1986. Le terrorisme d’extrême gauche


Fondé, entre autres, par Jean-Marc Rouillan en 1979, le groupuscule d’extrême gauche Action directe multiplie les attentats contre des personnalités diverses (René A udran, Guy Brana…). Le 17 novembre 1986, l’un de ses commandos, composé de Nathalie Ménigon et de Joëlle Aubron, assassine froidement Georges Besse (1927), P-DG de la Régie Renault depuis le 25 janvier 1985. Dans un éditorial, le directeur du Monde, André Fontaine, donne son sentiment sur cet acte barbare.

 

Des hommes de cette trempe, on n’en rencontre pas tous les jours. C’est évidemment pour cette raison que Georges Besse a été abattu. Car si les tueurs avaient voulu s’en prendre à un symbole de l’oppression capitaliste, ils auraient frappé à une autre adresse. Le P-DG de Renault n’avait rien de l’exploiteur qui ne songe qu’à se remplir les poches pour mieux courir les boîtes de nuit et les mers tropicales. La passion qui nourrissait son regard inoubliable n’était pas celle du profit, mais du défi à relever et, pour mieux dire, du service.

A tâches rudes, méthodes rudes. La médecine n’avait pas suffi à la Régie. Il fallait un chirurgien, et c’est pourquoi Laurent Fabius alla chercher Georges Besse, qui avait abondamment fait ses preuves ailleurs. Personne ne peut contester qu’en moins de deux ans il avait largement engagé l’entreprise sur la voie du redressement. Le coût social a certes été lourd. Mais pouvait-il en être autrement ? Les mêmes syndicats qui s’étaient opposés à diverses initiatives de Georges Besse sont unanimes aujourd’hui à s’indigner de son assassinat. De toute manière, comme l’écrit L’Humanité, « le sang d’un P-DG dans un caniveau ne règle pas les problèmes de la lutte de classes ».

Les Français sont quasi unanimes à penser de la sorte, et il n’y a qu’une poignée de fous pour s’arroger le droit de tuer au nom d’un peuple auquel ils font en réalité horreur. Ne laissons surtout pas des considérations de basse politique ou de haute police entraver cette mobilisation de toute la nation contre le terrorisme qui constitue le seul moyen sûr d’en venir finalement à bout.

André Fontaine, « Une poignée de fous », Le Monde, 19 novembre 1986.