images

À la seconde où il l’aperçut dans le snack, Graham comprit son erreur.

Il ne l’avait pas oubliée. Mais il l’avait bel et bien laissée tomber.

Et là, alors même qu’il était assis en face d’Olivia, il fut saisi d’une torturante et désespérante certitude : il était complètement passé à côté. Il aurait dû se battre. Il aurait dû retourner chez elle tous les soirs, l’appeler tous les jours, lui envoyer un mail tous les quarts d’heure. Il n’aurait pas dû s’avouer vaincu.

Il n’aurait pas dû baisser les bras.

Et, maintenant, il était trop tard.

Elle ne lui avait même pas accordé un regard. Pas un seul.

De l’autre côté de la table, Olivia plissait les yeux pour tenter de décrypter le menu écrit sur une ardoise au-dessus du comptoir.

— Comment ça, il n’y a pas de salade ? s’insurgea-t-elle d’un ton geignard, dont elle ne parvenait à se défaire que lorsqu’elle entrait dans la peau de son personnage.

— Je suis bien sûr qu’ils peuvent te mettre trois feuilles de laitue dans un bol, lâcha-t-il distraitement.

Elle le regarda comme s’il venait de lui suggérer de lécher le carrelage.

Ça faisait pratiquement trois semaines qu’il n’avait cessé d’imaginer ce qui se passerait s’il retombait sur Ellie quelque part. Mais aucun de ces scénarios ne prévoyait la présence d’Olivia.

— Excusez-moi, lançait cependant l’intéressée, en faisant signe à la dame qu’il avait aidée à ramasser les bonbons tout à l’heure. Serait-il possible d’avoir quelques feuilles de roquette ? Auriez-vous… une poire peut-être ? Ou, éventuellement, du fromage de chèvre ? (Elle se tourna vers lui avec un sourire étincelant.) Je rêverais d’un petit chèvre chaud !

Il était clair que leur interlocutrice avait le fou rire.

— On n’a que ce qu’il y a sur la carte, lui répondit-elle, en indiquant un panneau qui récapitulait toutes les options possibles (genre rosbif, dinde ou jambon). Et on commande au comptoir.

Graham se leva.

— J’y vais.

— Bon, je crois que je vais prendre un sandwich à la dinde, dans ce cas, déclara Olivia, en tirant son Smartphone de sa poche avec un soupir à fendre l’âme. Sans pain.

— Vous parlez d’un sandwich ! marmonna la dame, en contournant leur table pour retourner à son poste derrière le comptoir.

Plusieurs personnes proposèrent à Graham de le laisser passer. Il refusa poliment. Il jeta un coup d’œil par la vitre, là où il pouvait voir le magasin des O’Neill, de l’autre côté de la place, puis reporta son attention sur leur table où Olivia s’éventait d’une main soigneusement manucurée.

Harry n’avait pas arrêté de lui casser les pieds en essayant de le persuader que sortir avec Olivia serait ce qu’il pouvait faire de mieux pour sa carrière. Après avoir choisi son prochain film parmi le large éventail de scénarios étalés sur la table basse de sa chambre d’hôtel, s’entend. Chacun semblait pire que le précédent. Tous des histoires d’aliens, de robots et de vampires. Il y avait même une adaptation en comédie musicale d’une vieille série télé dans laquelle il devait jouer son propre jumeau et une bouffonnerie de potaches sur deux lycéens de seconde qui se faisaient passer, toute une soirée, pour des étudiants de fac.

— Je sais, je sais, compatissait Harry, chaque fois qu’il lui balançait un nouveau script. Il faut pourtant bien qu’on planifie la suite.

Il en était parfaitement conscient. Il ne voulait pas prendre le premier navet qui passait pour autant.

Au cours de ces dernières semaines, il s’était jeté à corps perdu dans le tournage, abordant chaque nouvelle scène avec un regain d’énergie, ne ratant jamais aucune de ses marques, servant ses répliques à la virgule près. Le soir, il s’endormait sur son inconfortable lit d’hôtel avec une copie annotée du script dans les bras et, le matin, il répétait son texte sous la douche et en se brossant les dents.

