1972 marque la naissance du Front national, une organisation d’extrême droite. Longtemps sans audience, cette formation, dirigée par Jean-Marie Le Pen (1928), connaît une progression spectaculaire à partir de 1983. Le dimanche 26 avril 1987, Jean-Marie Le Pen annonce sa candidature à la présidence de la République depuis La Trinité-sur-Mer, commune de sa naissance.
J’ai pris la grave décision d’être l’an prochain candidat à la présidence de la République.
J’ai voulu en faire l’annonce officielle ici, dans cette petite maison bretonne de La Trinité-sur-Mer où je suis né il y a cinquante-huit ans, et que je tiens de mon père, qui la tenait du sien, au milieu de ceux qui me connaissent mieux que d’autres, sur cette terre de foi où la civilisation s’est affirmée plus de cinq mille ans, au bord de cette mer qui fut le domaine et le lieu de travail des miens, symbole pour tous les hommes de liberté, de découvertes et d’évasion, et pour la France de sa grande aventure conquérante et civilisatrice, moyen aujourd’hui encore d’une grandeur retrouvée pour elle et pour l’Europe.
Enfant du peuple, pupille de la nation, j’y ai été élevé par ma mère dans l’amour de Dieu et du pays. J’ai moi-même consacré ma vie à ma famille et à ma patrie, que j’ai servie de mon mieux depuis plus de quarante ans, tant sous son drapeau que dans ma vie militaire et publique.
C’est parce que j’ai la profonde conviction que la patrie est en grand danger et que les Français sont menacés d’être ruinés, submergés et asservis que j’ai décidé de m’engager dans cette bataille décisive pour l’avenir de la France.
Les partis politiques traditionnels, les institutions elles-mêmes, sont incapables ou impuissants à faire échec à ce destin sinistre. Les oligarchies, les factions, les lobbies nationaux ou étrangers se disputent le pouvoir, et la démocratie n’est plus qu’une façade.
La crise démographique, l’immigration, le chômage, l’insécurité, l’étatisme bureaucratique, le fiscalisme, la dégradation des mœurs, sont les signes cliniques d’une décadence mortelle.
Or la démocratie, c’est le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple. Il faut donc que le peuple parle, qu’il dise clairement sa volonté et son choix majoritaire, et quel est le chef qu’il se choisit pour conduire son sursaut et sa renaissance. Encore faut-il, ce qui n’est hélas pas le cas aujourd’hui, qu’il soit clairement et loyalement informé des questions auxquelles il doit répondre.
L’ordre et le travail.
C’est pour l’y aider que je serai candidat et ferai campagne toute une longue année.
Après tant de désillusions et de revers, je sais que les Français dans leur majorité aspirent à l’ordre, au travail, à la concorde, dont ils ont le goût et l’instinct, comme en témoignent les succès croissants du mouvement national que j’anime.
C’est cette majorité que je vais, avec votre aide, m’efforcer de rassembler.
Je le ferai avec la volonté d’agir contre le chômage, contre la crise économique et contre le socialisme qui les a engendrés ; avec celle aussi de remettre à l’honneur la foi patriotique à partir de la famille et de l’école, d’exalter les valeurs les plus sacrées, et afin d’œuvrer au renforcement de notre sécurité par l’union des patries de l’Europe et leur défense commune.
Homme de foi, je crois avec passion que le déclin n’est pas inéluctable et qu’il y a pour la France un avenir d’espoir, pour peu que chacune et chacun de vous, Français, en fasse son affaire, car c’est son affaire.
Aidons-nous, et, j’en suis sûr, Dieu nous aidera !
Jean-Marie Le Pen, déclaration du 26 avril 1987, Le Monde, 28 avril 1987.