1893. Une victoire historique des socialistes


Les élections législatives des 20 août et 3 septembre 1893 sont un triomphe pour les candidats socialistes. Toutes tendances confondues, ils obtiennent 600 000 voix qui leur assurent une cinquantaine d’élus : une vingtaine d’indépendants, quelques radicaux socialistes, 5 guesdistes, 4 blanquistes, 2 broussistes et 5 allemanistes dont le journal, Le Parti ouvrier, rend compte ici des résultats. Le parti de Jean Allemane, le POSR (Parti ouvrier socialiste révolutionnaire), fondé en 1890, avait toujours manifesté sa méfiance à l’égard des élections.

 

Ça y est. L’inique arbre social est entamé. Le coin qui doit le faire éclater est amorcé. Point ne sera besoin de taper dessus pour le faire pénétrer plus avant ; la force des choses et l’impuissance de la majorité à faire quoi que ce soit y suffiront.

Je suis d’autant plus satisfait du résultat de dimanche que je n’ai pas une foi bien grande en la vertu du suffrage universel, tel qu’il est pratiqué.

Tant de circonstances contribuent à le fausser !

Pour être efficace, il devrait être sincère et éclairé.

Réunit-il ces deux qualités maîtresses ? Il ne faut pas l’avoir vu à l’œuvre pour le croire.

Il ne faut pas avoir été témoins du scandaleux marchandage des voix ; il ne faut pas avoir vu les plus viles calomnies, les injures les plus grossières s’étaler sur les murs et dans la presse, pour en douter.

Car il n’y a pas à dire, le moins qu’est un député, surtout socialiste, c’est : voleur ou assassin ; ou les deux réunis.

Aussi, combien les résultats obtenus me semblent-ils magnifiques, quand je vois les obstacles qu’il a fallu vaincre. Sans argent, ayant contre eux une presse hostile et riche, les candidats du Parti, avec leur ténacité et leur seule franchise dans l’exposition du programme de revendications populaires, ont su amener à eux les travailleurs, et déloger des positions acquises, de leurs fiefs, des individualités considérées comme les plus imminentes [sic] du parti républicain.

Ils ont eu beau s’affubler d’un faux nez socialiste, rien n’y a fait. Le peuple a su reconnaître les siens.

Car c’est étonnant combien il y a de socialistes parmi nos dirigeants.

Qui s’en fût douté, il y a quelques années ?

B., « La trouée », Le Parti ouvrier, 7-8 septembre 1893.