l’Outaouais. Il faut se méfier du jobbeur Poléon Huot. Il est capable d’ameuter ses bûcherons pour venger la mort de Rowling.

— Restons calmes, dit le curé Labelle. Je connais Poléon Huot depuis longtemps. Où se cache-t-il?

— Depuis l’accident, il est installé à l’hôtel Duchesne avec ses hommes.

— Allons-y tout de suite si nous voulons régler le problème au plus vite.

Ouimet et Labelle, soutanes au vent, bousculèrent les manifestants devant l’hôtel. Il y eut une légère échauffourée et des mots grossiers, empruntés à la langue de Shakespeare, fusèrent au milieu des: «Vas-y, curé, fais le ménage!»

Les frères Therrien suivaient le défilé depuis le début. Ils tentèrent, en vain, de se frayer un chemin jusque dans l’hôtel pour assister au spectacle. Ils furent toutefois refoulés par les protestataires

Dans la salle à manger de l’hôtel, assis au bout de la grande table, le jobbeur Huot vit entrer ses révérends visiteurs. Il ne fit aucun geste pour les accueillir. Devant lui, sur une planche de bois, reposait un magnifique rôti de porc froid. Dans sa main droite, il tenait un couteau de boucher avec lequel il coupait de larges tranches de viande qu’il portait à sa bouche. À ses côtés, une miche de pain fraîchement sortie du four servait d’accompagnement.

Le curé Labelle, qui n’avait rien mangé depuis la veille, salivait autant des yeux que du gosier devant le repas du jobbeur.

— À te voir, Poléon, on dirait que le sort des colons du Nord t’a pas coupé l’appétit, lança Labelle.

En entendant ces mots, monsieur Duchesne, le propriétaire de l’hôtel, servit à chacun des curés un poulet dodu et doré à la broche.

Napoléon Huot, alias «Emparcas câlisse», était un homme de bois de commerce désagréable. Arrogant, sûr de lui, bagarreur et têtu, il aimait bien se moquer des ouvriers qui peinaient à l’ouvrage. Aucune pitié pour les faibles, il les secouait à coups de pied au derrière.

Natif de Lac-à-la-Truite, d’un père intrépide et d’une mère aventureuse d’origine écossaise, Napoléon avait été confié, vers l’âge de dix ans, à une famille d’Algonquins qui vadrouillait dans la région du mont Tremblant. La tribu amérindienne l’avait initié à tous les pièges que cachait la forêt. Il avait épousé une blanchisseuse itinérante, toute menue et très jolie, qui s’était sentie dès le départ en sécurité dans les bras de Napoléon, son soutien de tous les instants et son protecteur devant les menaces des loups-garous qui rôdaient la nuit en forêt. Il avait eu un fils qu’il avait condamné, très jeune, aux travaux forestiers. Veuf à quarante ans, il avait passé les vingt suivantes à taquiner les galopines, à se chamailler avec tout le monde, y compris les curés et ses employeurs de la Wilson Mills.

Autour de la table, Napoléon était accompagné de son fils Réal et de James Richardson, vice-président de la Wilson Mills.

Le fils jouait les infirmiers. Il enleva, au bras de Napoléon, un emplâtre marron qui cachait une longue cicatrice rose, résultat d’une ancienne blessure en voie de guérison. Puis le fils infirmier tira d’un sac en toile une feuille de tabac du pays qu’il appliqua délicatement sur le bras blessé de Napoléon. Ce traitement singulier semblait provenir d’un héritage algonquin.

Richardson ne parlait ni ne comprenait un seul mot de français. Il se limitait à apprécier la mélodie des mots du terroir que les interlocuteurs autour de lui fredonnaient en parlant.

Le curé Labelle, une cuisse de poulet en main, regarda le jobbeur Napoléon Huot droit dans les yeux:

— J’apprends que tu fais travailler des bûcherons d’Argenteuil et d’Outaouais au détriment des colons du Nord. Tu vas me mettre fin à ce petit manège au plus vite.

— J’apprends que ton colon, le grand Roy, a assassiné mon gérant du personnel, répliqua Huot. Tu vas commencer par le faire arrêter.

— C’est un simple accident.

— C’est pas si simple que ça. J’ai perdu un bon homme.

— Fais pas le malin avec moi, Poléon. Si la chicane a poigné, c’est à cause de toi et de tes bûcherons.

— Emparcas câlisse, curé, j’ai du bois à couper, et je prendrai les bûcherons où ça fait mon affaire.

— Ça va pas se passer de même. Tu vas d’abord engager des colons de nos cantons. Ils défrichent leur lot durant l’été, mais le reste de l’année, ils ont besoin de gagner de l’argent dans les chantiers.

— C’est pas de ma faute si t’as câlissé tes colons sur des terres de roches à crever de faim.

— C’est la faute aux compagnies forestières, tes patrons, qui ont fait adopter une loi interdisant au colon de vendre le bois qu’il coupe sur son terrain. Les compagnies l’empêchent de vivre de son lot en bois debout; puis toi, encore pire, t’engages des bûcheux étrangers venus des cantons anglais pour lui enlever son gagne-pain.

