u début étaient les océans, la lune, les volcans et... la poule.

La poule fit un oeuf.

« Quelle chance! », se dit Hugo Légo, qui n’avait pas de tête.

« ne tête sans nez, ça ne marche pas », pensait-il, alors qu’approchait à pas feutrés le grand Tunéné Berjusa qui, lui, en avait huit.

Aimerais-tu avoir un de mes nez? lui proposa-t-il en éternuant avec le numéro 3, tout en se mouchant avec le numéro 7.

… Le numéro 4, poursuivit Tunéné en reniflant bruyamment avec le numéro 2, n'a jamais eu le moindre rhume et il est garanti.

ais attention, lui dit-il en se grattant le numéro 6, ne t’avise pas d’y fourrer ton doigt. Tu pourrais perdre ton nez à jamais!

« Quelle chance! » se dit Hugo Légo, qui n’avait pas de nez.

ne tête avec un nez, c’est déjà mieux. Encore te faudrait-il deux yeux pour l’accompagner! lui suggéra Madame Noeu-Noeuil, gonflée d'orgueil, elle qui en avait six.

… Je peux t’en céder deux, lui dit-elle en louchant des deux premiers.

es numéros 2, vois-tu, sont un peu presbytes, surtout quand ils sont émus. Je te conseille les numéros 3. Ils n’ont jamais pleuré une seule fois. Mais prends garde de ne jamais regarder la lune à minuit moins le quart. Tu les perdrais à jamais!

« Quelle chance! » se dit Hugo Légo, qui n’avait pas d’yeux.

onton Babouche, au détour d'un chemin, bouche bée, tomba sur Hugo Légo, joli garçon, belle tête, beau nez, bel oeil, mais pas l'ombre d'une bouche!

Je pourrais te pa-passer une bou-bouche, lui proposat-il, bégayant avec la numéro 5, moi qui-qui en ai on-onze.

a nu-numéro 6 est très lo-loquace, expliqua Tonton Babouche. La 8 est mumuette comme une ca-carpe. La 10 ba-bave sur l’oooreiller quand elle dort. La 11 se ronge les zon-zongles. La 4 se ba-babine tous les soirs. La 9 est pa-pas mal, tu-tu pourrais l'avoir. Mais ne t’a-t’avise jamais de ti-tirer la langue, tu perdrais ta bouche à ja-jamais!

« Quelle chance! » se dit Hugo Légo, qui n’avait pas de bouche.

onjour, dit Hugo Légo à Mathilde Zoreille, qui l’entendit cinq fois car elle avait cinq oreilles, deux rouges, une verte et deux bleues, qu’elle orientait au gré du vent pour écouter les étoiles.

— Je peux te céder une oreille, dit-elle à Hugo. Ou plutôt deux : c'est mieux pour la stéréo.

ais attention, ajouta-t-elle, les deux bleues se battent souvent à coups d'otites. Il faut sans doute les séparer. Je peux t’en donner une volontiers. La rouge se fait tirer l’oreille et n'entend que ce qu’elle veut bien entendre. Les deux vertes sont près du coeur. Tu peux leur parler sans peur. Une seule condition : n’écoute jamais aux portes car tes oreilles disparaîtraient sur-le-champ!

« Quelle chance! » se dit Hugo Légo, qui n'avait pas d'oreilles.

e vois avec mes yeux, j'entends avec mes oreilles, je parle avec ma bouche, je sens avec mon nez!

Hugo Légo était ravi.

Que pourrais-je bien faire à présent? dit-il en se fourrant le doigt dans le nez... et il perdit son nez.

 

a lune, là-haut, riait à en perdre ses baleines.

Hugo! lui cria-t-elle, sais-tu quelle heure il est?

Il est minuit moins le quart, répondit-il... et il perdit ses deux yeux.

es nuages et l'arc-en-ciel fraîchement repassé se tordaient de rire. Les étoiles, tirées à cinq épingles, étaient dans le cirage.

Hugo n’avait pas la tête à sourire. Il leur tira la langue... et perdit sa bouche!

errière la porte jaune, la lune, les nuages, l’arc-en-ciel et les étoiles se réunirent d'urgence.

Bla… bla… bouche… Bla… bla… noeu-noeuil… Bla… bla… nez…

Hugo était inquiet. Il s’approcha de la porte… Il écouta… et perdit ses oreilles!

ur la tête d'Hugo, lisse comme un oeuf, pas l’ombre d’un nez, d’une bouche, d’un oeil ou d’une oreille!

Hugo n’en peut plus : il craque. La coquille de l’oeuf se fend et tombe à terre.

ugo est tout neuf!

Là-haut, la lune, rouge d’émotion, se tourne vers une étoile qui scintillait de plaisir.

C’est Hugo! s'écrie la lune.

Oui, dit l’étoile… et il est très beau!