Il faut dire qu’il n’y avait pas grand-chose à faire d’autre, à Henley. Sans Ellie, il s’était senti de plus en plus à l’étroit dans ce petit port du Maine, et il commençait à en avoir marre de déjeuner tous les midis dans sa loge et de dîner tous les soirs dans sa chambre d’hôtel. Harry lui tapait sur les nerfs et Mick n’avait que le boulot à la bouche. Il lui arrivait bien de jouer aux cartes avec les autres membres de l’équipe, mais la plupart étaient plus vieux que lui et il finissait toujours par se retrouver en solo à ne pas trop savoir quoi faire de ses dix doigts. Il n’y avait pas beaucoup de trucs plus déprimants que se réveiller tout seul devant un écran de télé neigeux, avec une assiette à moitié pleine sur un plateau de room-service, en travers d’un lit d’hôtel défait.

Hier soir, en allumant la télé, il avait été surpris de tomber sur une rediff de Du silence et des ombres. Il ne l’avait pas revu depuis qu’il était gamin, pelotonné sur le canapé, bien calé entre ses parents, partageant avec eux le traditionnel saladier de pop-corn. Il s’était retrouvé tout aussi captivé par le film, fasciné par la puissance intemporelle de l’émotion qu’il suscitait : un vrai et grand classique. Tous ses petits camarades pouvaient bien se garder leurs « dance movies », leurs comédies salaces et leurs films d’action. Ce qu’il voulait faire, lui, c’était un truc comme ça, avait-il alors réalisé. Un truc qui comptait.

Sur le chemin du plateau, ce matin, Olivia avait aligné son pas sur le sien. Il savait qu’elle avait déjà signé ses deux prochains films : un Disney sur une princesse d’aujourd’hui et une comédie sur deux colocs de fac. Même s’il ne pouvait s’empêcher d’émettre quelques doutes sur ses choix, en un sens, il l’enviait. Elle savait exactement ce qu’elle voulait, et elle savait exactement où elle allait. Il était loin de pouvoir en dire autant.

— Qu’est-ce que tu fais pour le 4 Juillet ? lui avait-elle demandé, en ajustant ses lunettes de soleil, tandis qu’ils se dirigeaient vers toutes ces caméras qui les attendaient, perchées sur des dollies, prêtes à les pister lorsqu’ils descendraient la rue, un peu plus tard dans la matinée.

Quand Mick avait suggéré qu’ils pourraient bosser tout le week-end, il y avait eu une véritable mutinerie, tant parmi les acteurs qu’au sein de l’équipe technique. Il ne restait que trois jours de tournage – moins même, pour lui, puisqu’il était censé finir avant midi le deuxième jour – et le réalisateur avait voulu embrayer directement pour pouvoir rentrer à L.A. Mais, après un mois de boulot non-stop, sans un seul jour de repos, tout le monde avait désespérément besoin d’un break. Alors Mick avait fini par céder. Ils auraient leur week-end férié, avant de revenir boucler le tournage. Du coup, tout le monde semblait tirer des plans sur la comète. Graham avait entendu certains des techniciens parler de louer un bateau pour aller se faire une petite virée arrosée en mer, tandis que d’autres comptaient prendre part aux festivités locales.

— Je pense aller passer la journée à Manhattan, avait poursuivi Olivia, sans lui laisser le temps de répondre. Je commence à oublier à quoi ressemble le monde civilisé.

— Sympa, avait-il commenté.

Elle lui avait jeté un regard en coin.

— Tenté ?

Il avait haussé les sourcils.

— De faire un saut à New York ?

— À Manhattan, avait-elle rectifié, comme si ça n’avait strictement rien à voir. Ça te ferait du bien de quitter ce trou, avoue.

Bizarrement, l’idée l’avait plutôt séduit. Surtout après toutes ces journées de solitude. Il s’était quand même demandé si elle était sérieuse. Il l’avait dévisagée pour essayer de savoir si c’était vraiment une invitation, si elle avait vraiment envie qu’il vienne. Serait-il possible qu’elle ait des sentiments pour lui, que ce ne soit pas uniquement pour se faire de la pub ?

