2007. Nicolas Sarkozy remporte la victoire
à l’élection présidentielle


Le 22 avril 2007, le premier tour de l’élection présidentielle, devant permettre de désigner un successeur à Jacques Chirac qui ne se représentait pas, permet au candidat Nicolas Sarkozy, soutenu par le parti de droite UMP, d’arriver en tête avec une sérieuse avance. Sur fond de l’un des plus forts taux de participation (plus de 83 % des électeurs se sont déplacés, soit un taux approchant les sommets atteints lors des élections présidentielles de 1965 et de 1974 qui dépassaient 84 %), Nicolas Sarkozy franchit le seuil des 31 %. Suivent son adversaire socialiste, Ségolène Royal avec 25,8 %, le candidat centriste François Bayrou (18,5 %) et le leader d’extrême droite Jean-Marie Le Pen (10,4 %). Au soir du second tour, le 6 mai, Nicolas Sarkozy l’emporte sur Ségolène Royal avec plus de 53 % des suffrages. Après l’annonce de cette victoire, le candidat élu, mais pas encore investi, prononce sa première allocution de président de la République, salle Gaveau, devant ses partisans enthousiastes.

 

Dans ce moment qui est, chacun le comprend, exceptionnel, dans la vie d’un homme, je ressens une immense, une sincère et une profonde émotion. J’éprouve depuis mon plus jeune âge la fierté indicible d’appartenir à une grande, à une vieille, à une belle nation : la France. J’aime la France comme on aime un être cher, qui m’a tout donné. Maintenant c’est à mon tour de rendre à la France ce que la France m’a donné. Ce soir ma pensée va aux millions de Français qui aujourd’hui m’ont témoigné leur confiance. Je veux leur dire qu’ils m’ont fait le plus grand honneur qui soit à mes yeux en me jugeant digne de présider aux destinées de la France. Ma pensée va à tous ceux qui m’ont accompagné dans cette campagne : je veux leur dire ma gratitude, je veux leur dire mon affection, je veux le dire d’abord à ma famille, je veux le dire à mes amis, je veux le dire à mes partisans, je veux le dire à tous ceux qui m’ont soutenu.

Mais ma pensée va à Mme Royal. Je veux lui dire que j’ai du respect pour elle et pour ses idées dans lesquelles tant de Français se sont reconnus. Respecter Mme Royal, c’est respecter les millions de Français qui ont voté pour elle. Un président de la République doit aimer tous les Français, quelles que soient leurs opinions.

Ma pensée va donc à tous les Français qui n’ont pas voté pour moi. Je veux leur dire que, par-delà le combat politique, par-delà les divergences d’opinion, il n’y a pour moi qu’une seule France. Je veux leur dire que je serai le président de tous les Français, que je parlerai pour chacun d’entre eux. Je veux leur dire que ce soir ce n’est pas pour moi la victoire d’une France contre une autre. Il n’y a pour moi ce soir qu’une seule victoire : celle de la démocratie, celle des valeurs qui nous unissent, celle de l’idéal qui nous rassemble. Ma priorité sera de tout mettre en œuvre pour que les Français aient toujours envie de se parler, de se comprendre, de travailler ensemble.

Le peuple français s’est exprimé. Il a choisi de rompre avec les idées, les habitudes et les comportements du passé. Je vais donc réhabiliter le travail, l’autorité, la morale, le respect, le mérite… Je vais donc remettre à l’honneur la nation et l’identité nationale. Je vais rendre aux Français l’identité de la France. Je vais en finir avec la repentance, qui est une forme de haine de soi. Et la concurrence des mémoires, qui nourrit la haine des autres.

Le peuple français a choisi le changement, ce changement je le mettrai en œuvre parce que c’est le mandat que j’ai reçu du peuple, et parce que la France en a besoin.

Mais je le ferai avec tous les Français… Je le ferai dans un esprit d’union et de fraternité, je le ferai sans que personne n’ait le sentiment d’être exclu, d’être laissé pour compte. Je le ferai avec la volonté que chacun puisse trouver sa place dans notre République, que chacun s’y sente reconnu, s’y sente respecté dans sa dignité de citoyen et dans sa dignité d’homme.

