1988. Le drame néo-calédonien


À partir de 1983, la situation se dégrade en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement français prépare alors un statut accordant une large autonomie à ce TOM. La victoire des anti-indépendantistes aux élections de septembre 1985 et la nomination de Jacques Chirac à Matignon le rendent inapplicable. L’échec enregistré le 13 septembre 1986 par les indépendantistes lors du référendum portant sur l’autodétermination le démontre. La situation se tend alors entre les communautés canaques et caldoches, aboutissant les 5-6 mai 1988 à la tuerie d’Ouvéa. Sitôt nommé, le nouveau Premier ministre, Michel Rocard, s’emploie à désamorcer la tension. Le 26 juin 1988, il parvient à accorder le RPCR de Jacques Lafleur et le FLNKS de Jean-Marie Tjibaou sur un statut que le référendum du 6 novembre 1988 entérine à une très large majorité (79,98 % des voix).

 

Les communautés de Nouvelle-Calédonie ont trop souffert, dans leur dignité collective, dans l’intégrité des personnes et des biens, de plusieurs décennies d’incompréhension et de violence.

Pour les uns, ce n’est que dans le cadre des institutions de la République française que l’évolution vers une Nouvelle-Calédonie harmonieuse pourra s’accomplir.

Pour les autres, il n’est envisageable de sortir de cette situation que par l’affirmation de la souveraineté et de l’indépendance.

L’affrontement de ces deux convictions antagonistes a débouché jusqu’à une date récente sur une situation voisine de la guerre civile.

Aujourd’hui, les deux parties ont reconnu l’impérieuse nécessité de contribuer à établir la paix civile pour créer les conditions dans lesquelles les populations pourront choisir, librement et assurées de leur avenir, la maîtrise de leur destin.

C’est pourquoi elles ont donné leur accord à ce que l’État reprenne pendant les douze prochains mois l’autorité administrative sur le territoire.

En conséquence, le Premier ministre présentera un projet dans ce sens au Conseil des ministres du 29 juin 1988.

Les délégations se sont, par ailleurs, engagées à présenter et à requérir l’accord de leurs instances respectives sur les propositions du Premier ministre concernant l’évolution future de la Nouvelle-Calédonie.

 

Annexe n° 1.

 

L’ouverture d’une perspective nouvelle pour la Nouvelle-Calédonie, garantissant une paix durable fondée sur la coexistence et le dialogue, fondée également sur la reconnaissance commune de l’identité et de la dignité de chacune des communautés présentes sur le territoire, reposant sur un développement économique, social et culturel équilibré de l’ensemble du territoire, sur la formation et la prise de responsabilité de l’ensemble des communautés humaines qui le peuplent, appelle dans un premier temps, limité à douze mois, le renforcement des pouvoirs de l’État. Son impartialité la plus stricte, la sécurité et la protection, seront assurées à tous, ainsi qu’une meilleure répartition dans toutes les régions des services publics et administratifs.

Il en découle que le budget du territoire pour 1989 sera préparé par le haut-commissaire. Par ailleurs, si les recours actuellement déposés devant le Conseil d’État contre les élections régionales du 24 avril mettaient le Congrès dans la situation de ne plus pouvoir exercer les compétences qu’il tient de la loi n° 88-82 du 22 janvier 1988 précitée, en matière budgétaire et fiscale, le haut-commissaire réglerait le budget, sans que puissent être modifiées les dispositions fiscales existantes.

A cet effet, un projet de loi présenté par le gouvernement le 29 juin prochain prévoira de faire exercer par le haut-commissaire les pouvoirs du Conseil exécutif du territoire tels que les définit la loi n° 88-82 du 22 janvier 1988. Le haut-commissaire sera assisté, pour l’exercice de sa mission, d’un comité consultatif de huit membres, nommés par décret et représentatifs des principales familles politiques de Nouvelle-Calédonie. Ce comité sera également consulté sur les projets de loi ou de décret intéressant le territoire. Sa composition sera rendue publique en même temps que le projet de loi.

Cette unification sous l’autorité du haut-commissaire des services de l’État et de ceux du territoire, pour une durée limitée à un an, devra engager une répartition des crédits et des emplois publics permettant le développement de régions défavorisées de Nouvelle-Calédonie, couplée avec une politique favorisant les investissements privés. Elle permettra de jeter les bases d’une véritable politique de formation, afin de rattraper les retards et de corriger les déséquilibres que traduit la trop faible présence de Mélanésiens dans les différents secteurs d’activité du territoire, et en particulier dans la fonction publique.

Cette phase intermédiaire, qui prendra effet dès la promulgation de loi, sera mise à profit dans l’élaboration des dispositions définitives du projet de loi consacrant le nouvel équilibre géographique, institutionnel, économique et social du territoire, élaboré à partir des principes énoncés dans le présent document.

Dès le début de la session parlementaire d’automne, le gouvernement proposera à M. le président de la République, conformément à l’article 11 de la Constitution, de soumettre ce projet de loi à la ratification du peuple français par voie de référendum.

Ces nouvelles dispositions institutionnelles s’appliqueront à compter du 14 juillet 1989. Les élections aux nouvelles instances provinciales interviendront le même jour que le renouvellement général des conseils municipaux en France métropolitaine et outre-mer. Le projet de loi soumis à référendum fixera donc au 14 juillet 1989 la limite du mandat des actuels conseils de région et donc du Congrès du territoire.

Ces élections se dérouleront après une refonte des listes électorales. Le centre d’information civique sera invité à organiser une campagne d’information en vue de l’inscription des jeunes électeurs sur les listes électorales.

Dès janvier 1989, l’INSEE engagera en Nouvelle-Calédonie les opérations prévues dans le cadre du recensement général de la population.

Le haut-commissaire engagera dès le quatrième trimestre 1988 les études et négociations préalables à la signature des contrats États-provinces.

Ceux-ci mettront notamment l’accent sur des actions de formation nécessaires à l’exercice des responsabilités nouvelles. Ils prévoiront la réalisation de grands travaux destinés à rééquilibrer le développement économique du territoire et à améliorer les conditions de vie quotidienne de ses habitants.

A titre d’exemple, seront engagées, ou poursuivies, les études de réalisation de la route transversale Koné-côte est, de la jonction route côtière Houailou-Canala, et du port en eau profonde de Nepoui.

De plus, 32 millions de francs français seront dégagés pour 1988 et 1989 pour donner aux communes les moyens de réaliser les actions d’aménagement confiées aux jeunes dans le cadre de travaux d’utilité collective.

Le haut-commissaire engagera la réorganisation des services de l’État et du territoire, nécessitée par les nouvelles structures provinciales, et définira les moyens et les infrastructures qu’appelle ce redéploiement.

Enfin, pour permettre l’expression et l’épanouissement sous toutes ses formes de la personnalité mélanésienne, une action soutenue sera mise en œuvre pour assurer l’accès de tous à l’information et à la culture. À cet effet, il sera créé un établissement public, dénommé Agence de développement de la culture canaque.

La Commission nationale de la communication et des libertés sera saisie par le gouvernement afin que les cahiers des charges des moyens de communication de service public respectent le pluralisme de l’information et la diversité des programmes au regard des différentes communautés du territoire.

Déclaration commune signée le 26 juin par M. Rocard, les représentants du RPCR, du LKS et du FLNKS, Le Monde, 28 juin 1988.