Avant qu’il n’ait pu se décider, elle avait ajouté avec un sourire entendu :

— Évidemment, ce n’est pas L.A. Mais je suis sûre qu’on ne passera pas totalement inaperçus. (Elle avait ralenti en approchant de sa loge.) Tu n’as encore rien de prévu, si ?

Il avait repensé à l’idée qu’il s’était faite de son 4 Juillet : un défilé, un feu d’artifice, des cierges magiques, des fanfares… les festivités d’une petite ville, et l’occasion de passer un peu de temps avec ses parents. Il n’avait jamais répondu au mail de sa mère et il n’avait plus entendu parler d’eux, jusqu’à la semaine dernière, quand elle l’avait appelé « juste pour lui dire un petit coucou ». Ils avaient passé dix minutes à parler du temps qu’il faisait en Californie et de ce qu’elle lisait pour son club de lecture. Lorsqu’elle l’avait interrogé sur le film, il avait détourné la conversation, comme il le faisait toujours dès que ses parents abordaient le sujet. Cet intérêt poli le glaçait. Mais, quand elle avait évoqué le barbecue des voisins pour le 4 Juillet, il n’avait même pas pu articuler un mot.

— Chéri ? s’était étonnée sa mère, en ne l’entendant plus, sa voix toute fluette au bout du fil.

— Super, avait-il sèchement commenté.

Elle avait soupiré.

— Je suis désolée qu’on ne puisse pas venir, avait-elle dit au bout d’un moment. Tu sais comment est ton père : dès qu’il s’agit de voyager…

— C’est bon, maman.

— Et toi, qu’est-ce que tu vas faire ?

— En fin de compte, je vais être obligé de travailler, de toute façon, avait-il menti, sachant pertinemment qu’il allait sans doute occuper ces journées de fête comme il avait occupé toutes celles qui les avaient précédées depuis qu’il était ici : en faisant des grandes balades alentour, en regardant les bateaux rentrer au port, en matant des films, en gribouillant un ou deux dessins et en prenant des nouvelles de Wilbur auprès du mec qui s’en occupait. Il l’avait fait si souvent, ces derniers temps, qu’il avait fini par ne plus obtenir que les plus sarcastiques commentaires en réponse, du style « cochon en vadrouille » ou « le porc n’est plus dans nos murs ».

Lui qui avait été si content de quitter L.A., de se retrouver ici ! Il s’était même dit que quatre petites semaines ne suffiraient jamais. Il se rendait compte, à présent, que tout ce que cet endroit avait de si attirant ne tenait, en fait, entièrement et exclusivement qu’à Ellie : maintenant qu’elle ne figurait plus au générique, il ne lui restait plus qu’à rentrer chez lui.

Mais ils avaient encore quelques jours à tirer et là, franchement, il ne pouvait plus supporter l’idée d’un énième déjeuner en tête à tête avec Harry.

— Je ne peux pas, avait-il répondu à Olivia, qui attendait toujours sa réponse pour New York. Mais qu’est-ce que tu fais à midi ?

Pendant qu’ils déjeunaient (ou plutôt, qu’il déjeunait, vu qu’Olivia se contentait de taquiner son tas informe de dinde et de laitue du bout de sa fourchette), il faisait de son mieux pour meubler la conversation. Ce n’était pas gagné. Olivia ne cessait de regarder autour d’elle, comme s’ils étaient dans un club huppé de L.A. et que, d’une seconde à l’autre, un des « riches et célèbres » de Hollywood allait faire son entrée. Il essayait de lui poser ce qu’il jugeait être de vraies questions (où elle était née, comment étaient ses parents…) au lieu de lui resservir le baratin habituel du milieu sur ses prochains films et comment elle avait débuté dans le métier. Il sentait cependant trop la présence de tous ces gens assis autour d’eux et les tables étaient trop rapprochées pour qu’on puisse parler ouvertement de quoi que ce soit de personnel. De toute façon, Olivia ne l’écoutait que d’une oreille, partageant son temps entre son assiette et son Smartphone.