Tous ceux que la vie a brisés, ceux que la vie a usés doivent savoir qu’ils ne seront pas abandonnés, qu’ils seront aidés, qu’ils seront secourus. Ceux qui ont le sentiment que, quoi qu’ils fassent, ils ne pourront pas s’en sortir, doivent être sûrs qu’ils ne seront pas laissés de côté et qu’ils auront les mêmes chances que les autres.

J’appelle tous les Français, par-delà leurs partis, leurs croyances, leurs origines, à s’unir à moi pour que la France se remette en mouvement.

J’appelle chacun à ne pas se laisser enfermer dans l’intolérance et dans le sectarisme, mais à s’ouvrir aux autres, à ceux qui ont des idées différentes, à ceux qui ont d’autres convictions.

Je veux lancer un appel à nos partenaires européens, auxquels notre destin est profondément lié, pour leur dire que toute ma vie j’ai été européen ; que je crois profondément, que je crois sincèrement, en la construction européenne. Et que ce soir la France est de retour en Europe. Mais je conjure nos partenaires européens d’entendre la voix des peuples qui veulent être protégés ; je conjure nos partenaires européens de ne pas rester sourds à la colère des peuples qui conçoivent l’Union européenne non comme une protection, mais comme le cheval de Troie de toutes les menaces que portent en elles les transformations du monde.

Je veux lancer un appel à nos amis américains, pour leur dire qu’ils peuvent compter sur notre amitié, qui s’est forgée dans les tragédies de l’histoire que nous avons affrontées ensemble. Je veux leur dire que la France sera toujours à leurs côtés quand ils auront besoin d’elle, mais je veux leur dire aussi que l’amitié, c’est accepter que des amis puissent penser différemment, et qu’une grande nation comme les États-Unis a le devoir de ne pas faire obstacle à la lutte contre le réchauffement climatique, mais au contraire de prendre la tête de ce combat, parce que ce qui est en jeu c’est le sort de l’humanité tout entière. La France fera de ce combat son premier combat.

Je veux lancer un appel à tous les peuples de la Méditerranée, pour leur dire que c’est en Méditerranée que tout va se jouer ; qu’il nous faut surmonter toutes les haines pour laisser la place à un grand rêve de paix et à un grand rêve de civilisation. Je veux leur dire que le temps est venu de bâtir ensemble une union méditerranéenne, qui sera un trait d’union entre l’Europe et l’Afrique. Ce qui a été fait pour l’union de l’Europe il y a soixante ans, nous allons le faire aujourd’hui pour l’union de la Méditerranée.

Je veux lancer un appel à tous les Africains ; un appel fraternel pour dire à l’Afrique que nous voulons l’aider : aider l’Afrique à vaincre la maladie, à vaincre la famine, à vivre en paix. Je veux leur dire que nous allons décider ensemble d’une politique d’immigration maîtrisée et d’une politique de développement ambitieuse.

Je veux lancer un appel à tous ceux qui, dans le monde, croient aux valeurs de la tolérance, de la liberté, de la démocratie, de l’humanisme… À tous ceux qui sont persécutés par les tyrannies et les dictatures… Je veux dire à tous les enfants à travers le monde, à toutes les femmes martyrisées dans le monde… Je veux leur dire que la fierté et le devoir de la France sera d’être à leurs côtés. La France sera aux côtés des infirmières libyennes enfermées depuis huit ans… La France n’abandonnera pas Ingrid Betancourt… La France n’abandonnera pas les femmes qu’on condamne à la burqa… La France n’abandonnera pas les femmes qui n’ont pas la liberté… La France sera du côté des opprimés du monde… C’est le message de la France, c’est l’identité de la France, c’est l’histoire de la France…

Mes chers compatriotes, nous allons écrire ensemble une nouvelle page de notre histoire.

Mes chers compatriotes, cette page de notre histoire, je suis sûre qu’elle sera grande, qu’elle sera belle… Et du fond du cœur je veux vous le dire avec la sincérité la plus totale qui est la mienne en ce moment où je vous parle : vive la République et vive la France !

Allocution de Nicolas Sarkozy, 6 mai 2007.