— Mes bûcheux, comme tu dis, sont pas étrangers. Ils sont chez eux dans tous les cantons. Veux veux pas, curé Labelle ou non, tu vas vivre avec ça.

— Tu vas t’apercevoir, Poléon, que j’ai la vie dure, dit le curé Labelle en sortant de la poche de sa soutane une carte forestière pliée en petits carrés qu’il étala sur la table devant le jobbeur. Regarde bien, dit-il, la partie coloriée en jaune, de Saint-Jérôme jusqu’à Nominingue, et même plus haut, c’est un territoire réservé à la colonisation des Canadiens français. Pas question d’endurer des bûcherons d’Argenteuil ou d’ailleurs.

— Emparcas curé, moi je permets pas que tu te dessines une contrée à toi tout seul pour installer tes colons. Tout ça, c’est de la marde couleurée en jaune!

— C’est pas de la marde! C’est la volonté du peuple canadien-français de défricher des terres neuves, dans le territoire des Laurentides, et de créer une communauté catholique et française. Ou bien tu respectes la volonté du peuple, ou bien on refait la guerre de 1837, ici même, dans les Cantons du Nord. Mon père a combattu avec les Patriotes à Saint-Eustache. J’ai conservé son vieux fusil, et je suis prêt à prendre les armes n’importe quand.

What does he mean by eighteen-thirty-seven? demanda Richardson qui venait de saisir ce que signifiait cette date dans l’histoire du Québec.

Never mind, répliqua Napoléon Huot. Forget it!

Puis, s’adressant au curé Labelle, il poursuivit:

— Emparcas câlisse, j’trouve que tu y vas un peu fort, l’curé. Personne veut faire la guerre pour quelques arbres abattus par des bûcherons des cantons voisins. J’ai besoin de bois et je le prends sur des territoires couverts par des licences de coupe. Et mon permis de coupe m’oblige pas à engager tes colons.

— Ta licence de coupe est un privilège accordé par le gouvernement du Québec qui souhaite voir «mes» colons des Cantons du Nord s’établir dans le territoire des Laurentides, défricher leur lot durant la belle saison et travailler en forêt le reste de l’année.

— Emparcas, l’autre gouvernement, celui d’Ottawa, encourage la compagnie à faire beaucoup d’argent. De l’argent qui sert à remplir la caisse électorale du gouvernement. J’ai pas besoin de te dire, curé, que la Wilson Mills et les conservateurs sont d’accord pour que les travailleurs que j’engage viennent de la région de l’Outaouais. Ils se sacrent pas mal de tes colons.

— T’as pas l’air à comprendre, Poléon, que c’est le gouvernement de Québec, et non celui d’Ottawa, qui octroie les licences de coupe et qui en fixe le coût. Dès mon retour à Saint-Jérôme, je téléphone à Québec afin de prendre rendez-vous avec mon ami Alphonse Nantel, un membre influent du gouvernement. Il est aussi député du comté de Terrebonne, qui couvre tout le territoire en jaune sur la carte que je t’ai montrée. Et là, je te jure que ça va brasser. D’abord, la licence de coupe de la Wilson Mills va être passée au peigne fin. Ça veut dire des coûts plus élevés pour le bois; puis, des tas de problèmes pour la compagnie et pour toi. Si la Wilson Mills fait moins d’argent et si le gouvernement d’Ottawa reçoit moins de pots-de-vin… ça sera la faute à qui? Au jobbeur Poléon Huot! Et qu’arrivera-t-il à ce sacré entêté? Il sera sévèrement traité comme il le mérite, dit le curé Labelle en se levant de table d’un geste brusque. Tu fais mieux de voir à ton affaire avant qu’il soit trop tard, dit-il.

— J’vais voir ce que je peux faire, dit Napoléon Huot, ébranlé par les menaces du curé.

— Je te conseille de voir clair et de passer à l’action rapidement, dit Labelle en lui lançant un regard agressif.

Napoléon planta son couteau de boucher dans le rôti de porc et quitta les lieux. Au sortir de l’hôtel, le jobbeur, son fils Réal et le vice-président Richardson rassemblèrent un petit groupe de bûcherons en conciliabule. Les autres manifestants se dispersèrent dans l’ordre dans les rues du village, ce qui mit fin au siège de l’hôtel Duchesne.

Avant de repartir pour Saint-Jérôme, le curé Labelle accompagna le curé Ouimet au presbytère de Saint-Jovite. Les deux prêtres discutèrent de stratégie. Il fallait trouver un moyen de surveiller les opérations des compagnies forestières afin que les colons du Nord retrouvent leur place dans les chantiers du jobbeur Napoléon Huot, avant les Anglais de l’Outaouais et ceux d’Argenteuil.

— Samuel, tu vas surveiller de près ce qui se passe dans les chantiers, demanda le curé Labelle. Au besoin, tu formeras un comité composé de bûcherons. Et tu me tiendras au courant de toutes les manigances et les entourloupettes de Poléon Huot. Il faut se méfier de lui. C’est un vieux snoreau!