1876. L’Après-Midi d’un faune
Églogue


Stéphane Mallarmé (1842-1898) commença sa carrière poétique sous l’influence conjointe de Charles Baudelaire et d’Edgar Poe dont il traduisit des poèmes. Poussé par une exigence esthétique d’une rigueur extrême, il quitta cette route trop bien tracée pour lui vers 1865. Il se mit alors à travailler avec obstination. Des fragments d’Hérodiade, drame lyrique qui resta inachevé, furent élaborés dès cette période. Une première version de L’Après-Midi d’un faune fut également mise au point. Il fallut pourtant attendre 1875 pour voir le poète se satisfaire d’une version définitive qui fut publiée en 1876. « Étranger à la langue », le vers est obscur. La poésie mallarméenne est un agencement abstrait de sons, d’images, de sens et de rythmes. Elle fut l’un des grands référents du symbolisme qui bientôt s’en réclama.

 


LE FAUNE

Ces nymphes, je les veux perpétuer.

Si clair,

Leur incarnat légé qu’il voltige dans l’air

Assoupi de sommeil touffus.

Aimai-je un rêve ?

Réfléchissons…

ou si les femmes dont tu gloses

Figurent un souhait de tes sens fabuleux !

Faune, l’illusion s’échappe des yeux bleus

Inerte, tout brûle dans l’heure fauve

Sans marquer par quel art ensemble détala

Trop d’hymen souhaité de qui cherche le la :

Alors m’éveillerai-je à la ferveur première,

Droit et seul, sous un flot antique de lumière,

Lys ! et l’un de vous tous pour l’ingénuité.