Ce dimanche soir, l’aquarium était en émoi. Le mercure éclairait tragiquement Alfred.
Il faisait chaud, humide.
Je me souvins des promenades au Jardin d’acclimatation, avec ma bonne. La serre était un vieux crocodile endormi.
Dès que j’apparus, des appels retentirent.
– Venez vite, venez vite, criait Alfred, il y a du neuf !
– Rien de fâcheux ?
– Non, non, mais notre Américain est incorrigible. Sa dernière friandise dépasse les bornes. Il me rend la tâche délicate et, maintenant, dès que j’offre une tige d’aloès au Potomak, il la refuse, il piétine de droite et de gauche, il crache son huile d’olive et me boude. Ce n’était pas un service à nous rendre.
Pour dire la vérité, le Potomak souriait. « Dame, bougonnait Alfred, une boîte à musique américaine ;
une machine d’au moins trente mille francs, si ce n’est pas fou ! »
En effet, comme des entrailles de Bayreuth, montait, traversant chairs et squames, amortie mais sonore aux parois de verre, la gravité ruisselante, la pompe limoneuse, l’emphase ondine du bain d’Amfortas.
Le Potomak ne se trouvait pas mal à l’aise d’un bouillonnement de notes qui se pressent comme des globules vers la surface du Rhin. Il savourait ces borborygmes de cathédrale et d’aquarium
.
– Il y a longtemps que la boîte marche ?
– Deux jours, répondit Alfred. Il ne la digère pas. Parsifal commence. Je viens d’entendre Siegfried.
– Et quelle a été son attitude au passage de Fafner ?
– Il a souri.
– Je crois, insinuai-je, qu’il aurait tout à perdre à suivre un régime pareil.
L’Opoponax comptait ses pieds, la Cadence sautillait, l’Aratoire raclait la terre, l’Orphéon dévorait un géranium, le Pharynx récitait « Odile », et la lumière avait des tics nerveux.
On sentait le luxe tuer l’amour.