Il n’était pas tout à fait là non plus, pour être honnête. Sa rencontre avec Ellie l’avait bien trop secoué pour qu’il puisse réussir à se concentrer.

En se dirigeant vers la sortie, ils signèrent quelques autographes et il déposa son obole dans le bocal à pourboires. Dehors, les photographes avaient fini par les retrouver. Comme d’habitude, Graham rechaussa ses lunettes noires, baissa la tête et se mit à marcher à grandes enjambées vers le plateau. Mais Olivia glissa son bras sous le sien, l’obligeant à ralentir. Il comprit alors que, si tout ce cirque médiatique le faisait fuir, Olivia, elle, y prenait plaisir. Il se demanda si elle profitait de sa présence pour faire monter sa cote de popularité ou si elle aimait vraiment attirer l’attention. Il adopta sa démarche nonchalante et se pavana avec elle aussi longtemps qu’il put, avant de finir par lui murmurer, les dents serrées :

— Il faut qu’on y retourne.

— Ce n’est pas comme s’ils risquaient de commencer sans nous, de toute façon, ironisa-t-elle entre haut et bas. C’est ça l’avantage d’être une star.

— Vous êtes ensemble, maintenant ? lança alors un des paparazzi, en leur faisant un clin d’œil.

Olivia haussa les sourcils et se contenta de lui adresser un sourire énigmatique.

Le court trajet lui parut interminable. Quand ils atteignirent le bout de la rue, il éprouva un incroyable soulagement en apercevant Harry et ne mit pas longtemps à se dépêtrer de l’étreinte d’Olivia en le voyant approcher, visiblement ravi de les trouver bras dessus bras dessous.

— Venez, venez, les héla-t-il, en leur faisant franchir les barrières métalliques qui séparaient le plateau du reste de la rue, laissant le crépitement des appareils photo derrière eux.

Tandis qu’ils se dirigeaient vers les loges, Harry se retourna vers eux avec un petit sourire satisfait.

— Alors ce déjeuner, c’était bien ?

— Un vrai repas gastronomique, persifla Olivia, en levant les yeux au ciel.

— J’ai trouvé ça bon, moi, répondit Graham, sans trop savoir pourquoi il se sentait obligé de prendre la défense du snack local.

— Je n’en doute pas, railla-t-elle de plus belle, en se tournant vers Harry. Je l’ai trouvé pratiquement en train de manger par terre.

— Quelqu’un avait renversé un présentoir de bonbons, se justifia aussitôt Graham. Je les aidais juste à ramasser.

— Que ce quelqu’un se trouve être plutôt sexy ne gâchait rien non plus, chantonna Olivia, en riant. J’ignorais que tu avais un faible pour les rousses.

Graham sentit sa mâchoire se crisper et, quand il coula un coup d’œil vers Harry, il ne fut qu’à moitié étonné du regard noir que ce dernier lui décochait.

— Je ferais mieux d’y aller, déclara-t-il subitement.

Olivia leva les yeux de son Smartphone.

— Merci pour le déjeuner, lui lança-t-elle distraitement.

Harry le suivit sans un mot jusqu’à sa loge. Une veine saillante lui battait la tempe. Une fois à l’intérieur, il claqua la porte derrière lui et croisa les bras.

— La rouquine ? La même rouquine ?

— Et alors ? lui rétorqua Graham, en tirant une chaise. Moi qui croyais que tu serais content de mon rendez-vous galant avec Olivia. Ne t’inquiète pas, elle a fait ce qu’il fallait pour qu’il y ait toutes les photos qu’on veut, et même plus.

— Écoute, reprit Harry, en attrapant son attaché-case sur le canapé et en se mettant à fouiller dedans. Tu sais que je ne pense qu’à ton bonheur…

Graham ricana.

— … mais tu ne peux pas te compromettre avec cette fille, poursuivit son agent.

— Avec Olivia ? lui répondit-il, préférant jouer les innocents.

Harry le fusilla du regard.

— Avec Ellie O’Neill.

En entendant son nom, Graham sursauta.

— Comment tu sais ?

— J’ai fait ma petite enquête, lui avoua Harry, en s’empressant de lever les mains pour se disculper. C’est mon job, OK ? (Il sortit une grosse enveloppe brune de sa mallette.) Je n’avais pas l’intention de t’ennuyer avec ça, vu le peu de temps qu’il nous reste à passer ici. Mais je constate que tu es toujours accro à cette…

— Pas du tout, se défendit Graham (un peu trop vite peut-être).

— … fille et que tu ne t’es toujours pas remis de ce qui s’est passé entre vous…

— Ce n’était pas du tout ce que tu…

— … mais je voulais être bien sûr qu’au moins c’était en connaissance de cause, acheva Harry, en lui tendant l’enveloppe.

Graham ne fit aucun geste pour la prendre.

— C’est juste que ce n’est pas le moment de te retrouver impliqué dans une histoire qui pourrait bien se révéler… pas très nette. Pas maintenant, en tout cas.

— Ça ne te regarde pas, lui répliqua Graham, en lui rendant son regard noir.

— Ça ferait mauvais effet, insista Harry, comme s’il ne l’avait pas entendu. La presse se jetterait dessus. Ça pourrait porter un coup à ton image dont on ne se remettrait pas. On ne peut vraiment pas se permettre ça.

L’enveloppe se balançait toujours dans sa main tendue. Quand il comprit que Graham ne la prendrait pas, Harry la laissa tomber sur la table, où elle s’écrasa avec un bruit mat, et se leva.

— Fais-moi confiance, c’est pour ton bien, ajouta-t-il, avant de traverser le van en sens inverse.

Un rayon de soleil éclaboussa la moquette quand il ouvrit la porte, puis disparut.

Enfin seul !

Graham examina sans bouger la grosse enveloppe brune, tiraillé entre l’envie de l’ouvrir et celle de la flanquer à la poubelle. Il ne parvenait pas à imaginer ce que Harry avait bien pu découvrir. Il ne voyait absolument pas pourquoi il avait entrepris de telles recherches, d’ailleurs. Et il n’était pas persuadé de vouloir le savoir.

Il se prit à repenser à ses premiers mails avec Ellie, ce simple échange de mots qui s’était fait si naturellement, tous ces messages entre eux, à propos de pas grand-chose, quand on y réfléchissait bien, mais qui avaient pourtant réussi à leur donner la sensation de partager quelque chose d’important. De tout partager.

Mis à part aujourd’hui, ça faisait des semaines qu’ils ne s’étaient pas revus. Et, même si elle lui manquait, même s’il n’aurait pas demandé mieux que d’aller frapper à sa porte pour la prendre encore une fois dans ses bras, c’était encore bien plus que ça. Déjà, ne pas pouvoir lui écrire ! Il en avait été le premier étonné, mais jamais il n’aurait imaginé que ce serait devenu un besoin à ce point. Pendant tous ces mois, elle avait été la personne à l’autre bout de toutes ses divagations et, maintenant qu’elle n’était plus là, ses pensées tournaient en rond dans sa tête comme des lucioles dans un bocal. Il ne s’était pas rendu compte de ce que ça pouvait représenter d’avoir quelqu’un à qui parler comme ça. Il n’avait pas compris que ça pouvait être une sorte de bouée de sauvetage et que, sans ça, il n’y aurait plus personne pour le sauver s’il commençait à couler.

Il donna une petite pichenette au coin du paquet, le faisant glisser un peu plus près. Il réalisa alors combien il mourait d’envie de découvrir ce qui se trouvait à l’intérieur, de découvrir tout ce qui pouvait, de près ou de loin, concerner Ellie O’Neill, aussi infime, aussi insignifiant que ce soit. Et peu importait ce que c’était ou ce que ça pouvait vouloir dire.

L’enveloppe le narguait, énigmatique dans sa robe brune de document officiel.

Elle avait tout d’un secret scellé.

Il commettait sans doute une énorme erreur.

Mais, au bout d’un moment, n’y tenant plus, il tendit la main…